Vos plus beaux souvenirs de vacances : le "paradis" de Michel sur les bords de Seine, au début des années 1950

Tout au long de l'été, des Normands partagent leurs souvenirs de vacances. Le temps d'un week-end, ou de petites vacances, c'était dans la maison de famille de Poses que Michel, 74 ans, passait les siennes. C'était au début des années 1950...

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Michel n'était encore qu'un bambin quand ses parents ont acheté une maison de vacances à Poses, près de Val-de-Reuil (Eure). Un privilège pour celui qui vivait, avec ses frères, rue d'Elbeuf, sur la rive gauche de Rouen... Et rêvait de campagne, d'évasion et de balades sur la Seine. Il nous raconte ses souvenirs de vacances, témoignages d'une autre époque.

"C'était une sorte de no man's land, un endroit qui échappait aux vicissitudes de la semaine."

Michel

74 ans

"C'était rustique"

"Cette maison, mon père l’avait achetée à la veuve d’un dentiste, M. Guyard, un héros de guerre. Ce monsieur était le seul membre du corps médical à Poses. En août 1944, les Allemands avaient construit un pont de bateau entre Poses et Amfreville-sous-les-Monts, pour retarder l’avance éventuelle des alliés. Ils tiraient sur tout ce qui bougeait… Un pauvre gars avait été blessé, et on était venu chercher le dentiste du village. Pour la petite histoire, M. Guyard est enterré au cimetière de Poses… Et sa tombe est entretenue par le Souvenir français !

Quelques années après, sa veuve a mis la maison en vente. Mes parents l’ont achetée en 1951, peut-être 1952. Elle était dans son jus, il n’y avait pas beaucoup de confort. Il y avait deux pièces au rez-de-chaussée, deux pièces au premier. A l’étage, ce n’était absolument pas isolé, on voyait les ardoises de l’intérieur ! C’était rustique. Il n’y avait pas de salle de bain. Dans la pièce qui servait de cuisine, il y avait juste un évier avec l’eau courante, la chaudière de chauffage central à charbon, un plan de travail, la gazinière… Et une vague douche, mais pas d’eau au-dessus. On prenait un quelconque récipient, et on se douchait en faisant chauffer de l’eau dans une bassine. Mais comme l’été, la chaudière n’était pas en marche, on n’avait pas d’eau chaude."

"Mon père travaillait toute la journée, le samedi aussi au début. On arrivait le samedi soir à la maison et ma mère avait tout préparé. Pour les enfants, c’était des pâtes et du jambon, pour les adultes, une choucroute. C’était presque un rituel."

"On arrivait de Rouen avec une Ford Vedette. Cette voiture c’était un monument, c’était la voiture des gens qui avaient réussi [le père de Michel était chirurgien-dentiste, ndlr], une structure de voiture américaine un peu réduite. Elle n’était pas très puissante, mais elle faisait impression. Deux banquettes, pas de ceintures mais un coffre immense. Il y a eu une période où l’on était 8 dans la voiture, avec les deux grands-mères."

"Ker Chahut", le repère de la fratrie

"On avait un jardin pas bien grand, mais qui nous paraissait immense. Le dimanche, s’il faisait beau, mes parents invitaient des gens. On mangeait dehors, sur une table avec une planche et des tréteaux. C’était vachement sympa. Mon père nous avait fait construire un portique avec du tube de chauffage : il y avait une balançoire, un trapèze, une corde lisse, une barre fixe et une corde à nœuds. Ça a eu un succès ! Les grands jouaient à qui ferait le mieux de la barre fixe. Il y avait aussi un bac à sable, un bon carré d’herbe, un cerisier…

Et "Ker Chahut' [la "maison" du chahut, en breton, ndlr], notre repère ! C’était une petite maison en pierre et en tuile normande, vieille de trois siècles, de 4 mètres sur 4, avec un étage. Jadis, ça avait été une boulangerie : il y avait une grande cheminée, une table, deux bancs… C’était le paradis. Les heures que l’on a passées là-dedans, les jours de pluie à jouer aux cartes ! On s’éclairait à la bougie, il n’y avait pas d’électricité."

"On jouait dehors tout le temps. Les grands faisaient les 400 coups. Ils avaient des vélos, ils faisaient des baignades interminables, des balades en barque… Et ils draguaient comme des fous. On se sentait vraiment posiens, mais pour les posiens, on était rouennais. Même si on avait de bons copains. On jouait aux Indiens, au Tour de France, on faisait des routes et des dunes dans le tas de sable et on poussait des billes de couleur avec une pichenette. Il y avait de étapes : des endroits plats, puis des montagnes, et le gagnant remportait le maillot jaune.

Et puis, j’avais une copine qui s’appelait Christine, elle avait à peine 7 ans. A cette époque, je devais en avoir 10. J’étais comme son grand-frère. On allait à la chasse aux papillons ensemble dans les champs. Sur la plaine de Léry, en remontant la Seine, c’était des bois. Sinon, c’était des champs de blé avec plein de bestioles, des coquelicots, des bleuets… A l’époque, il n’y avait pas de glyphosate !"

Une vie simple

"Il n’y avait pas de supermarché. Alors, les gens qui avaient des commerces faisaient des tournées dans les villages voisins. Quand j’avais deux ans et que le marchant de légumes passait en klaxonnant, je courais vers ma mère pour la prévenir en disant "v’là le bâton mume !" On allait chercher le lait à la ferme, avec un pot à lait en aluminium. La traite des vaches se faisait en plein air, au bord de la pâture. Je me souviens des petits veaux que l’on caressait. Les gens faisaient la queue, échangeaient des blagues, la fermière les chambrait… Il y avait deux boucheries à Poses. On allait acheter de la viande, le poulet du dimanche – une institution – et puis, il y avait une épicerie."

"Les plats préparés, les yaourts parfumés, tout ça n’existait pas. On mangeait simplement, mais sans doute plus sainement… C'était moins compliqué que maintenant."

"Mes parents [Maurice et Marie, ndlr] avaient deux barques à Poses. Mon père en avait une grande pour la pêche. Il avait acheté à ma mère un youyou [sur la photo de une, ndlr], un canot breton, qu’on a baptisé Maria. C’était une belle fabrication. Et ma mère se débrouillait très bien. Elle ramait très bien, elle nous amenait en balade sur la Seine.

Je me souviens du garde-champêtre qui passait dans le village en agitant une cloche et en criant "Ce soir, salle Léonard, grand film d’amour et de passion", quand il y avait une projection en 16mm. De ce gars qui achetait des peaux de lapin pour faire des manteaux et qui criait "Peau de lapin, peau !" Et puis, du café, le café Léonard, qui louait des barques. Le dimanche, les gens descendaient à la gare de Léry, traversaient la plaine à pied avec leur matériel de pêche et louaient une barque. Mes frères et moi, on rigolait parce-qu’on les voyait ramer comme des patates. Ils tournaient en rond !"

Retour en 2023. "Je suis très ému. Les souvenirs reviennent par foule. Je pourrais en parler pendant des heures", conclut Michel.

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