Dans son arrêté, le premier magistrat de la commune juge que l'ouverture des supermarchés de la périphérie relève de la "pratique déloyale" vis-à-vis des autres commerces.
L'arrêté est tombé quelques heures après l'entrée en vigueur du deuxième confinement. Comme au mois de mars, les commerces dits "non essentiels" sont tenus de laisser les rideaux fermés quand les grandes surfaces peuvent continuer a accueillir le chaland. Cette conception particulière du principe de libre-concurrence en temps de crise sanitaire fait bondir le maire de Barneville-Carteret. "Moi, que la grande surface ouvre, ça ne me gêne pas. Mais si elle peut rester ouverte, pourquoi des concurrents qui vendent la même chose ne peuvent-ils pas le faire ?"
"Je suis un objecteur de conscience"
De fait, rien n'interdit au client du supermarché de glisser une paire de chaussettes entre le paquet de pâtes et le sacs de croquettes pour chat, quand cette même paire de chaussettes ne peut être vendue au magasin de prêt-à-porter. "On peut acheter un frigo dans la grande surface mais pas dans le magasin d'électroménager. On peut y trouver des fleurs, mais le fleuriste ne pourra plus en vendre dès la semaine prochaine. Pareil pour les habits, les décos de Noël. On se fout de nous !"
Dans son bureau, il a donc signé un arrêté municipal "autorisant les commerces non alimentaires à ouvrir pendant le confinement". "Je me suis inspiré de celui signé par le maire de Migennes en Bourgogne". Le texte souligne que l'ouverture des supermarchés "entraîne une rupture d'égalité de traitement" et "que cela crée une pratique déloyale contraire aux décisions annoncées par le Président de la République".
L'arrêté décide donc "que les commerces non-alimentaires sont autorisés à rester ouverts (...) jusqu'à ce que l'égalité de traitement soit rétablie". Depuis sa publication, les réactions affluent sur la page Facebook de la mairie. "Excellente décision, il est inadmissible de laisser les géants se goinfrer," écrit Romain quand beaucoup se contentent d'un laconique "Bravo". "Les coiffeurs peuvent-ils ouvrir, puisqu'ils vendent des produits que l'on peut aussi acheter en grande surface...?" ajoute Pierre.
D'autres commentaires sont moins enthousiastes : "du coup youpi c est la fête tout le monde reste ouvert et les gens vont continuer à sortir pour aller partout dans les commerces" s'inquiète Nathalie. Chrystel voit dans cet arrêté "un coup de com illégal" qui ne manquera pas d'être "retoqué par le préfet". Bien vu. Le maire reconnaît que son arrêté a peu de chance d'être validé par la préfecture. "Le préfet m'a téléphoné pour me dire que l'arrêté n'est pas valable." David Legouet dit n'avoir aucun regret : "Au lieu de râler dans mon bureau, j'ai fait quelque chose. Si je passe pour l'objecteur de conscience, ça me va, j'aurai servi à ça !"