Il faudra encore plusieurs mois d'attente à Olivier Lainé, militant de Seine-Maritime de la Confédération paysanne accusé de dégradations sur la ferme des mille vaches en Picardie. L'agriculteur normand avait été condamné à 4 mois de prison avec sursis, en première instance.
Condamnés en première instance à des peines d'amende et de prison avec sursis pour avoir endommagé la ferme des 1000 vaches, neuf militants de la Confédération paysanne ont de nouveau revendiqué mercredi l'action syndicale contre l'"agriculture industrielle" devant la cour d'appel d'Amiens, soutenus par des centaines de manifestants.
La cour d'appel a mis sa décision en délibéré au 16 septembre
"Face au silence, on a décidé collectivement de prendre nos responsabilités", assure à la barre Laurent Pinatel, porte-parole du syndicat.Prévenu le plus lourdement condamné en première instance --à cinq mois de prison avec sursis et 300 euros d'amende--, il vient de retracer le combat du syndicat contre ce qu'il nomme la "ferme-usine" depuis la genèse du projet. "Toute la panoplie d'actions syndicales se terminait par des fins de non-recevoir, du mépris (...) il a fallu cet acte symbolique -on a fait un tag sur un chantier- pour que les politiques réagissent", poursuit-il.
Quitte à faire venir un coupable, Laurent Pinatel aurait préféré voir la Confédération paysanne en tant que syndicat sur le banc des accusés.
Comme les faucheurs d'OGM, les militants qui comparaissaient mercredi sont des lanceurs d'alerte, assène de son côté leur avocate, Maître Laetitia Peyrard, qui demande la relaxe. "Vous devez considérer dans le délibéré qu'ils ont agi pour la défense d'un intérêt
général supérieur", lance-t-elle aux juges.
VIDEO France 3 Picardie : la réaction d'Olivier Lainé, militant de la Confédération Paysanne 76
##fr3r_https_disabled##
L'avocate générale demande la confirmation des peines prononcées en première instance
"Des peines mesurées, qui correspondent au contexte dans lequel les faits ont été commis" précise cette dernière. Lors du premier procès, le 28 octobre, le tribunal avait prononcé des peines allant d'une amende à des peines de prison avec sursis contre les prévenus poursuivis après deux actions coup de poing de la Confédération paysanne sur le chantier de la ferme, à Drucat-Le Plessiel, près d'Abbeville (Somme), en septembre 2013 et mai 2014.La magistrate s'attaque de front aux arguments de la défense, qu'elle considère d'un point de vue plus philosophique que juridique.
"Aucune idée aussi juste soit-elle ne peut justifier la commission d'actes illégaux", assure Françoise Pieri-Gauthier. Juste avant elle, Maître Frank Berton, qui représente les propriétaires de la ferme, avait également demandé la confirmation des peines que selon lui les militants devraient arborer "comme une légion d'honneur" s'ils étaient réellement dans un combat militant.
Une expertise a été demandée. Photo à l'appui, les parties civiles ont estimé le préjudice jusqu'à 300.000 euros. Maître Guillaume Combes à la défense n'y voit que "des pièces démontées, des tuyaux à côté, mais tout est rangé dans des boites".
Simple "démontage" en règle, selon les militants, "Ce qu'on combattait était illégal." A l'extérieur du tribunal, des centaines de personnes ont attendu l'issue de l'audience.
Quand il n'y a plus aucune réponse, l'action est la seule réponse.
Je soutiens cette action légitime et non-violente"
a déclaré José Bové, venu en soutien et qui s'est dit "choqué" par la sanction en première instance.
Les militants estimaient à 3.000 le nombre de manifestants présents dans la capitale picarde. Ils étaient environ 1.000, selon la police. Un cortège s'est mis en route dans les rues d'Amiens en fin de matinée, scandant "Les paysans à la ferme, Ramery (propriétaire de la ferme, ndlr) prison ferme", en présence de l'ancien candidat à l'élection présidentielle Jean-Luc Mélenchon.
Débats et marché paysan ponctuaient la journée de rassemblement, dans une ambiance champêtre dans le square qui fait face au palais de justice.
Cinq des prévenus, dont quatre poursuivis comme M. Pinatel pour des dégradations et un cinquième, poursuivi pour vol, avaient été condamnés en première instance à des peines de prison d'au moins deux mois avec sursis. Les trois derniers militants avaient été condamnés à une amende de 300 euros pour refus de prélèvement ADN (tout comme quatre des six autres).
La défense a largement ironisé sur l'actualité récente de la ferme: son directeur d'exploitation a reconnu la semaine passée abriter près de 800 bovins, contre 500 autorisés pour l'instant (malgré le nom donné à la ferme).
"On était tous un peu porte-parole des gens autour de nous pour lutter contre l'industrialisation de l'agriculture", résume l'un des prévenus, Valentin Sic.
"Aujourd'hui on voit que ce qu'on combattait était illégal", conclut-il devant le tribunal.