Prêtre de l’église Saint-Pierre au Mont-Saint-Michel, Don Pierre Doat est aussi le recteur du sanctuaire. Depuis un an, le religieux est l’un des rares habitants de l’îlot rocheux. Nous l’avons rencontré.
Quatre saisons que Don Pierre Doat vit au Mont-Saint-Michel, quatre saisons qu’il ne cesse d’être ébloui par la beauté du rocher. "Même quand il fait gris et qu’il pleut, tout est beau ici" nous confie ce dernier avec les yeux qui brillent.
À 37 ans, ce prêtre de la communauté Saint-Martin fait partie des 15 habitants qui vivent sur la Merveille à l’année. Il est responsable de l’église Saint-Pierre qui se trouve en plein cœur du village, à mi-hauteur du Mont. Depuis début septembre, il est aussi le recteur du sanctuaire.
Depuis un an, son quotidien est marqué par le rythme de vie ici, avec, par moments, des journées bien remplies. Quelques déplacements pour des réunions ou encore un congrès à l’autre bout de la France. Et puis lorsque Don Pierre Doat est chez lui, il célèbre les messes et surtout, il doit mener à bien la mission que le diocèse de Coutances lui a confiée : accueillir les pèlerins.
Sa mission : faire vivre la religion sur le rocher
Oui, le Mont-Saint-Michel est un joyau du patrimoine français, mais c’est avant tout un lieu de prières et de pèlerinage depuis 1300 ans. Trois millions de touristes viennent chaque année admirer la beauté du monument. Beaucoup sont aussi là pour prier Saint-Michel : "Il ne faut pas oublier que cet endroit existe, car c’est l’archange qui l’a demandé à Saint-Aubert" nous explique Don Pierre Doat.
Alors, le prêtre s’affaire à préparer au mieux la venue de ces pèlerins. Nous le suivons dans les bureaux du sanctuaire où quelques courriers l’attendent. Entre les coups de téléphone et les mails, Sœur Émilie, elle, traite les demandes de pèlerinages : "Deux Sœurs travaillent avec nous ici. Certaines personnes veulent venir seules, parfois à pied, d’autres en groupes. L’idée est de les accueillir au mieux en fonction de leur demande tout en leur proposant des temps de prières, des conférences sur les anges, sur Saint-Michel ou une traversée spirituelle de la baie". Une autre partie du temps, la mission des religieux est l'accueil des scouts ou des d’étudiants.
Un nouvel habitant au nouveau métier
Gérer le sanctuaire est un tout nouveau métier pour Don Pierre Doat. Avant, c’est dans des paroisses qu’il officiait : "C’est un autre travail, ici ce ne sont pas des habitants qui viennent prier, mais des gens de l’extérieur comme à Lourdes ou Lisieux. Ce sont des personnes que je rencontre quelques minutes, voire quelques heures et puis ils repartent".
Forcément, on lui demande si la vie en paroisse ne lui manque pas, il répond spontanément : "Parfois oui. Ces personnes vivaient près de chez moi, je les connaissais et je les accompagnais sur une longue durée". Mais le challenge de prêtre dans un sanctuaire ne lui déplaît pas non plus : "On n’a pas beaucoup de temps pour être efficace et je crois profondément que les personnes qui passent par ici sont touchées par l’endroit. Le discours et le message du lieu sont forts tout de suite".
Et quel est le message spirituel de ce lieu ? : "Dieu a créé les anges pour nous aider et nous accompagner. Même si on ne les voit pas, on ne les sent pas, on peut s’ouvrir à leur action en les priant et en priant notamment Saint-Michel" nous éclaire ce dernier. Saint-Michel est présenté dans le Nouveau Testament comme l’ange qui combat les démons, les ennemis de l’humanité.
« Prêtre » : une véritable vocation
Nous nous promenons quelques minutes sur le Mont avec cet homme de Dieu vêtu de sa soutane. Pourtant, plus jeune, Don Pierre Doat ne pensait pas forcément rejoindre les ordres religieux. Originaire de Vendée, il nous confie qu’il voulait être médecin et avoir une vie "normale".
Je voulais avoir mon cabinet dans un village, me marier et avoir des enfants.
Don Pierre DoatPrêtre et recteur du sanctuaire du Mont-Saint-Michel
Mais sa foi l'appelle : "Quand j’étais en première année de médecine à Bordeaux, j’étais aussi attiré par la voie de la religion, alors j’ai décidé de m’engager". Il a rejoint un groupe de prêtres qui s’appelle la communauté Saint-Martin : "J’ai fait 7 ans d’études et au fur et à mesure du temps, ça devenait de plus en plus une évidence. J’étais bien à ma place, donc je suis resté. Je suis devenu prêtre en 2011".
