Chaque année, des milliers de pèlerins marchent pour se rendre au Mont-Saint-Michel et célébrer l'Archange Michel lors de sa fête le 29 septembre. Cette fois, des tatoueurs se sont installés sur le rocher pour la première édition d'Encre Sacrée pour unir l'art du tatouage et la spiritualité et offrir un souvenir unique à ces voyageurs.
Après quatre jours de marche, Gilduin arrive au Mont-Saint-Michel. Et le pèlerin s'offre un cadeau pour ne pas oublier ce voyage : la foi dans la peau avec un tatouage de l'Archange. "J'ai fait mon pèlerinage tout seul, et je me suis dit que j'allais faire ce tatouage à l'arrivée", nous confie ce dernier.
La foi dans la peau
Pour lui, l'Archange représente beaucoup : "Il m'aide dans mes combats. Il y a une forme de transcendance à travers Saint-Michel, tant qu'on ne l'a pas vécu, on ne peut pas le comprendre. C'est l'ange qui nous protège". Gilduin est déjà venu au Mont en tant que touriste, le faire en marchant est une première : "La démarche n'est pas la même. On se prépare pendant quatre jours et l'arrivée est d'autant plus incroyable quand on est là. On est touché par autre chose qui est beaucoup plus grand que nous. C'est pour me souvenir de ça que je fais ce tatouage."
Il se fait tatouer aux mains de Patrice Le Juez, un tatoueur normand. Le professionnel participe au premier festival Encre Sacrée qui se déroule du vendredi 27 au dimanche 29 septembre pour la fête de Saint-Michel. Pour l'événement, son travail s'inspire de techniques ancestrales :
J'utilise des tampons. La technique de tatouage reste la même qu'un tatouage traditionnel. C'est l'apposition de l'image qui change. Le tampon est une technique qui date de plusieurs siècles et vient de Jérusalem.
Pierre Le JuezTatoueur
Patrice Le Juez ajoute : "À l'époque, il n'y avait pas de crayons, pas de papiers, donc ils sculptaient sur un morceau de bois des figures comme Jésus, la Vierge Marie, Saint-Michel, Saint-Georges. À la fin de leur pèlerinage, les pèlerins se faisaient tatouer là-bas".
En effet, l'encre glissait dans le bois puis les tatoueurs d'antan l'appliquaient et ils travaillaient le dessin à l'aiguille. Une technique qu'aime mettre en pratique l'Ornais. Ce passionné de tatouage depuis 30 ans est installé à Champsecret dans l’Orne, où il dirige un salon avec son épouse.
Des tatouages ancestraux qui viennent de Jérusalem
Patrice Le Juez est aussi membre de l’association "Les Compagnons du Sentier", où il accompagne des groupes de pèlerins sur les 100 derniers kilomètres du pèlerinage vers le Mont-Saint-Michel : "En 2016, j'ai fait cette marche jusqu'au Mont et tu te fais traverser par plein de choses, c'est spirituel, psychique, corporel. J'ai retrouvé la foi sur ce chemin-là. J'ai voulu mettre de la spiritualité dans mon travail et le tatouage pèlerin était une évidence. J'ai voulu ramener cette tradition de Jérusalem", explique ce dernier.
Lui aussi est là pour partager cette tradition. Wassim Razzouk est bien connu des amateurs de tatouages. Il fait partie de la plus ancienne des familles de tatoueurs au monde qui continue son activité depuis le XVIe siècle à Jérusalem. Wassil Razzouk est la 27ᵉ génération à perpétuer le tatouage ancestral.
Avec des tampons vieux de plus de 500 ans, il tatoue des pèlerins qui viennent à Jérusalem :
Durant des siècles, le pèlerinage à Jérusalem était le voyage d'une vie. Les pèlerins mettaient parfois six mois à un an à arriver à Jérusalem. Certains mourraient sur le chemin. Alors ceux qui arrivaient à destination voulaient se rappeler ce moment pour toujours. Ils se faisaient tatouer une sorte de certificat sur le corps qui prouvait qu'ils avaient fait ce périple.
Wassim RazzoukUn tatoueur de Jérusalem
Et pour rien au monde, il n'aurait choisi un autre métier : "Ma famille vient d'Égypte et là-bas, il y avait la tradition de tatouer une petite croix sur le bras. Quand ma famille s'est installée à Jérusalem, ils ont commencé à tatouer les pèlerins. Ça a perduré. Et me voilà là, 700 ans plus tard".
Faire perdurer cette tradition au Mont-Saint-Michel
À l'occasion de la fête de Saint-Michel, le Mont accueille quatre tatoueurs à la renommée internationale. Ils proposent tous des tatouages religieux aux pèlerins qui se sont déplacés pour célébrer l'Archange. Et ça a du sens que la toute première édition d'Encre Sacrée s'installe sur le rocher : un lieu classé au patrimoine mondial de l'humanité par l'Unesco.
Pour François Ridel, adjoint à la culture à la mairie du Mont-Saint-Michel, qui a monté l'événement : "Ces tampons bénis marquent le début d’une tradition qui, je l’espère, nous survivra, pour que dans des centaines d’années, des hommes et des femmes continuent à se faire tatouer ici".
"C'est sûr que les tatouages évangéliques en France, ce n'est pas quelque chose de très commun comparé à l'Italie ou Israël par exemple. Mais on veut créer des événements dans ce lieu qui aient un lien direct avec le Mont-Saint-Michel qui est un haut lieu de pèlerinage", précise ce dernier.
Le Mont-Saint-Michel promet de nombreuses autres éditions d'Encre Sacrée pour faire perdurer cette tradition du tatouage qui a traversé tant de siècles.