Laurence a enseigné pendant 30 ans. Dans différentes classes, en tant que professeure des écoles. Elle a fait un choix audacieux. Démissionner, quitter l’éducation Nationale. A 54 ans elle se sentait parfois incompétente, mais aussi infantilisé par sa hiérarchie. Elle raconte.
Ce jeudi 1er septembre 2022, Laurence ne fera pas sa rentrée. Après 30 ans dans l'éducation nationale, cette enseignante raccroche. "J'ai eu une longue carrière dans l'éducation nationale, j'ai occupé plusieurs postes." Depuis 4 ans, la quinquagénaire occupait un poste à Tilly dans une IME, un Institut Médico-Educatif qui a pour mission d'accueillir des enfants et adolescents handicapés atteints de déficience intellectuelle. "Je n'étais pas complètement satisfaite de ce que je vivais même si ça se passait très bien."
Laurence a enseigné pendant 30 ans, dans différentes classes et à tous les niveaux, en tant que professeur des écoles. Mais au fil de sa carrière Laurence a constaté qu’elle travaillait pour une petite minorité d’élèves. En gros, les meilleurs. Cela ne correspondait pas à sa conception de l’enseignement. "Cette réalité était pesante parce que je ne parvenais pas à adapter ce que je faisais à l'ensemble de mes élèves. J'avais une impression de gâchis et il était difficile d'en parler autour de moi."
En juin, elle a décidé de démissionner. A 54 ans, elle ne se sentais plus soutenue, ni écoutée par sa hiérarchie. "En tant qu'enseignante, la charge mentale est très compliquée. C'est un métier qu'on ne quitte pas. C'est très compliqué de reconnaître ses difficultés et de pouvoir en parler. On a l'impression d'être fautif. Beaucoup d'enseignants n'en parlent pas."
Parmi les difficultés, il y a la charge de travail. On dit que les enseignants ont beaucoup de vacances mais ça me fait sourire. La correction des copies, le travail de préparation.. il y a tout un off qui fait qu'il y a une charge très grande de travail. C'est parfois difficile de gérer sa vie personnelle.
Laurence
Reconversion dans une épicerie
Avec une amie, Laurence va reprendre un commerce dans le village de Tilly. Elles y vendront des produits locaux. "Je l'ai senti comme quelque chose qui arrivait au bon moment dans ma vie : mes enfants ne sont plus à charge, j'ai touché un petit héritage. J'avais envie de changer de métier. A plus de 50 ans je me suis dit que je pouvais apprendre."
Selon elle le Covid a accéléré les choses. De nombreux enseignants ont constaté que ce qu’ils ressentaient, ne correspondait plus à ce qu’ils voulaient.
Il y a un sentiment de solitude dans l'enseignement. C'est difficile d'avoir des interlocuteurs, de travailler en équipe de façon construite. Le temps manque.
Laurence Pelletier, professeure des écoles démissionnaire
Jamais l’éducation nationale n’avait connu autant de démissions. En une décennie, le nombre de démissionnaires a plus que triplé. En 2021 ils étaient plus de 2200 enseignants à quitter le navire. En cause : la lassitude, la perte de sens, le sentiment de n’être ni écoutés ni épaulés par un “système absurde”.