Paul Bedel, l'agriculteur d'Auderville est décédé à l'âge de 88 ans. Un documentaire "Paul dans sa vie" le présentait dans sa dernière année d'activité avant sa retraite. Le journaliste Rémi Mauger nous raconte sa rencontre avec ce paysan hors du commun.
Le miracle de Paul, c'est d'avoir arrêté le temps
"Il n'était pas original pour moi, il ressemblait à mes grands parents" explique Rémi Mauger, l'auteur du film documentaire Paul dans sa vie. "Le miracle de Paul, c'est d'avoir arrêté le temps"."On a partagé du temps dans la pièce unique qui est leur lieu de vie, (à Paul et ses soeurs) un peu comme les cuisines d'aujourd'hui. Paul travaillait comme certains le font maintenant : il vendait à la ferme son beurre en baratte. "Tout le monde s'est offert aux coopératives agricoles, lui il est resté petit. C'est ça aussi qui m'intéressait je savais que l'originalité de Paul c'était d'avoir gardé cette honnêteté" ajoute Rémi.
Ses pratiques, ses postures sont celles qui étaient déjà en train de revenir en 2006 : la juste mesure de l'agriculteur et de son lien avec le consommateur. Il est une référence en ce sens.
Paul a décidé d'être moderne à une époque de sa vie. Dans les années 60 il a acheté un tracteur. "Il a acheté une botteleuse ce qui n'était pas banal pour une ferme de petite taille. Il a même acheté une moissonneuse-batteuse mais c'est à sa mesure. Ce n'était pas du gros matériel. Il l'a acheté d'occasion. Il a constaté que ça lui convenait. Et il ne s'est pas agrandi, il est resté avec ses 15 vaches. Et ça c'est extrêmement rare."
"C'était une belle personne. Si on le comprend dans le film tant mieux, si on l'a rencontré c'est encore mieux..."
C'est avec émotion que Rémi Mauger se souvient de sa rencontre avec Paul Bedel, un voisin qu'il ne connaissait pas et qu'il aurait pu ne jamais connaître : "on m'a longtemps parlé de lui avant que j'aille frapper à sa porte"."Pour moi c'était un paysan à l'ancienne un peu ringard qui me tentait pas beaucoup et puis il y avait chez lui un aspect très religieux qui ne m'attirait pas franchement. J'ai été réticent et je pense que c'est une incitation autre qui un jour m'a amenée à pousser sa porte, on m'a dit dépêche toi, il va bientôt arrêter. Et le fait que tout ça s'en aille m'a vraiment attiré. J'ai poussé sa porte un matin d'hiver en 1990 ou en 2000. Là j'ai su dans les minutes qui ont suivies que j'étais face à une personne qui avait à dire et qui avait envie aussi de se raconter. Je ne tenais pas un personnage forcément mais j'étais face à une vraie personne."
Paul accepte d'être suivi par une équipe de tournage pendant sa dernière année de travail. Au total, il sera filmé une trentaine de jour, à mobylette, dans son champ, à la pêche... Paul partage sa vie. "Il savait que ce qu'on faisait c'était du travail et il voulait nous montrer le sien. Il nous faisait confiance. On avait carte blanche" rappelle Rémi Mauger. D'un 52 minutes, le film devient rapidement une série de 2 épisodes de 52 minutes puis il devient un film de cinéma d'1h40.
Ce film a connu un engouement local puis national. "Paul a dit dans une salle de cinéma que ce film parlait au monde. Il pensait au monde local mais ...". Paul était même connu au Japon. "Il avait envie de partager. Il y avait sans doute en lui une envie de reconnaissance. Qu'on s'intéresse à lui c'était déjà beaucoup".
Que garde Rémi de ses rencontres avec Paul ? "Ses mots, ses clins d'oeil, ses blagounettes et ses mains que j'ai serrées il y a trois jours et qui avaient perdu de leur vigueur. Avec la vie qu'il a eu, la peine qu'il s'est donnée, le labeur... Je l'aimais profondément. C'était une belle personne. Si on le comprend dans le film tant mieux, si on l'a rencontré c'est encore mieux"