DOCUMENTAIRE. "Les brisés de la mer" : enquête sur la toxicomanie chez les marins pêcheurs

Depuis une dizaine d'années, de plus en plus de marins consomment du cannabis, de la cocaïne ou encore de l'héroïne. Pour "un moment d'évasion". Pour faire face à "la dureté du métier". Un sujet sensible, presque tabou, sur lequel s'est penchée la réalisatrice Léa Ménard dans le documentaire "Les brisés de la mer", à découvrir sur France 3 Normandie.

Au départ, des chiffres. Ceux d’une étude de 2013 menée sur le littoral atlantique par le service de santé des gens de mer : sur 1 000 marins, 28% ont été testés positifs au cannabis et 4,5% à la cocaïne.

Le constat est plus qu’alarmant sur la tranche d’âge des moins de 35 ans : 46% de positifs au cannabis et 8% à la cocaïne. Pourtant, la pêche est le secteur professionnel le plus dangereux en France, où il vaut mieux être maître de soi. Le nombre d’accidents mortels y est cinq fois supérieur au secteur du BTP, quinze fois supérieur à la moyenne française.

"Les brisés de la mer" est une enquête réalisée par Léa Ménard. À découvrir dans la case documentaire "La France en vrai" diffusée désormais tous les jeudis soirs après votre film.

La consommation d’alcool, la consommation d’héroïne, c’est souvent parce qu’il y a un trop grand stress du métier. C’est lié au métier en tant que tel. Le fait d’être absent, le fait de ne pas avoir d’accroche sociale. Le fait de manquer de vie familiale… et souvent, ça part dans tous les sens.

Bernard Le Floch, médecin généraliste

Extrait du documentaire « Les brisés de la mer » de Léa Ménard

Depuis 2015, les dépistages du service de santé des gens de mer ont été renforcés. Là encore, les chiffres sont alarmants et ils augmentent depuis une bonne dizaine d’années. En 2019 par exemple, sur 20.724 prélèvements, 72 sont positifs à la cocaïne, 18 sont positifs à l'héroïne, 332 au cannabis.

La dureté du métier fait qu’on a envie toujours d’un moment d’évasion.

Lucien, pêcheur et toxicomane

Bernard Le Floch est médecin généraliste au Guilvinec, dans le Finistère. Il a mené une étude pour tenter de comprendre pourquoi et comment la consommation de substances psychotropes est si élevée chez les marins. Pour lui, c’est lié à leur mode de vie.

Interrogé dans le documentaire, Lucien, pêcheur, consommateur d’héroïne et sous traitement de substitution confirme : 

« La dureté du métier fait qu’on a envie toujours d’un moment d’évasion. Quand on est en mer, on est privé de tout, on a l’impression de vivre dans une boîte de conserve. Au final, quand on rentre, on a envie de compenser. Au moins dans les premières heures. Des fois, le retour à la réalité c’est dur. 

- C’est quand la dernière fois que vous avez consommé ?

- La dernière fois que j’étais à terre. La prochaine fois ça va être dans pas longtemps je pense. Rien que le fait d'en parler, ça donne envie. »

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Une coproduction France Télévisions et Beau comme une image ©"Les brisés de la mer", de Léa Ménard

Un sujet tabou ?

Le sujet est sensible, voire « tabou ». Léa Ménard, réalisatrice des « Brisés de la mer » aura travaillé plus d’un an sur ce film.

C’était compliqué de trouver des témoins. C’est un tout petit milieu, ils ont peur d’être reconnus. Dans ces cas-là, le temps dont on bénéficie pour faire un documentaire est un luxe. Il faut de la patience. Et en même temps, quand je leur demandais si le sujet était tabou, tous me répondaient « non ». C’était désarçonnant. Les questions les moins bien posées ont souvent donné lieu aux réponses les plus intéressantes.

Léa Ménard, réalisatrice des "Brisés de la mer"

L'interview de Léa Ménard, la réalisatrice du documentaire, dans son intégralité :

durée de la vidéo : 00h07mn49s
« Les brisés de la mer » de Léa Ménard Une coproduction France Télévisions et Beau comme une image ©France Télévisions

Avec plus de 1.000 blessés et une dizaine de morts chaque année, la pêche est le secteur professionnel le plus dangereux en France.

En juin 2019, les conclusions du Bureau enquête accident (BEA) mer sur le naufrage d'un chalutier en baie de Saint-Brieuc en 2018 qui avait fait deux morts ont fait l'effet d'une bombe dans le milieu. Le manque de réaction du matelot lors de l'accident mortel était lié "à l'influence du cannabis". 

Il y a les risques d’accidents et il y a les risques judiciaires : « La détention de stupéfiants peut notamment avoir des conséquences judiciaires dramatiques pour le marin navigant à l’étranger car les lois diffèrent selon les pays. Plusieurs marins ont été emprisonnés pour ces raisons lors d’escales dans certains pays », rappelle le guide de prévention gouvernemental "Pas d'ça à bord".

REVOIR / Replay. "Les brisés de la mer", un documentaire diffusé le jeudi 6 janvier 2022 à 22h35 sur France 3 Normandie.

Et en replay ici, dès le lendemain de sa diffusion.

« Les brisés de la mer » de Léa Ménard

Une coproduction France Télévisions et Beau comme une image

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