Pour contrer la 5ème vague épidémique de Covid-19, les boites de nuit sont les premiers établissements à fermer. Entre colère et désarroi, les gérants normands se sentent oubliés et déplorent la discrimination avec les autres lieux de restauration et de fête. Des discussions sont en cours pour négocier un retour au chômage partiel et aux indemnisations.
Le monde de la nuit n’est plus à la fête. Le gouvernement a annoncé ce lundi 6 décembre 2021 que les boites de nuit fermeront à nouveau pour une durée de 4 semaines à compter du 10 décembre 2021, face à la 5ème vague épidémique de Covid-19.
On nous prend pour des cons, il n’y a pas d’autres mots
Matthieu Lebrun, porte-parole du collectif des discothèques de Bretagne et de Normandie
Ils s’y attendaient plus ou moins depuis le retour du masque rendu obligatoire dans leurs établissements, le 25 novembre dernier. Face à cette nouvelle annonce, les gérants de boites de nuit ne cachent pas leur colère. « Encore une fois, nous sommes les premiers à trinquer » réagit Georges Rebelo, gérant de la boite de nuit La Bohème, à Rouen. « On nous prend pour des cons, il n’y a pas d’autres mots » fustige de son côté Matthieu Lebrun, porte-parole du collectif des discothèques de Bretagne et de Normandie.
Boites de nuit : le double contrôle des pass sanitaires et des cartes d'identité
« Nous sommes les seuls établissements où le pass sanitaire et la carte d’identité sont nécessaires. C’est une sécurité en plus que n’ont pas les autres établissements. Et je peux en parler car je tiens aussi un bar de nuit et je vois pertinemment ceux qui ne peuvent pas présenter un pass sanitaire et une carte d’identité au même nom » détaille celui qui est aussi propriétaire du Milton à Saint-Lô, dans la Manche.
« Nous ne sommes pas des dealers mais des patrons responsables ! Nous sommes les seuls établissements avec un tel niveau de protection. Pourtant on nous ferme par manque de courage pour montrer l’exemple. Nous sommes la dernière roue du carrosse ! » résume-t-il avec amertume.
Les jeunes feront la fête malgré tout et ensuite ils retrouveront papy et mamie pour la dinde de Noël
Matthieu Lebrun, porte-parole du collectif des discothèques de Bretagne et de Normandie
Le porte-parole du collectif des discothèques de Bretagne et de Normandie décrit avec flegme que « les jeunes feront la fête malgré tout et ensuite ils retrouveront papy et mamie pour la dinde de Noël, je vous laisse imaginer les dégâts ! ». Il assure avoir déjà vu des publicités passer pour des fêtes illégales.
Même son de cloche dans les autres boites de nuit de la région. « Ce sera comme l'année passée, tout le monde va profiter, sauf nous. Le gouvernement veut rassurer la population avant les fêtes, et en janvier tout le monde sera fermé. » prévoit Georges Rebelo, le patron de La Bohème à Rouen.
Même si Nicolas Lamotte, président du groupe évenementiel Silam, dit « comprendre le fait que nos établissements ne soient pas compatibles avec l’application de gestes barrières », il regrette que « le problème soit déplacé ailleurs, dans les fêtes privées ».
Une incohérence dénoncée vis-à-vis des bars et restaurants
Une certaine jalousie se fait ressentir à l’encontre des restaurants et des bars, non-concernés pour le moment. « Vous croyez qu’il vont fermer à quelle heure le 31 décembre ? » questionne avec ironie Nicolas Lamotte, qui gère le So à Rouen et Le Moulin Rose à Belbeuf.
On va faire notre métier à notre place, mais sans les garanties que nous pouvons apporter
Nicolas Lamotte, président du groupe Silam qui gère notamment le So et le Moulin Rose, à Rouen
« Et je ne parle même pas des salles des fêtes… C’est complétement incohérent, on va faire notre métier à notre place, mais sans les garanties que nous pouvons apporter. Nous sommes complètement oubliés par le gouvernement. Pourtant l’Urssaf ne nous oublie pas. »
Exaspération partagée par Mathieu Lebrun, le porte-parole du collectif des discothèques de Bretagne et de Normandie. « On est seulement 1 300 gérants de boites de nuit en France, ce n’est pas assez pour foutre le feu à la France car je peux vous dire que si les restaurateurs et bars étaient concernés, il y aurait plus de bruit ».
Décembre, un mois économiquement important
Si ces gérants sont aussi remontés, c’est parce que la période est particulièrement importante pour eux. Selon les établissements, le mois de décembre représente entre 15% et 20% du chiffre d'affaires annuel.
Pour la seule soirée du Nouvel An, Nicolas Lamotte estime de son côté la perte à 5 000 euros, seulement pour son établissement du So à Rouen. « Tout avait été commandé. Et encore je n’avais pas encore reçu la nourriture » tente-t-il de se rassurer.
Pour le même établissement, le gérant endosse aussi une perte de 100 000 euros à cause des annulations des évènements d’entreprises. « Si cela dure effectivement seulement 4 semaines je m’en sortirais. Mais cela sera probablement prolongé et là ce sera un autre problème » estime Nicolas Lamotte.
Chômage partiel et indemnisations : des négociations sont en cours
La profession a été mise à mal après les 18 mois de fermeture précédents en raison de l’épidémie de Covid-19. « J’ai dû réembaucher 80% de mon personnel pour la réouverture en août dernier » explique le patron du So et du Moulin Rose. « J’ai déjà eu du mal à recruter et à former de nouvelles personnes, j’ai bien peur de ne pas réussir à retrouver du monde si on doit refermer pour une longue période ».
Les gérants regrettent que leurs établissements soient autant stigmatisés et aussi peu reconnues dans la société. Pour tenter de faire face économiquement, les syndicats représentant les gérants des discothèques vont participer, au côté de l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie (UMIH), à une concertation ce mardi 7 décembre auprès d’Alain Griset, ministre délégué chargé des petites et moyennes entreprises.
Ils négocieront le retour du chômage partiel et de l’indemnisation à hauteur de 20% du chiffre d’affaires. Tout le secteur de l’évènementiel subit de plein fouet cette 5ème vague au niveau économique.
Le porte-parole du collectif des discothèques de Bretagne et de Normandie, Matthieu Lebrun, annonce aussi qu’ils feront un recours auprès du Conseil d’Etat.