La semaine dernière un agriculteur et le maire de la commune dénonçaient une surpopulation des cervidés dans le domaine du cinéaste Luc Besson. Deux spécialistes des cerfs répondent aux attaques alimentées, selon eux, de jalousie et conclusions hâtives.
A l'heure ou la France entière s'apprête à s'émerveiller devant le dernier film de Jacques Perrin "Saisons", revenons sur la cohabitation hommes-cervidés qui depuis des années alimentent tous les fantasmes, notamment dans l'Orne et particulièrement dans ce secteur : la Trinité-des-Laitiers.
"Non, les cerfs ne prolifèrent pas chez Luc Besson."
Fabrice Simon, photographe animalier de l'Orne et Jérôme Garnier, spécialiste des cervidés à l'Association nationale des chasseurs de grands gibiers assurent que les cerfs ne sont pas un problème, chez le cinéaste.
Tant de grandes propriétés ou de domaines nationaux comme Chambord sont gérés dans le calme et le dialogue. pourquoi cela est-il impossible à la Trinité-des-Laitiers? Est-ce le simple fait qu'il s'agisse de la propriété de Luc Besson ?
Il n'est effectivement pas rare de croiser le regard d'un cerf aux bois majestueux, sur la route départementale qui traverse le grand domaine de Chambord ( Loir-et-Cher).Et là-bas, la cohabitation avec les automobilistes ne se passe pas mal. Les sangliers, invisibles et imprévisibles, provoquent bien plus d'accidents de la route.
Aussi nos deux spécialistes réagissent aux reproches faits à Luc Besson et apportent "une correction basée sur une connaissance éthologique de l'espèce, doublée des chiffres officiels de la fédération."
Tout d'abord, l'entité géographique du massif boisé de Saint-Evroult compte 6000 ha. Bien évidemment, en matière de gestion cynégétique, cela ne se résume donc pas aux 160 ha de Mr Luc Besson, dont seulement 84 ha sont boisés...
"Cet ensemble boisé a connu, il est vrai, une surpopulation, encouragée à l'époque par un nourrissage excessif des grands animaux. Désormais le schéma départemental de gestion vient interdire tout nourrissage à point fixe, qui tend notamment à asservir la grande faune. A signaler qu'il y a toujours du maïs distribué chaque jour sur certains territoires, soi-disant pour les sangliers. En revanche, chez Luc Besson, aucune nourriture n'est offerte aux animaux pour favoriser une présence plus importante", précise Fabrice Simon.
Le rassemblement de milliers de scouts en 2014 a des répercussions, encore aujourd'hui
Contrairement à de nombreux propos erronés, la population a beaucoup baissé, voire chuté sur certains secteurs assure Jérôme Garnier.
"une chute importante de la population a eu lieu ces dernières années. Par ailleurs et sur un plan éthologique, le comportement des cervidés s'était beaucoup modifié depuis plus d'un an.
La présence de 12500 scouts venus du monde entier avec intendance et encadrement, pour camper du 01/08 au 11/08/2014 a eu des conséquences. Une partie importante des cervidés s'est déplacé prématurément vers l'Ouest. Pour preuve, une baisse observée de la réalisation du plan de chasse sur la zone Sud-Est , toute la partie située à gauche de la route Saint-Evroult, direction Echauffour. Les scouts ne sont plus là et à ce jour, des animaux sont à nouveau vus sur la zone citée. Malgré tout, les bois de la Ferté Fresnel et ceux de la Garenne sont loin d'avoir retrouvé leur potentiel d'animaux."
Les animaux se réfugient parfois Chez Besson quand ils sont chassés à proximité
"Sur la propriété de Luc Besson une présence ponctuelle plus importante peut être observée suite par exemple, à une chasse voisine qui déplace des animaux. Méfions-nous là encore, de nos observations trop rapides et dépourvues d'une analyse basée sur une bonne connaissance du massif forestier."
Il y a régulièrement, observent les deux compères, des battues "d'effarouchement" organisées chez Luc Besson. Elles permettent de mieux répartir les cervidés et d'éviter l'effet d'attroupement. Une médiation mise en place par la préfecture devrait permettre de faire évoluer les choses, à l'avenir, entre les deux camps.
Pour conclure, voilà 30 ans que j'étudie modestement la population de cervidés de la forêt de Saint-Evroult. Aujourd'hui, une seule chose me reste à l'esprit : marcher dans une forêt, où ne vit plus aucun cerf et autre animal sauvage est absolument inconcevable, assure Jérôme Garnier.