A Evreux, la communauté tchétchène sous le choc après l'attentat de Conflans

Quatre jours après l'assassinat de Samuel Paty, un professeur de collège, par un jeune Russe radicalisé à Conflans-Sainte-Honorine, la communauté tchétchène d'Evreux (Eure) peine à comprendre les agissements d'Abdoullakh Anzorov, un de leur voisin.

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"Je le voyais rarement et il était souvent tout seul". A Evreux, dans le quartier de la Madeleine, les voisins du Russe tchétchène qui a décapité un enseignant, vendredi 16 octobre, dans les Yvelines brossent le portrait d'un jeune homme "discret", "plongé dans la religion" depuis trois ans.
 
Au lendemain de l'attentat à Conflans-Saint-Honorine et d'une série de perquisitions au domicile familial d'Abdoullakh Anzorov, le calme régnait samedi dans les rues voisines de la maison d'arrêt de la capitale de l'Eure, à une centaine de kilomètres à l'ouest de Paris.

Devant l'immeuble de quatre étages dans lequel vivait l'assaillant de 18 ans, de jeunes enfants passent à vélo, une poignée de voisins sortent faire leurs courses ou promener leur chien. Les volets des fenêtres du premier étage, où vivait la famille, sont à moitié fermés.
 
Dans la nuit, l'appartement de la famille Anzorov a été visité par les policiers du Raid et de la Sous-direction antiterroriste (SDAT). L'opération s'est soldée par l'interpellation, "sans heurts" selon une source policière, des parents, du grand-père et du petit-frère de l'assaillant.

"Un coin familial"

"Je suis choqué", confie un voisin de 44 ans, qui n'a pas souhaité donner son nom. "On a beau être voisin, on ne peut pas connaître la vie des gens, ici c'est juste 'bonjour, au revoir', ça s'arrête là".

Après c'est un coin paisible, ce n'est pas le coin le plus malfamé de la Madeleine. (...) C'est un coin familial, il n'y a pas un bruit et c'est tout le temps comme ça.

Un voisin de l'assaillant, à Evreux


Assise avec une amie sur des marches d'escalier non loin de là, Sofia, 23 ans, abonde. L'agresseur, "je le voyais mais c'était rare, je voyais plus ses petits frères". "Ma mère l'a vu il y a trois ou quatre jours, il était tout seul mais c'était souvent le cas. C'était rare qu'il se mélange aux autres", ajoute la jeune femme, en évoquant une famille très "discrète".
 
 

Il ne sortait plus trop

Connu pour des antécédents de droit commun, il ne l'était toutefois pas des services de renseignements pour radicalisation. C'était "un jeune sans souci", qui "a été scolarisé à Evreux jusqu'au lycée et qui ne présentait pas de signe avant-coureur de radicalisation", confirme un élu local. "Il n'y avait aucun souci avec cette famille".

Au volant de sa voiture, un jeune en doudoune noire et sweat à capuche gris décrit son voisin, qui était dans le même collège que lui, comme quelqu'un "qui ne sortait plus trop" : "Avant, il était impliqué dans des bagarres, mais ces deux, trois dernières années, il s'était bien calmé" et s'était "plongé dans la religion", raconte-t-il, "il faisait ses prières, il n'était pas trop dehors, il parlait poliment".
 
"Je ne sais pas ce qui s'est passé dans la tête de ce garçon", s'interroge Albert, 40 ans, qui habite un bloc d'immeubles plus loin.

Quelque chose par rapport à la religion, c'est très étrange parce que tout le monde est calme ici.

Albert, un riverain du quartier de la Madeleine à Evreux.

Une communauté qui ne pose pas de problème particulier

Une source policière tempère. "Le quartier de la Madeleine, c'est une grosse cité avec toutes ses déviances, de la radicalisation, des points de deal". Mais la communauté tchétchène, estimée à 200 personnes à La Madeleine sur 12 000 habitants, "ne pose pas de problème particulier", ajoute-t-elle.

Cette communauté s'inquiète désormais d'être victime de stigmatisation après l'attentat : "Nous sommes venus pour vivre comme tout le monde, bien travailler et s'occuper de sa famille. J'ai peur que ça se retourne contre nous et que ça se finisse mal. Nous n'avons rien à voir là-dedans. Pourquoi on devrait payer les actes d'un individu, juste parce qu'il est musulman ou qu'il fait partie de la communauté tchétchène ?", s'interroge un jeune Tchétchène qui n'a pas voulu donner son nom.
 
Il le connaissait depuis son arrivée en France et le croisait de temps à autre dans le bus : "On est tous choqués par rapport à ce qu'il s'est passé. On n'arrive pas à y croire. C'est un petit que l'on croisait tous les jours, il était gentil avec tout le monde."

Le jeune homme a peur que la communauté tchétchène soit pointée du doigt. D'autant plus qu'un autre fait local a concerné, il y a moins d'un mois, cette population : des heurts avec la communauté africaine avaient entraîné la mort d'un Tchétchène de 27 ans.
 
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