Un autocar, qui transportait 51 personnes, dont 41 enfants et 10 adultes, a fait une sortie de route à hauteur d'Eguilly (Côte d'Or) dans la nuit du samedi 2 au dimanche 3 mars 2024, coûtant la vie à une adolescente de 14 ans. Sous le choc, les enfants vont devoir reprendre leur quotidien. Comment les y aider ?
Marion Collery est psychologue de la cellule d’urgence médico-psychologique 76. C’est une structure spécialisée dans le psychotraumatisme immédiat et post-immédiat.
Suite à cet accident d'autocar à hauteur d'Eguilly (Côte d'Or), où une adolescente de 14 ans a perdu la vie, le choc est immense, mais tout le monde ne développera pas un traumatisme. Cela dépend de la personnalité de chacun, de son entourage.
Des clés pour penser à "l'après"
Pou rappel, le véhicule transportait 51 personnes, dont 41 enfants (de 5 à 15 ans) et 10 adultes, dont le chauffeur. L'autocar était parti des Andelys (Eure) et devait rejoindre Saint-Léger-les-Mélèzes (Hautes-Alpes), près de Gap.
Ces Eurois partaient en colonie de vacances au ski. Certains enfants ont dû enjamber le corps de la victime pour sortir du car.
Marion Collery préconise un accompagnement pour permettre la gestion de cet événement, et donne plusieurs clés pour penser à "l’après". Pour elle, il est primordial de libérer la parole.
Comment agir dans ce genre de situation, en tant que parent ?
Marion Collery, psychologue de la cellule d’urgence médico-psychologique 76 : Pour tout traumatisme, il faut laisser le temps, rester bienveillant, accueillir les émotions. Il ne faut pas non plus forcer les adolescents à parler. Car, il peut y avoir la peur du jugement, la peur de ne pas être compris. Plusieurs outils peuvent être utilisés tels que le dessin, l’écriture, etc.
Certains ne vont pas parler, mais “c’est ok”. Il faut se mettre à leur hauteur pour essayer de les comprendre. Il y a plusieurs temporalités sur ce qu’ils ont vu et ce qu’ils n’ont pas vu, cela ne sera donc pas le même degré de traumatisme.
En fonction de son degré, cela ne sera pas la même prise en charge, il faut utiliser des questions simples : peux-tu m’expliquer ce que tu as vu ? Est-ce que tu comprends ce qui est arrivé ? Comment tu te sens ? Essayer de faire un “déchocage émotionnel”...
Des choses très simples, qui peuvent les rassurer et leur montrer qu’on est à l’écoute et qu’ils sont bien en sécurité ici avec leur entourage.
Il ne faut pas forcément utiliser des mots comme "je suis désolée", plutôt mais « je comprends ce que tu as vécu » et « est-ce que tu veux en parler ? ». Adopter une posture d’écoute et de réassurance.
Pour la digestion émotionnelle, est-ce que ce n’est pas trop tôt ?
Il ne s’agit pas de forcer la parole, il y a des individus qui vont essayer de comprendre et d’autres non, chacun a son vécu, sa temporalité. Il faut la respecter. Quand on parle de traumatisme immédiat ou post-immédiat, la capacité de résilience n’est pas la même pour tous.
Mais il faut expliquer que des symptômes peuvent apparaître : flashs, cauchemars, manque d’appétit, tout ce qui est au niveau corporel (courbatures, sensation de corps lourd..), une capacité attentionnelle moins résistante, une humeur irritable.
Ce qui permettra aux adolescents de comprendre pourquoi ils ressentent ce genre de choses qu’ils n’avaient probablement jamais ressenties auparavant et que ces symptômes partiront avec le temps et la verbalisation.
C’était une destination vacances, de repos, de légèreté, et cette légèreté a subi un choc. Chez tout public, dès lors qu’il a un choc, il ne faut pas le court-circuiter.
Donc il y en aura qui parleront et d’autres, pas du tout. Il faut leur laisser le temps de la digestion. La vie leur a montré qu’à tout moment, cela peut basculer. La maturité affective est différente selon les âges donc certains vont très vite comprendre et d’autres auront besoin qu’on les aide à remettre une temporalité et du sens.
Concernant les adolescents qui ne parlent pas, cela ne veut pas dire que le travail n’a pas commencé. Les trois premiers mois après l’évènement le cerveau est censé être plus apaisé mais il faut impérativement rester vigilant les trois premiers mois après l’événement.
Avec les réseaux sociaux, les images, est-ce que cela ne va pas accentuer le traumatisme ?
C’est compliqué à leur âge de leur enlever leurs téléphones, car ils sont nés avec. Il faut avec le public adolescent les laisser gérer tout en les mettant en garde sur le danger d’être trop collé aux réseaux/informations, au risque de développer un traumatisme.
Pourquoi ne pas les faire écrire, leur indiquer des outils comme : un groupe de parole, écrire sur un carnet, en discuter avec les amis, une cellule psychologique.
Les professionnels de la cellule sont là pour les aider à verbaliser, décharger leurs émotions, il n’y aura aucun jugement. Il ne faut pas hésiter, ne pas avoir peur. Il faut absolument enlever le poids qui peut être lourd sur leur épaule.
Le fait de le libérer contribue à l’acceptation et la digestion du choc émotionnel et donc d’éviter un « psychotraumatisme ».