En première ligne sur le front social et médiatique, Ingrid Levavasseur et François Boulo ont vu leur vie basculer avec la révolte des "gilets jaunes". Récits exclusifs des figures emblématiques de ce mouvement en Normandie.
Le mouvement des "gilets jaunes" a bouleversé leur vie en quelques semaines. Ingrid Levavasseur et François Boulo étaient pourtant inconnus du grand public avant de devenir les leaders d’une révolte inédite par sa forme.
Chaque samedi, dans les cortèges, l'expérience syndicale est faible, et les partis politiques sont maintenus à bonne distance, pour éviter toute récupération. Sans porte-parole, les "gilets jaunes" sont visibles, mais parfois inaudibles. Les médias cherchent des interlocuteurs, le mouvement adoube donc quelques figures emblématiques.
Deux Normands rayonnent nationalement avec leurs gilets jaunes
Elle est aide-soignante, il est avocat spécialisé dans le droit du travail. Ingrid Levavasseur et François Boulo n’étaient, a priori, pas programmés pour devenir les meneurs d’une lutte sociale. Mais leur profil, leur charisme, les ont naturellement mis sur le devant de la scène.L’avocat rouennais a su synthétiser les revendications d’une grogne aux visages multiples, en s’appuyant sur un argumentaire construit et étayé autour d’une culture politique qui refuse l’hégémonie de la pensée néo-libérale.
Je suis issu d’une famille culturellement de droite…
J’ai voté Nicolas Sarkozy en 2007 et puis j’ai pris conscience que les solutions proposées ne convenaient pas !
- Francois Boulo
Quand à Ingrid Levavasseur, elle a su symboliser, avec calme et éloquence, les problématiques d’une mère isolée. Avec ses deux enfants et son salaire d’aide-soignante, elle n’arrivait plus à joindre les deux bouts.
Je cumulais les emplois et je ne trouvais pas de solution pour gagner plus.
Ma culture politique était quasiment nulle, mais j’ai mis le gilet jaune et je suis allée manifester pour la première fois de ma vie, le 17 novembre 2018.
- Ingrid Levavasseur
Puis les deux Normands seront emportés par le tourbillon médiatique. Une expérience parfois violente sur les plateaux télés et en dehors.
"De la folie !"
Francois Boulo, pourtant rompu aux exercices oratoires dans le prétoire, avoue que : "chaque passage médiatique est une épreuve lors de laquelle peu d’interlocuteurs me sont favorables". Il estime que son rôle a été de casser l’image d’un mouvement violent et d’opposer des arguments politiques solides à ses contradicteurs.Ingrid Levavasseur a d’abord été repérée par un journaliste de France 5. En lui tendant son micro, il a entendu un discours différent de celui qu’il recueillait habituellement sur les ronds-points et les péages. Après ça, l’Euroise a été invitée dans l’émission C politique, un succès. Le producteur de l’émission lui a annoncé que son téléphone risquait de beaucoup sonner désormais.
Je pensais que ça s’arrêterait là, mais non, c’est devenu de la folie !
Je me suis alors sentie investie d’une mission. Mais je ne cherche pas la notoriété, j’ai fait tout ça bénévolement… Je veux juste aimer mes enfants, voir mes amis et vivre dignement.
- Ingrid Levavasseur
Finalement Ingird Levavasseur tentera de lancer une liste "gilets jaunes" aux élections européennes avant de se rétracter. Le mouvement ne lui pardonnera pas, et elle sera régulièrement prise à partie.
Aujourd’hui, elle ne fait plus partie du mouvement et regrette d’avoir eu beaucoup de mal à trouver un emploi à la suite de son engagement. Elle garde tout même le goût de la politique puisqu’elle est candidate aux prochaines élections municipales de Louviers.
François Boulo est resté quant à lui l’un des porte-paroles officiel du mouvement. Il est toujours très actif médiatiquement pour tenter de faire passer l’idée que "l’inégalité et la pauvreté ne sont pas une fatalité mais le résultat d’une politique, d’un choix idéologique".