Les jurés ont prononcé l’acquittement de l’ex-assistante maternelle, accusée d’avoir provoqué la mort de Cameron, un bébé de 13 mois, en 2014 dans l’Eure. Les preuves ont en effet été jugées insuffisantes, et les contre-expertises ont mis en doute le diagnostic de syndrome du bébé secoué. Le verdict, inattendu pour certains, inespéré pour d’autres, a provoqué une vive émotion.
"J’ai la tête haute. J’ai toujours eu la tête plus ou moins haute. Très lourde, avec une épée de Damoclès, mais j’ai toujours gardé cette force", a réagi Marie-Laure P. à l’issue d’un procès en appel sous haute tension. Près de trois heures de plaidoirie à l’issue de laquelle Me Grégoire Etrillard, son avocat, a clamé, en la désignant : "elle est totalement innocente".
Une "honte" judiciaire et médicale
Marie-Laure P. s’était préparée à repartir à la maison d’arrêt. En première instance, en mai 2021, elle avait en effet écopé de huit ans de prison. Une peine de nouveau requise par l’avocate générale : "la valise était prête dans le coffre", a confié l’ancienne nourrice âgée de 48 ans, placée jusque-là sous contrôle judiciaire. "C’est difficile de se dire qu’il faut refaire une valise."
Quand je vois les larmes que ça procure à mes filles, à mon fils, à mon futur mari… Ça y est on va pouvoir se marier ! Forcément, ça fait du bien.
Marie-Laure P.à France 3 Normandie
Me Etrillard a fait des affaires de bébés secoués l’une de ses spécialités. Pour lui, les antécédents médicaux du petit Cameron n’ont pas été pris en compte quand le diagnostic a été posé – l’enfant, hospitalisé six fois lors de sa première année, souffrait de difficultés respiratoires et de déglutition et avait subi une opération du larynx. "La médecine, c’est beaucoup plus compliqué", a-t-il plaidé.
Il y a en ce moment-même des bébés placés, des familles détruites, des gens qui purgent des peines injustes. Il faut que ça change. Si cet acquittement peut y contribuer, ce ne sera pas 9 ans de perdus.
Me Grégoire Etrillardà France 3 Normandie
"C’est scandaleux, c’est une honte judiciaire et médicale", a-t-il ajouté. "La médecine, c’est essayer d’expliquer les mécanismes endogènes à l’enfant sur la base de toute une vie. Il faut arrêter cette folie [les diagnostics de bébés secoués seraient, pour lui, parfois posés trop tôt, ndlr] qui entraîne d’énormes quantités d’erreurs judiciaires."
"Ils ne savent toujours pas de quoi leur bébé est mort"
Malgré tout, le choc est difficile à encaisser pour les parents de Cameron et leurs filles. Difficile de faire son deuil sans réponse, neuf ans après les faits. "Les parties civiles se sont forgées la conviction que Mme P. avait commis un geste irréparable. On vient leur dire que finalement, on est sûr de rien", a souligné leur avocate, Me Corinne Gauthier.
A ce moment-là, à chaque procès qu’il y aura pour le syndrome du bébé secoué, l’avocat de la défense dira que les médecins sont des menteurs. Et ça passera en acquittement !
Père de Cameronà France 3 Normandie
"Ça fait 9 ans qu’ils attendaient des réponses. Ils n’en ont pas. Si on leur dit que ce n’est pas l’accusée qui a secoué cet enfant… Ils ne savent toujours pas de quoi leur bébé de 13 mois est mort", a-t-elle relevé. "Je suis toujours rassurée qu’un acquittement arrive devant une cour d’assises. Ça veut dire que le système fonctionne. On doit tous s’en réjouir. Mais évidemment, pour mes clients, c’est dramatique."
Un choc immense, et une détresse dont leur ancienne assistante maternelle s’est dite profondément consciente. "Je suis vidée. Je pense qu’il va me falloir quelques jours pour redescendre et vraiment réaliser", a-t-elle avoué. "Je veux quand même parler de la famille. J’ai toujours été respectueuse envers eux, même s’ils ne le pensaient pas. On leur dit depuis toujours que c’est moi qui ait secoué Cameron. Ma dernière pensée, c’est évidemment pour ce petit garçon. Il sera toujours avec moi."