C'est un documentaire intime qui a la force de l'universel. "Mémé" est l'adaptation du livre de Philippe Torreton paru en 2014. L'acteur y raconte sa grand-mère, une ouvrière paysanne de Pont-Audemer, dans l'Eure. Les images d'archives et les mots du comédien se mélangent pour brosser un portrait qui raconte toute une époque.
Mémé est née avant le plastique, avant le téléphone, avant les maternités, avant la Première Guerre mondiale.
C’est l’entrée dans l’ère du progrès et du confort que Philippe Torreton convoque dans le portrait de sa Mémé et le glissement progressif de nos sociétés vers trop d'objets inutiles, vers le pétrole ou encore une industrie agroalimentaire assez maline pour vendre des camemberts pasteurisés à de vrais Normands.
En scrutant les souvenirs de sa Mémé, Philippe Torreton regarde, sans concession mais sans appuyer, la récente transformation de notre monde.
"Mémé" de Camille Juza et Philippe Torreton
Une coproduction France Télévisions, Cie des phares et balises, Schuch productions
Diffusion ce jeudi 2 novembre à 22h50 sur France 3 Normandie.
Et bien sûr, quand vous voulez, en replay sur notre site.
"Il paraît qu'à l'usine, tu n'avais pas que des amis. Tu devais travailler dur pour être sûre de rester. Alors évidemment, les réunions syndicales, les pauses, tu devais les passer à ton poste en serrant les dents. Il faut être en forme pour parler politique. Il faut le temps. Faut pas être seule avec trois filles, sa réputation d'honnête femme dans le caniveau et l'angoisse du chaque jour à dissoudre dans le "café bouillu café foutu".
Parfois, je me surprenais à te voir assise, toujours dans un petit coin, une chaussette moulée sur un œuf dans les mains, occupée à repriser. Tellement silencieuse que tu disparaissais. Au pays de Mémé, on ne reste pas sans rien faire, c'est comme ça. Chaque jour comme une tâche. Une vie de labeur. S'arrêter, c'est tomber.
Extrait de "Mémé"Un film de Philippe Torreton et Camille Juza
Le texte adapté pour le documentaire est porté par la voix de Philippe Torreton avec la sensibilité qu’on lui connaît, de l’humour, beaucoup de tendresse et résonne incroyablement avec les très nombreuses archives amateures qui se mêlent aux images contemporaines et celles de la grande histoire.
On y voit des mémés en blouse, des fêtes de villages, des dimanches attablés, les déballages de Noël, véritables instantanés d’une époque. Mais aussi, ce que cette campagne est devenue : quelques sous-bois préservés, des ronds-points, des zones commerciales, des engins gigantesques pour assurer des rendements intensifs.
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À travers ce film se dessine une autre histoire, à rebours de tous les récits de la France glorieuse de nos livres d’histoire. Un récit qui, loin d'encenser le progrès, interroge ce que nous avons aussi perdu en nous précipitant dans la société de consommation.
Ce film résonne plus que jamais avec nos inquiétudes contemporaines et nos réflexions actuelles sur l’état du monde.