Les frais d'organisation sont devenus trop lourds pour la commune. Le conseil municipal de Lessay réuni ce mardi 11 avril a voté l'instauration d'une entrée payante. Lors d'une consultation, les habitants s'étaient déjà prononcés pour la fin de la gratuité de cette foire millénaire qui attire 300 000 visiteurs tous les ans au mois de septembre.
Il n'est pas aisé de bousculer une tradition aussi solidement enracinée. Depuis mille ans, tout s'achète et tout se vend à la foire de la Sainte-Croix où le chaland circule comme bon lui semble. Environ 300 000 personnes convergent chaque année vers cette petite commune du Cotentin dont le nom est intimement associé à cet événement. Lessay, c'est la foire.
Quand elle faisait rentrer de l'argent dans les caisses, la Sainte-Croix n'était qu'un motif de fierté, mais ces dernières années, la commune peine à y retrouver ses petits. Pour faire face, l'orgueil ne suffit plus. "En 2022, nous avons dégagé un excédent de... 4000 euros", explique Stéphanie Maubé, la maire de Lessay qui table, si rien n'est fait, sur "un déficit compris entre 100 000 et 150 000 euros en 2023".
Deux euros pour sauver la foire
Le tabou de la gratuité avait été levé par les habitants lors d'une consultation organisée cet hiver. "C'était un vrai carburant démocratique", s'enthousiasme Stéphanie Maubé. Le conseil municipal réuni ce mardi 11 avril a donc acté la révolution. L'entrée coûtera deux euros. Le billet restera valable pendant les trois jours de la foire. La gratuité est accordée aux habitants de Lessay et aux enfants de moins de douze ans, et l'accès sera libre à partir de 17h.
"Tout devient payant c'est honteux", s'emporte Kevin sur la page Facebook de la foire qui vient d'officialiser la nouvelle. "Compte tenu de la conjoncture actuelle, un grand nombre de personnes ne viendront pas, craint Dominique qui ajoute : "Je lis que pour certains 2 € par personne ce n'est rien. Ce n'est pas rien pour tout le monde". Stéphanie Maubé ne s'alarme pas de ces "réactions épidermiques".
Inflation des coûts d'organisation
La communication, ce sera la clé de la réussite. Il faut expliquer qu'on ne les rackette pas. Cette entrée à deux euros, c'est la condition pour que la foire ait un avenir.
Stéphanie MaubéMaire de Lessay
La commune de Lessay est confrontée aux même difficultés que tous les organisateurs de fêtes, de festival et de salons. Les nouvelles règles de sécurité imposées par les autorités depuis les attentats de Paris et de Nice engendrent des coûts exorbitants. Il faut installer des kilomètres de barrières, sécuriser les accès, prévoir davantage de contrôles et embaucher des agents de sécurité. Ce à quoi s'ajoutent désormais les effets de l'inflation...
La commune de Lessay a bien songé à relever le droit de place payé par les exposants. "On a pris la température, mais c'est déjà très onéreux pour eux. Ils subissent aussi l'inflation", explique Stéphanie Maubé qui se refuse aussi à relever les impôts : "Ce n'est pas aux 2300 habitants de payer pour une foire déficitaire. C'est pour moi une ligne rouge. Les habitants ne vont pas juste pour le panache de faire vivre cette foire millénaire".
Le chaland est donc invité à régler une partie de la note. Le droit d'entrée à deux euros devrait rapporter 144 000 euros. "Mais il faut acheter les bracelets, organiser la perception. La mise en place coûte 35 000 euros", calcule la maire de Lessay. Tout coûte cher, même de faire payer.