Depuis 60 ans, Martine Aubrun a toujours une tortue à ses pieds. Si plus jeune elle les regardait émerveillée, elle a décidé aujourd’hui d’en faire son métier. La normande élève tout son petit troupeau dans son grand jardin au Fidelaire dans l’Eure.
Elles sont petites et silencieuses, pèsent à peine 1 kilo et peuvent vivre jusqu’à 100 ans… 300 tortues vivent à l'année dans le jardin de Martine Aubrun.
"Ce qui me fascine, c’est leur caractère. C’est comme la chanson "tortue têtue", quand on les embête, elles partent avec leur carapace sur le dos. J’adore leur caractère, elles sont entières et intègres. Jamais je n’aurais pensé autant m’investir dans ces petites bêtes", confie-t-elle avec le sourire.
Un engagement au quotidien
A 65 ans, Martine Aubrun a fait de sa passion un métier. Elle élève seule ces reptiles dans son jardin aménagé. Un terrain de jeu pour ces "tortues d’Hermann", 100% française, originaires de Corse et du sud de la France. 500m2 sont réservés aux 40 tortues adultes reproducteurs et six parcs ont été créés pour accueillir les juvéniles et naissances.
Martine Aubrun a décidé de prendre sous son aile ces espèces menacées par le réchauffement climatique et le trafic à destination des animaleries. Elle les bichonne, les protège et travaille sur leur reproduction pour espérer faire perdurer l’espèce. Un engagement au quotidien.
"A partir de fin avril jusqu’à mi-juillet, les tortues pondent. Toutes les deux heures, je surveille le parc afin de récupérer les œufs. Je les place ensuite dans une grosse couveuse et au bout de deux mois, les œufs éclosent. Ils vont ensuite dans un parc pour juvéniles avec leurs cousins et leurs cousines", détaille, Martine Aubrun.
Au frais dans un frigo
Un investissement, intense, qui ralentit lorsque l’hiver arrive. Du 1er novembre au 15 mars, ces petites bêtes entrent en hibernation. "Pendant 5 mois, c’est un grand vide, ce sont mes RTT, je peux me reposer", plaisante-t-elle.
"Je les place dans des frigos à 3 degrés dans une chambre froide". Pour leur bien-être, les tortues devraient passer l’hiver en plein air, "mais avec les redoux, elles se réveillent et commencent à puiser dans leurs réserves, elles se fatiguent et meurent".
Au début, on me prenait pour une folle et une hystérique avec mon frigo. C’est vrai que c’est hors nature, mais vu les températures d’aujourd’hui, on n’a plus le choix.
Martine Aubrun, propriétaire de 300 tortues
Passionnée depuis ses 7 ans
Depuis son enfance, Martine Aubrun, a les yeux pétillants face à ces petites bêtes. Elle se remémore avec tendresse sa première rencontre avec cet animal.
"J’avais sept ans, j’étais petite fille. Tous les ans, je me rendais dans une poissonnerie, une pièce de 5 francs à la main pour acheter une tortue de terre. A l’époque, elles étaient en vente libre. Au mois de novembre, j’étais triste car elles mourraient à chaque fois. Mon père allait les enterrer dans une forêt. Vers 13 ans, j’ai compris qu’elles hibernaient à cette époque et que je m’en occupais très mal. Je m’en suis beaucoup voulue".
Au fil des années, toujours aussi captivée par cet animal, Martine Aubrun s’est documentée sur les spécificités puis s’est formée dans plusieurs centres en France.
D’abord secrétaire, employée de bureau puis famille d’accueil pendant 30 ans, son amour pour les tortues ne l’a jamais quitté. "J’en ai toujours eu, mes enfants et petits-enfants ont baigné dans le monde des tortues. Elles font partie intégrante de ma propre famille".
Une loi d’adoption très stricte
Depuis 2011, grâce à une certification obtenue, elle peut désormais vendre ces animaux. C'est d'ailleurs la seule éleveuse de tortues terrestres françaises dans notre pays.
Une fois confiantes sur leurs quatre pattes, les tortues peuvent être achetées par des familles, choisies en amont par l’éleveuse. 150 sont envoyées chaque année partout en France.
"Si c’est pour un cadeau d’anniversaire ou pour Noël, je dis non. Je les vends seulement aux passionnées", alerte-t-elle.
Pour réserver une tortue, il faut se connecter sur son site Torturama. Mais la loi est stricte. Un permis d’autorisation de détention est obligatoire et doit être demandé à la Direction Départementale de Protection des Populations (DDPP). "Un formulaire sur les futures conditions de vie doit être rempli. Vous devez répondre à des questions concernant l’accueil, les soins, la nourriture… Sans cette autorisation, vous risquez une importante amende, une peine de prison et l’euthanasie de l’animal".
Martine Aubrun tient à souligner qu’aucune visite de son parc n’est autorisée afin d’éviter de perturber l’animal. Et conclut, avec humour, "de toute façon, ces tortues sont des corses et l’après-midi, elles font toutes la sieste".