La carotte de Créances conserve son Label Rouge

Depuis plusieurs décennies, grâce à son sol sableux et à des conditions climatiques très favorables (climat océanique), la côte ouest de la Presqu'île du Cotentin est un endroit privilégié pour la culture des carottes. Sur la seule commune de Créances, on dénombre une vingtaine de producteurs qui, depuis quelques années, doit faire face à des contraintes réglementaires imposées par l'Etat français. Malgré tout, la filière légumière tient bon et a su conserver son Label Rouge.

Des conditions de production exceptionnelles 

"C’est sur cette bande de sable en bordure de mer que notre entreprise travaille de père en fils" indique Matthieu Joret, cultivateur à Créances. Créances, épicentre de la culture de carotte étendue sur 150 hectares de zone sablonneuse sur le littoral du Val de Saire 

La culture de la carotte a démarré dans les années trente. Elle s'est développée après la 2e guerre mondiale pour répondre à la forte demande parisienne. C'est à cette époque que l'Etat français a jeté les bases d'une agriculture intensive invitant les agriculteurs à assurer l'autonomie du pays. Pour atteindre cet objectif, son essor s'est  poursuivi dans les années 70 avec l'utilisation de produits phytosanitaires.

Mais aujourd'hui, la tendance est à la production vertueuse, sans pesticides, tels qu'ils existaient autrefois.

Vers une production "vertueuse"

2018 a été un choc. Le gouvernement a brutalement interdit  le Chloropropène, une molécule indispensable pour lutter contre le ver Nématode. Dès lors, la filière a dû se remettre en cause, redéfinir les modalités de production.

Henri Lemoigne, maire de Créances et président de la communauté de communes "côte Ouest centre Manche"

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Dans un premier temps, nous avons utilisé des semences Vilmorin plus résiliente précise le maraîcher Mathieu Joret. "Nous enrichissons les sols avec des algues marines, nous les aérons pour les oxygéner, les réchauffer, favoriser l'infiltration d'eau."  

  • "Mais pour s'en sortir, on augmente la rotation des cultures" allègue l'exploitant. "En clair, on diversifie. On fait de la carotte mais aussi du poireau, de la céréale comme l'orge ou le maïs. On met en jachère des prairies pour faire du foin par exemple".
    • Mathieu Joret, qui est également membre de la FDSEA et président du syndicat des producteurs de carottes de Créances admet utiliser d'autres produits plus résilients, d'autres molécules.

    "Les pulvérisateurs que vous voyez aujourd'hui dans les champs n'épandent plus des pesticides au sens nocif du terme" dit-il. "Ce sont des oligo-éléments, du cuivre, du zinc, des produits de bio contrôle diffusés  de façon plus fréquente. En somme, des produits d'organismes vivants qui viennent concurrencer des organismes délétères qui pourraient s'installer dans les légumes"

    Le producteur observe l'évolution de la plantation  pour adapter une application raisonnée du produit. Du coup, le volume de production pour la carotte baisse, les cultivateurs doivent trouver des alternatives : augmentation des sols cultivables, diversification si le climat océanique et  le sol sablonneux le permettent. "ce n'est pas facile de trouver des cultures de substitution" poursuit Matthieu Joret. "Il y a bien la lentille dont la demande est forte en ce moment, mais le marché français est concurrencé par le Canada tout comme la carotte d'ailleurs".

    Une transition brutale

    En effet, au nom de l'écologie, d'une production vertueuse, la France impose brutalement à ses agriculteurs une réglementation drastique que d'autres pays comme l'Espagne ou l'Italie par exemple  ne s'imposent pas à eux-mêmes.

    "La politique de la France était inadmissible par rapport aux pays périphériques" poursuit le maire de la commune. "Nous avons alerté le ministre de l'agriculture de l'époque et aussi le président de la République pour demander un temps d'adaptation.  Au salon de l'agriculture, le président  a déclaré qu'il n'y aurait pas d'interdiction tout pendant  qu'il n'y a aura pas de solution". Mais la décision est tombée quand même".

     

    "Il y a  bien la loi Egalim qui devrait lutter contre les distorsions de concurrence poursuit Mathieu Joret mais les décrets ne sont pas appliqués. Les carottes voyagent donc beaucoup pour se retrouver dans l'assiette des français.

    Mathieu Joret, cultivateur et président du syndicat des producteurs de Créances

     

    "Ces contraintes ont pour conséquence de décourager et de faire disparaître les plus petits exploitants : l'existence d'une agriculture vertueuse coûte plus cher, rapporte moins et se heurte à la concurrence étrangères déloyale" poursuit Mathieu Joret. "Comment résister si vous n'avez pas les reins solides ?  D'autant qu'une production écologique pure, comme le prône certains lobbies écologistes peut également nuire à la qualité des produits."

    "Attaqués par les vers où les champignons, le système de défense peut durcir le légume, le rendre plus fibreux... Trop d'agression ne le rend pas meilleur qu'un légume cultivé de façon traditionnelle, sans compter la réduction du volume de production" analyse l'exploitant.

    Depuis 15 ans et l'avènement de la transition agro-écologique, on estime à moins 25 % le manque à produire français. Un constat en contradiction avec la volonté des pouvoirs publics d'assurer l'autonomie alimentaire en matière de fruits et légumes. Tout le monde doit pouvoir consommer ces produits, meilleur antidote contre les maladies cardio-vasculaires. 

    La filière est sauvée

    Aujourd'hui, la transition est bien avancée, la filière semble sauvée sur un modèle de production exemplaire et avant-gardiste.

    Le sol sableux et la situation de bord de côte permet à la carotte de Créances d'être naturellement lisse, longue, régulière, d'une couleur plus rouge, moins sujette aux maladies et aux insectes, et d'avoir un goût léger, sucré à la saveur incomparable.

    "Un produit incomparable fêté chaque année au mois d'août dans la commune" s'enorgueillit le maire. "Tous les producteurs sont présents, des lots de carottes sont distribués à prix modique. Une notoriété qui draine à ce moment là plus de 25000 personnes.

    Une notoriété célébrée aussi, indique Henri Lemoigne, à l'occasion d'un repas à l'hôtel de la préfecture de Caen réunissant les présidents français et américain Emmanuel Macron et Donald Trump, avec au menu "un suprême de volaille Pays d'Auge accompagné de carottes de Créances à la crème d'Isigny-sur-Mer." 






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