Il passera par plusieurs paroisses. Près de Blois dans le Loir-et-Cher, Biarritz, en Mayenne… Et puis, il sera missionnaire pendant six ans à Placentas, à Cuba. C’est d’ailleurs la paroisse qui marquera sans doute le plus le religieux : "L’église me permet de faire des choses que je n’aurais jamais osé faire. Elle m’a appelé en me disant qu’elle avait besoin de moi à Cuba. J’ai accepté et j’ai rencontré des gens merveilleux. Vivre dans un pays qui vit sous un régime autoritaire où la vie est difficile, n’était pas dans mes plans, mais je suis heureux d’avoir vécu cela, d’avoir été à leur côté".
Sa vie au Mont-Saint-Michel
Vivre au Mont-Saint-Michel ne faisait pas non plus parti de ses plans. Mais quand ses supérieurs lui proposent, il accepte tout de suite : « Je suis passionné par le thème de Saint-Michel et puis la beauté du lieu a beaucoup joué !". Le religieux s’est très vite attaché à cet endroit : "Je m’entends bien avec les commerçants, certains sont même devenus des amis ». Il nous raconte qu’il peut aussi se garer sur l’îlot rocheux : "C’est bien pratique, surtout quand je reviens avec des kilos de courses".
Il nous emmène chez lui. On s’installe dans son salon-cuisine. La vue, à travers les fenêtres, est juste... splendide ! Elle donne sur la baie. "C’est ici que je vis » nous dit-il, le sourire aux lèvres. "Je m’y sens bien. Tous les matins, c’est un bonheur de regarder dehors. Pour le moment, je suis seul, mais je partage cet endroit avec d’autres religieux qui passent par là. Et puis dans cette maison, à l’étage, il y a six chambres qui peuvent accueillir dix pèlerins qui viennent jusqu’ici à pied".
Partager sa foi lui tient à cœur
Il est aussi fier d’être là pour le millénaire de la construction de l’abbaye bénédictine : "C’est fascinant de se dire qu’elle a 1000 ans et qu’elle a traversé toutes ces années. L’abbatiale a été remaniée, reconstruite, mais il est un point de repère pour les pèlerins depuis toujours".
Et même si l’abbaye est un musée qui appartient à l’État, Don Pierre Doat est enchanté de voir que ce monument abrite aussi une vie de prière. Pour lui, ce sont les religieux qui lui donnent son âme : "C’est un lieu magnifique et il est encore plus beau lorsque les frères et sœurs prient ici, l’édifice prend vie. Les touristes vivent à ce moment-là une expérience particulière".
L'autre expérience spirituelle pour les visiteurs est celle de l’église Saint-Pierre. Sous l’œil bienveillant de l’immense statue de Saint-Michel, nous sommes assis aux côtés d’une dizaine de personnes venues exprès pour l’office de Don Pierre Doat en cette fin de matinée. Ses prières s’élèvent et résonnent entre ces murs qui datent du XVᵉ siècle. Ses paroles nous emportent.
Au fur et à mesure, des touristes entrent. Certains se mettent à prier, d’autres s’arrêtent pour simplement écouter :
C’est ce que j’aime ici, je m’adresse à tout le monde. Il y a les pratiquants mais aussi beaucoup de curieux.
Don Pierre DoatPrêtre et recteur du sanctuaire du Mont-Saint-Michel
"C’est arrivé que je parle des anges à dix personnes, finalement, on se retrouve à 80. Ça intéresse aussi ceux qui sont loin de la foi". Autres miracles que le prêtre apprécie : "Des chrétiens entrent dans l’église, me trouvent et viennent se confesser. Et puis l’autre jour, un homme m’a vu, il n’était pas baptisé, mais a voulu discuter avec moi et m’a confié ses souffrances. J’ai pu le guider. Je suis aussi là pour ça".
Un message spirituel que cet habitant du Mont-Saint-Michel, et il ne s’en cache pas, est heureux de partager avec les nombreux visiteurs de passage : "Vous imaginez bien que je ne vais pas me priver de leur expliquer pourquoi ce lieu existe !".
Don Pierre Doat nous avoue qu’il a aussi son petit pêché : "C’est formidable de faire toutes ces rencontres. Mais en vivant ici, ce que j’aime surtout, c’est profiter du Mont-Saint-Michel tôt le matin et tard le soir, lorsque le rocher redevient un lieu hors du temps".