Initialement fermées pour une durée de quatre semaines en raison de la cinquième vague de Covid, les discothèques devront encore cesser leur activité au mois de janvier 2022 a annoncé le 29 décembre Jean-Baptiste Lemoyne, le ministre délégué chargé du Tourisme et des PME
Les discothèques avaient été fermées le 10 décembre 2021 en raison de la situation sanitaire. La fermeture devait durer un mois.
Elle vient d'être rallongée de trois semaines de plus en janvier 2022 a annoncé ce mercredi matin (29 décembre) sur France Inter le ministre délégué chargé du Tourisme et des PME, Jean-Baptiste Lemoyne :
"Le 3 janvier, comme les autres secteurs annoncés par le Premier ministre, pour trois semaines, la fermeture sera reconduite".
"Des compensations complétées"
Des aides spécifiques seront mises en place pour ce secteur durement touché ces derniers mois a déclaré sur France Inter le ministre des PME :
"Nous avons mis en place un système d'aides avec les coûts fixes à 100%, l'activité partielle, etc." soulignant que "le mois de décembre comptant pour 20% du chiffre d'affaires annuel, ces compensations devraient peut-être être complétées, c'est ce sur quoi nous travaillons."
Les discothèques, qui représentent 30.000 emplois directs et un milliard d'euros de chiffre d'affaires annuel selon les syndicats professionnels, étaient déjà restées fermées pendant 16 mois à cause et n'avaient rouvert, sous conditions, que le 9 juillet avant de refermer leurs portes le 10 décembre.
Amertume et inquiétude des professionnels de la nuit
Quelques heures après l'annonce à la radio d'un allongement de la fermeture en janvier, les responsables de discothèques réagissaient à ce nouveau coup dur porté à leur activité. C'est le cas à Saint-Lô dans la Manche, de Matthieu Lebrun, porte-parole du collectif des discothèques de Bretagne et de Normandie et en Seine-Maritime, à Grémonville, de Pascal Duval, patron de l'Excalibur, la 6e plus grande discothèque de France et la plus grande de Normandie.
Après la première fermeture de début décembre, les deux professionnels normands s'attendaient à cette prolongation en 2022. "On s'en doutait, mais j'ai très peur pour la suite. Il n'y a pas de bon sens" déclare Matthieu Lebrun qui ne comprend pas la logique de cette mesure :"Je pense à la jeunesse à qui on ne dit que "interdit ! interdit ! interdit !"
La concurrence sauvage des fêtes clandestines
"Les jeunes, ils vont continuer à faire la fête mais dans des fêtes clandestines, donc l'Etat se tire une balle dans le pied ! C'est un désaveu complet de notre métier !" affirme Matthieu Lebrun qui rappelle que dans les discothèques, l'accès était soumis à la présentation d'un pass sanitaire et d'une pièce d'identité, et qu'à l'intérieur, le respect des gestes barrières était contrôlé et respecté.
Amer, ce patron de discothèque de la Manche explique que "des soirées s'organisent et se multiplient dans des garages de maison et des salles privées, avec 200 à 300 personnes, sans masques, sans pass, sans contrôle de carte d'identité et où tout est payé en liquide, avec des dealeurs en embuscade…"
Même constat en Seine-Maritime où Pascal Duval, le gérant de l'Excalibur explique que depuis la fermeture de début décembre, le problème a été déplacé dans les "fêtes sauvages".
Selon lui les jeunes ont besoin de faire la fête mais "ils sont en train de se mettre en danger en allant dans des soirées privées", ce qu'il a lui-même constaté.
Il y a quelques jours, dans un village, il a croisé des clients de sa discothèque qui se rendaient dans une salle des fêtes privée où une soirée dansante était organisée :
"Dehors, un agent de sécurité filtrait l'accès, non pas pour contrôler le pass sanitaire mais pour refouler les intrus sans réservation. L'entrée était de 20 euros. A l'intérieur, comme on le voit sur de nombreuses vidéos publiées sur les réseaux sociaux, il y avait un bar, des consommations et un carré VIP. Pas de port du masque, mais des chichas et des bonbonnes de protoxyde d'azote (le gaz hilarant dangereux pour la santé). Les rideaux étaient tirés et, du dehors, on ne pouvait voir que les effets des jeux de lumières.
Les gendarmes sont venus, ils ont fait plusieurs fois le tour de la salle, mais n'ont rien fait car la salle est privée et ils sont donc repartis…"
Une profession menacée ?
Chef d'une entreprise qui a été fermée pendant 17 mois, Pascal Duval est inquiet pour l'avenir d'une profession qui, selon lui, est stigmatisée et mal considérée.
Il précise pourtant que dans sa discothèque, toutes les mesures ont été prises pour protéger sa clientèle : "On a effectué des milliers de tests à l'entrée, on a contrôlé les pass sanitaires et on n'a pas eu de cluster. Sur les milliers de tests on a seulement eu deux cas positifs, et, évidemment, ces personnes ne sont pas rentrées."
Mais ce qui l'inquiète le plus, c'est le bilan qu'il vient de faire avec son comptable, car si l'Excalibur est fermé et donc sans rentrées d'argent, il va bien falloir payer les charges du mois de décembre et les salaires des employés. Sans compter les factures qui continuent d'arriver et la fin des PGE qu'il faut commencer à rembourser…
Comme ses confrères, Pascal Duval espère que les aides du Gouvernement vont arriver plus vite que lors de la précédente période de fermeture :"Actuellement, il n'y a rien de concret, il n'y a que des annonces ! Trois semaines après, il n'y a toujours pas de liens pour remplir les formulaires…"
Porte-parole du collectif des discothèques de Bretagne et de Normandie, Matthieu Lebrun, s'il partage l'inquiétude de son collègue de Seine-Maritime, se veut malgré tout optimiste. Certes, il déplore que sa profession soit mal aimée, victime de clichés sulfureux datant d'une époque ancienne et révolue alors que c'est un métier sérieux et fait sérieusement.
Certes, il craint que le Gouvernement ne prenne exemple sur la Suisse où les discothèques sont soumises au "2G" (pass sanitaire plus test négatif). Un double contrôle des accès qui a eu pour effet que les clients ne viennent plus : "il n'y a personne dans les discothèques suisses".
La raison de l'optimisme de Matthieu Lebrun est la publication prochaine d'une étude sanitaire "ITOC – Reviens la nuit" réalisée à l'automne en discothèque et qui serait "plus rassurante" que celle menée au début de l'été par l'Institut Pasteur.