Les vagues de chaud-froid auront-elles raison de nos arbres fruitiers ?

Des températures estivales suivies de gelées : la météo normande n’en fait qu’à sa tête. Les changements de températures pourraient s’intensifier avec le réchauffement climatique. Coup d’oeil sur la situation des vergers de pommes et poires en Normandie.

Il est minuit lundi 5 avril et la température atteint -5°C. Le verger de Thibault Alleaume s’illumine. A La Rivière-Saint-Sauveur (14) dans le Pays d’Auge, 320 bougies brûlent au pied d’un hectare de pommiers. L’objectif ? Faire remonter les températures, ne pas laisser geler les fleurs sur le point d’éclore et sauver la récolte. « Il faisait 25°C fin mars et la semaine suivante il gèle », s’étonne le chef de l’entreprise Earl Alleaume fruits.  

Réchauffer les pommiers

Thibault Alleaume a repris l’entreprise familiale de production de pommes à couteau en 2009. Il exploite 17 hectares de vergers pour produire des pommes et des poires à croquer. Début avril, Thibault Alleaume a passé trois nuits au chevet de ses arbres pour combattre les gelées. La technique des bougies est très coûteuse. Pour réchauffer un hectare, il faut dépenser 5000 euros. « J’ai grillé ma cartouche, il ne faut pas qu’il fasse à nouveau froid », s’inquiète l’exploitant. Alors la nuit suivante, il opte pour une autre pratique moins onéreuse. Il fait brûler des balles de foin pour encore faire monter les températures. « Je ne sais pas si cela est efficace mais j’aurais essayé. Dans deux ou trois semaines, je connaîtrai le préjudices sur les arbres », précise-t-il.

Passer du chaud au froid, rien d’alarmant pour le géographe et enseignant chercheur à l’université de Caen, Stéphane Costa. Egalement co-président du Giec normand, il explique : « on ne peut pas relier ces changements de températures au réchauffement climatique ». Pour ce spécialiste, il s’agit de « la variabilité climatique, un phénomène intrinsèque à nos climats tempérés ». D’après lui, les périodes de transition, comme le passage de l’hiver au printemps, sont propices à ces variations. « Mais il n’est pas impossible que ces changements extrêmes soient de plus en plus présents à l’avenir », souligne le géographe caennais.

Le pouvoir de l’air marin

A la différence des vergers pour produire des pommes de table, les exploitations cidricoles sont davantage épargnées par les aléas météorologiques.

Dans le Cotentin, les pommiers de Ludovic Capelle n’ont pas été touchés par le coup de froid du début du mois d’avril. « Ici, la végétation est encore en sommeil », lance ce producteur de cidre. Il constate un décalage de la floraison d’une quinzaine de jours entre le sud et le nord du département. « Les températures montent moins vite dans le Cotentin et la mer nous protège », remarque le Manchois. 

Multiplier les variétés d’arbres fruitiers

Dans le Sud Manche, les variétés précoces de pommiers du Domaine du Coquerel ont souffert des températures négatives dans la nuit de lundi 5 au mardi 6 avril. Mais le propriétaire Pierre Martin n’est pas très inquiet. « Il y aura un peu de perte sur ces arbres, mais les dégâts seront faibles », précise-t-il. Car ces variétés ne représentent qu’un faible pourcentage de la production. La distillerie travaille avec une quarantaine de variétés de pommes et de poires afin d’étaler les temps de floraison et de récolte. « Ne pas être en monoculture nous permet de réduire les impacts climatiques. C’est une pratique ancestrale, mise en place par les agriculteurs normands il y plusieurs centaines d’années », détaille-t-il.

Des arbres hautes tiges épargnés par le gel

Dans le Pays d’Auge, les poiriers sont en fleurs. « Il n’est pas impossible que le gel de ces derniers matins ait un impact sur nos fruits, qui servent à la production de poiré et de calvados », constate Guillaume Drouin, directeur de la société familiale Calvados Christian Drouin

Ici aussi, dans le verger situé à Gonneville-sur-Honfleur (14), les pommiers ne sont pas concernés par les gelées. La raison ? Les arbres sont greffés à deux mètres du sol, il s’agit de variétés hautes tiges. Ainsi, les fleurs et les fruits sont plus éloignés de la terre. Cette pratique permet aux pommes de moins souffrir du gel. « Les vergers cidricoles, sont rustiques et pensés pour résister aux aléas climatiques, à la différence des vergers produisant des pommes à couteau », relève Guillaume Drouin, avant d’ajouter fièrement : « on a une culture hyper à la pointe sans que personne ne le sache ».

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