Cherbourg : un an après la fermeture d'Openhydro, la filière hydrolienne est toujours dans l'impasse

Le 14 juin 2018, l'usine où devait être construites les hydroliennes était inaugurée avec tambours et trompettes pour finalement fermer... un mois et demi plus tard. L'entreprise Openhydro, filiale de Naval-Group, est en liquidation. Le bâtiment est toujours inoccupé. Retour sur cet étonnant fiasco.

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Quinconque a déjà navigué au large du Cotentin n'ignore rien de l'énergie que la mer déploie dans les parrages. Le courant du fameux Raz-Blanchard passe pour être l'un des plus puissants au monde. Les marins le redoutent depuis la nuit des temps. Cette force motrice potentielle a fait rêver des génération d'ingénieurs. Mais comment la convertir en électricité ?

Ce n'est qu'en 2013 que l'État s'est enfin résolu à encourager la naissance d'une véritable filière hydrolienne en proposant la création d'une ferme-pilote en mer. François Hollande, le Président de la République d'alors, était venu à Cherbourg, entouré d'industriels afin d'ouvrir l'ère des énergies marines renouvelables.
 
Naval-Group (ex DCNS) avait saisi la balle au bond. Sa filiale Naval-Energies prend le contrôle d'Openhydro, une entreprise irlandaise à même de mettre au point des machines. Selon l'Usine Nouvelle, ce rachat a nécessité 200 millions d'euros d'investissements. Fort d'une concession délivrée par l'État autorisant l'installation d'une ferme marine, le groupe s'apprêtait donc à lancer la fabrication de sept hydroliennes dans une belle usine construite à Cherbourg. Mais le 14 juin 2018, le jour de l'inauguration, l'affaire sentait déjà le roussi...
  




L'État "n'y croit plus", l'aventure tourne court.



Entre temps, le vent politique a tourné. Le nouveau pouvoir installé dans le sillage de l'élection d'Emmanuel Macron montre moins d'empressement à défendre les énergies marines renouvelables. Il est de notorité que Nicolas Hulot ne croit guère à l'efficacité des hydroliennes pour produire de l'électricité. Son successeur, l'actuel ministre de l'Environnement François de Rugy n'est pas plus enthousiaste.

Au début de l'été 2018, il apparaît acquis que l'hydrolien ne sera pas retenu dans le Plan Pluriannuel de l'Énergie qui doit être dévoilé à l'automne. Si le prix d'achat de l'électricité n'est pas garanti, une ferme marine dans le Raz-Blanchard, même expérimentale, ne peut pas être rentable. Naval-Energies jette l'éponge et décide de cesser l'activité d'Openhydro dès la fin du mois de juillet...
 
 




Une usine neuve en friche à Cherbourg, Openhydro en liquidation en Irlande.



Le bâtiment qui a coûté près de dix millions d'euros appartient à la SHEMA. Cette société d'économie mixte est majoritairement détenue par les collectivités locales de Normandie. Pour l'heure, les loyers sont toujours réglés. Mais selon une source interne, le liquidateur de la société Openhydro a fait savoir que les paiements allaient cesser "de manière imminente".

L'ennui, c'est que le bâtiment a été construit pour cette société afin d'y construire des hydroliennes. Il lui est toujours dédié. L'usine ne peut pas être louée à une autre entreprise tant que la liquidation n'aura pas été prononcée. La procédure est toujours en cours. En Irlande...

 



Des impayés à Cherbourg, des plaintes déposées à Paris.



Avant de baisser le rideau, Openhydro a laissé quelques ardoises dans plusieurs entreprises du Cotentin. Selon une source proche du dossier, une quinzaine de prestataires attendent toujours d'être payés. Le montant des factures non-réglées s'élèverait à 500 000 euros. Mais Openhydro est aujourd'hui insolvable. Les prestataires, qui souhaitent tous rester très discrets, espèrent aujourd'hui un hypothétique geste de Naval-Group. C'est apparemment sans espoir : "Les liquidateurs nommés sur les sociétés concernées (Openhydro Technology Ltd et Openhydro Technologies France, NDLR) sont les seuls interlocuteurs habilités des parties prenantes", répond Naval-Energies.

La décision unilatérale d'abandonner les hydroliennes a aussi froissé les partenaires de Naval-Group. Sa filiale Naval-Energies dont dépend Openhydro a en effet été constituée avec la Banque Publique d'Investissement. BPI détient 36 % du capital. TechnipFMC et BNP Paribas Développement se partagent également 6 % des parts. Selon une information du magazine Challenge publiée en octobre dernier, confirmée par l'agence Reuters, BPI France et TechnipFMC ont déposé une plainte devant le tribunal de grande instance de Paris. "Nous ne commenterons pas ces sujets qui visent non pas des « plaintes » mais des actions devant les juridictions compétentes en matière commerciale" indique aujourd'hui Naval-Energies.


 

Bpifrance et Technip ont porté plainte contre Naval Group-source

La banque publique Bpifrance et TechnipFMC ont déposé plainte "pour dol" contre Naval Group, a-t-on appris mercredi de source proche du dossier, confirmant une information du magazine Challenges.



Atlantis, un candidat à la reprise dans la panade.



Si l'État ne croit manifestement guère aux vertus de l'hydrolien, quelques industriels ont décidé de miser sur cette technologie. Outre-Manche, la société Atlantis exploite déjà plusieurs machines. Elle souhaite venir profiter des courants marins qui ceinturent le Cotentin. "Tout ce dont nous avons besoin, c'est d'un accord de la France pour déployer la ferme-pilote dans le Raz-Blanchard" déclarait Timothy Conelius, le Pdg de l'entreprise britannique en octobre dernier lors d'un séjour à Cherbourg en octobre dernier. Le président de la région Normandie Hervé Morin souligne que "la société Atlantis ne demande pas d'argent. Elle a l'expertise, l'expérience. Elle a le soutien d'un groupe puissant". À ce jour, la préfecture de la Manche n'a toujours pas accordé de concession.


Le patron de Simec Atlantis de passsage à Cherbourg en octobre 2018 :
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