Ce mardi, les petits exploitants de la confédération paysanne se sont présentés devant la DDTM, la direction départementale des territoires de la Manche avec leurs dossiers PAC. Le calcul de leurs surfaces agricoles diffère de celui de l'UE, leus subventions pourraient être impactées.
"Regardez là, il y a des maisons, celles des mes voisins, donc je n'exploite pas ces parcelles! C'est normal non? Pourquoi aurais-je déclaré une surface que je cultive pas?" s'interroge Yves Sauvaget, agriculteur à Saint-Ovin et membre de la Confédération Paysanne, en scrutant l'étendue de son champ. Selon les plans du ministère de l'agriculture, il déclarerait trop de terres agricoles par rapport à la surface qu'il exploite en réalité. "Le problème c'est que derrière tout cela, il n'y a pas d'homme, mais une machine qui calcule. Alors forcement, c'est n'importe quoi!" A partir des vues aériennes fournies et délimitées par le logiciel européen, l'agriculteur doit vérifier sur le terrain. En moyenne sur chaque exploitation, 200 points sont potentiellement litigieux.
La FNSEA dénonce une "folie administrative"
Les professionnels qui ont commencé à recevoir leurs formulaires autour du 18 janvier en dénoncent la complexité pour extraire les "surfaces non agricoles" (SNA) telles les chemins, haies, étangs, mares...La FNSEA, le principal syndicat d'exploitants, dénonce "une situation ubuesque, inacceptable", et une "folie administrative". Le nouveau format de déclaration des SNA imposerait de "vérifier chaque parcelle,chaque arbre pour chaque exploitation", selon la fédération. "Sur certaines exploitations il faut remplir jusqu'à 800 fiches", a assuré à l'AFP son président, Xavier Beulin."Au moment où les crises agricoles frappent de plein fouet nos territoires et nos exploitations, ce dossier est à l'envers de ce qu'il faudrait faire", juge la patron de la FNSEA.
Stéphane Le Foll tente de rassurer les agriculteurs
Mardi soir, Stéphane Le Foll a voulu rassurer les agriculteurs au bord de la crise de nerfs en le recommandant de "se concentrer sur les erreurs significatives" dans leurs déclarations, celles susceptibles de modifier les paiements européens. "Mais si l'agriculteur ne corrige pas les erreurs mineures ce n'est pas grave", a-t-il ajouté aussitôt. "Ce n'est pas une obligation, il ne sera pas sanctionné". Pour apaiser les esprits, le ministre a même indiqué qu'un "guide pratique" a été adressé aux agriculteurs, afin de leur simplifier l'exercice de vérification entre les surfaces éligibles et celles qui doivent être écartées. Dans cette phase, a-t-il même insisté, l'exploitant "n'a aucun intérêt à demander des micromodifications" qui représenteraient une charge de travail pour lui. Il pourra toujours le faire "plus tard", au moment de la demande d'aide en ligne via le système Telepac, a conseillé le ministre.
Une simplification administrative souhaitée par l'UE
A Bruxelles, le Commissaire chargé de l'Agriculture Phil Hogan, souvent décrié par la FNSEA pour son tropisme libéral et anglo-saxon (il est Irlandais et aucun Français ne siège dans son entourage, rappelle M. Beulin) semble souhaiter lui aussi un dégraissage des formalités. "La simplification" de la PACserait même "une de ses priorités absolues", glisse une source à la Commission. "Tout au long de l'année 2015, des mesures ciblées de simplification ont été adoptées qui peuvent considérablement faciliter la vie quotidienne des agriculteurs", plaide-t-elle encore. Le mois dernier, M. Hogan a d'ailleurs présenté un système de cartons jaunes, assorti de sanctions "plus équitables et proportionnées" pour les agriculteurs, jugeant "injuste que des erreurs commises de bonne foi soient considérées comme des infractions", rappelle-t-on à la Commission.
La France principale bénéficiaire de la PAC
Cette campagne 2015-2016 voit la première mise en oeuvre de la PAC réformée, dont la France est l'un des principaux bénéficiaires avec un peu plus
de 9 milliards d'euros par an. Le versement des aides agricoles est conditionné par ce recensement des surfaces. Il doit être finalisé le 29 février 2016.
Reportage Mathieu Bellinghen et Jean-Michel Guillaud
Guy Bessin: agriculteur à Saint-Georges-d'elle
Yves Sauvaget: agriculteur à Saint-Ovin (50) - Membre de la Confédération Paysanne