Journées de la schizophrénie : « Je n’ai jamais eu honte de cette maladie. Je n’ai rien fait pour l’avoir ».

Thomas souffre de schizophrénie. Une maladie psychique qui s’est immiscée dans sa vie à l’adolescence. En France, une personne sur 100 souffre de ce trouble. Les journées de la schizophrénie se déroulent du 19 au 26 mars 2022 pour sensibiliser le grand public à cette question.

« Lorsque j’étais au collège, je méditais souvent dans le car scolaire qui me ramenait chez moi. Un jour, j’ai demandé à cette voix qui me répondait qui elle était. Elle m’a dit : je suis Dieu » se souvient Thomas, âgé aujourd’hui de 37 ans. « Pour moi, à ce moment-là, ce n’était pas la maladie. Je parlais à Dieu. Je me sentais privilégié. Je mettais même ma vie entre ses mains ». Le trentenaire nous raconte ce jour où voulant réaliser un record de vitesse à vélo, il laisse la voix le guider aux différentes intersections routières. « La seule fois où elle m’a dit de ne pas traverser, une voiture est passée devant moi. Comment ne pas y croire ? »

« Avec le traitement, la voix s’est tue, je n’avais plus qu’à réapprendre à vivre » 

Cette voix d’abord bienveillante demande à Thomas de ne pas en parler à sa famille. L’adolescent s’isole. Il part étudier dans un lycée dans le Jura, loin du domicile parental. Après une fugue, il est orienté par son établissement vers un psychiatre.

Le diagnostic est alors prononcé : Thomas souffre de schizophrénie. « C’a été une forme de soulagement » se rappelle-t-il. « C’est une maladie. Je n’ai jamais eu honte, je n’ai rien fait pour l’avoir.  Avec le traitement, la voix s’est tue, je n’avais plus qu’à réapprendre à vivre ». Se sentant mieux, quelques mois plus tard, le jeune homme décide d’arrêter ses médicaments.

Une rémission de 10 ans

Pendant près de 10 ans, Thomas va bien. Il a son propre appartement, travaille comme chauffeur routier. Un métier qui le passionne. Il ne prend pas de vacances, remplace les collègues absents et passe le plus clair de son temps dans son camion.

Mais, en 2012, la maladie revient dans sa vie. « C’a été à la fois progressif et soudain. La fatigue et le stress du travail se sont accumulés. Ce sont des facteurs de rechute. Et un jour, j’ai entendu mon cerveau. C’était comme s’il craquait. La voix m’a dit : « c’est maintenant que tu vas en chier ». J’ai très vite compris que la maladie revenait » nous confie-t-il.

A 28 ans, Thomas ne peut plus travailler.

En un an, j’ai perdu tout ce que j’étais parvenu à reconstruire. La rechute a été d’autant plus brutale que j’étais convaincu d’être guéri. Et là, il a fallu que j’apprenne à ma famille, mes amis que j’étais malade

Thomas, 37 ans

Une rechute profonde

Thomas est de nouveau pris en charge par un psychiatre. Son traitement lui fait prendre 40 kilos. « La schizophrénie, ce n’est pas qu’une voix. C’est de l’isolement social, de la dépression, des idées noires » précise-t-il pudiquement. Jamais il n’a été hospitalisé sur une longue période. Jamais il n’a eu de comportement violent ou agressif envers les autres. « J’ai beaucoup plus souffert que je n’ai fait souffrir les autres » résume-t-il.

Lors de sa rechute en 2012, le jeune homme est contraint d’en parler à ses parents. Un moment très déstabilisant pour sa mère. Thomas est le petit dernier d’une fratrie de quatre. Avant de se confier à elle, il en avait parlé à sa sœur aînée. « C’est ma fille qui me l’a appris. Thomas avait alors 28 ans et il souffrait depuis son adolescence. Pourquoi ne s’était-il pas confié à moi ? Pour la maman proche de ses enfants que je pensais être, ça a été très dur » se remémore Elisabeth, sa mère.

« Je fonctionnais avec l’image véhiculée par les médias »

Dans un premier temps, elle est perdue.

La schizophrénie, j’en avais entendu parler. Mais ça ne me semblait pas possible que mon enfant soit touché. Je ne connaissais personne souffrant de cette pathologie. Alors je fonctionnais avec l’image véhiculée notamment par les médias : la dangerosité, les cris, les propos incohérents… mais tout ça, ce n’était pas Thomas.

Elisabeth, mère de Thomas

Comme son fils est très lucide sur sa maladie, Elisabeth croit dans un premier temps qu’il souffre d’une schizophrénie légère « Et puis j’ai compris qu’il avait beaucoup souffert et que ça avait été très douloureux pour lui ». Alors la mère de famille compense.

Elle aide Thomas, l’accompagne, le conseille, fait son ménage, ses courses… « C’était un peu trop invasif » reconnaît-elle aujourd’hui. « On peut imaginer en tant que parents qu’avec de l’amour, ça va suffire. Mais on fait des erreurs. J’ai fini par comprendre que je lui renvoyais une image de quelqu’un de vulnérable. Ce n’était pas bon car l’estime de soi est déjà très impactée par la maladie. »

Ne pas rester isolé

Pour mieux comprendre et apprivoiser la schizophrénie, Elisabeth se rapproche de l’Unafam, l’Union nationale de familles et amis de personnes malades et/ou handicapées psychiques, dans l’Eure où elle réside. Elle participe à des groupes de parole. Elle n’est plus seule. Pendant trois ans, elle suit également un programme de formation dédié aux familles, dispensé par l’hôpital de Navarre à Evreux.

Aujourd’hui, la mère de Thomas se dit plus sereine. « Je suis moins aspirée par la maladie. La schizophrénie dont souffre mon fils m’impose des choses. Mais j’arrive à décider de ce que je mets dans ma vie en plus de la maladie. Je reprends du pouvoir sur elle. »

Vers un projet professionnel

Des mots que Thomas pourrait sans doute prononcer lui-même. Dix ans après sa rechute, une prise en charge à l’unité de remédiation psycho-sociale à l’hôpital de Navarre à Evreux lui a permis de reprendre pied. 

Ce n’est pas qu’un suivi médicamenteux. Il s’agit d’ateliers de remédiation cognitive où nous apprenons à vivre avec la maladie, à gérer notre stress, notre tendance à l’isolement social par exemple. 

Thomas, à propos de la réhabilitation psycho-sociale

A 37 ans, Thomas est aujourd’hui stabilisé. Il dit prendre désormais moins de médicaments grâce à cette thérapie. Il espère pouvoir travailler de nouveau et devenir "médiateur de santé-pair". Ce métier nouveau en France repose sur le principe de l'entraide entre pairs. Il consiste pour des malades en rémission complète ayant souffert de troubles psychiques à accompagner d’autres patients atteints de la même pathologie. Une façon sans doute pour Thomas de rendre tout le soutien que sa famille et ses amis lui ont apporté.

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