Dans son discours de politique générale devant l'Assemblée nationale ce mardi, Gabriel Attal a livré un plaidoyer pour l'énergie nucléaire et annoncé la mise en service de l'EPR cette année. Quelques heures plus tôt, l'ASN, le "gendarme du nucléaire", s'était montré beaucoup moins catégorique.
À ce niveau, ce n'est plus un serpent de mer. Le chantier de l'EPR, réacteur nucléaire de troisième génération, a débuté en 2007. Et 17 ans plus tard, toujours pas le moindre mégawatt distribué sur le réseau électrique français. "C'est sûr, l'EPR de Flamanville démarrera en 2023 après 11 ans de retard", titrait-sur ce même site internet en juin 2022 , en s'appuyant sur les déclarations d'EDF, alors confiant. Un an et demi plus tard, à l'automne 2023, l'électricien annonçait une grande campagne d'essais, "une répétition générale" avant une mise en service programmée en 2024. Une déclaration visiblement prise au sérieux au plus haut niveau de l'Etat puisque le Premier ministre, Gabriel Attal, lors de son discours de politique générale devant l'Assemblée nationale que "cette année, l'EPR de Flamanville sera opérationnel".
Enfin le bout du tunnel ? Gabriel Attal veut y croire. Ou le faire croire. Car comme l'a rappelé ce mardi le Premier ministre, le gouvernement (et le chef de l'Etat) mise, notamment, sur le nucléaire pour assurer la souveraineté énergétique de la France. Emmanuel Macron veut ainsi construire et mettre en service six nouveaux EPR2 d’ici 2035. Les deux premiers pourraient voir le jour, ene fois encore en Normandie, sur le site Pensly en Seine-Maritime. La mise en service du premier EPR cette année conforterait, aux yeux du gouvernement, cette stratégie.
2024 ? Oui mais....
Attention toutefois à ne pas confondre désir et réalité. C'est ce que semble dire l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN). Quelques heures plus tôt ce mercredi, avant que Gabriel Attal s'avance à la tribune de l'Assemblée nationale, le "gendarme du nucléaire", faisit part de ses réserves quant au calendrier d'autorisation de mise en service de l'EPR de Flamanville, visée à fin mars 2024 par EDF. "C'est possible, mais c'est très tendu, il n'y a aucune marge, notamment si EDF n'apporte pas les derniers éléments que nous avons demandés", a indiquait Bernard Doroszczuk, le président de l'ASN, lors de sa conférence de presse annuelle de début d'année.
Le gendarme du nucléaire en chef a notamment cité des éléments en lien avec la "préparation globale du site pour fonctionner" et "quelques points qui restent en termes d'attestation de conformité de certains équipements sous pression". EDF table sur une mise en service pour fin mars avec la première étape qui consistera à charger le combustible d'uranium dans le réacteur, avant que de premiers mégawatts puissent être produits dans le courant de l'année.
EDF est-il prêt ?
Le gendarme du nucléaire a mené en mai 2023 "un certain nombre d'inspections, dont une inspection de revue qui était très importante, qui a duré une semaine avec plusieurs dizaines d'inspecteurs, d'experts de l'ASN et de l'IRSN (Institut de radioprotection et sûreté nucléaire, expert du secteur, NDLR), pour vérifier l'état de préparation d'EDF en vue de la mise en service du réacteur", a indiqué Bernard Doroszczuk.
"Cette inspection a permis de mettre en évidence les besoins qui restaient encore importants de la part d'EDF de maîtriser la documentation d'exploitation, c'est-à-dire le passage du constructeur à celui d'exploitant du réacteur", a-t-il ajouté. "Si tout va bien, nous pourrions être amenés à mettre en consultation (...) le projet d'autorisation de mise en service vers la fin février" et ce pour une durée d'un mois.
Une fois l'autorisation obtenue, EDF pourra charger le combustible, puis il y aura une montée en puissance par paliers, avant couplage au réseau électrique: le groupe vise un raccordement mi-2024. Il lui faudra plusieurs mois avant d'attendre la pleine puissance.