En raison de la crise sanitaire, il est très compliqué pour les apprentis en restauration de se former. Les restaurants ne pouvant plus, pour l'heure, les accueillir, il ne leur reste plus que les cours en centre de formation.
Les apprentis cuisiniers du CFA d'Alençon n'ont pas de temps à perdre : il ne leur reste plus que quelques mois avant de passer leur bac professionnel (BP). Mais seront-ils au niveau ? En raison de la crise sanitaire et de la fermeture des restaurants, ils manquent cruellement de pratique, pourtant essentielle à leur formation. Alors pour apprendre à lever le poisson d'un geste sûr, Estelle Plu, professeur de cuisine et de technologie culinaire au CFA, conseille à ses élèves de s'entraîner chez eux en complément des cours.
Les cuisiniers en herbe ne cachent pas leur inquiétude et doutent de la valeur de leur diplôme qu'ils ont même rebaptisé le "BP Covid". "On a peur que les employeurs se disent : le bac leur a été donné, craint Séverine, en deuxième année de BP cuisine. On a tellement de matières pratiques différentes qu'on n'aura pas le temps de tout voir avant l'examen."
Une année blanche
Adrien Chauvin, patron du restaurant L’Alezan à Alençon s'alarme lui aussi de la situation de ses apprentis. "Ils vont arriver sur le marché du travail avec une année blanche. Est-ce que les professionnels les embaucheront ?", s'interroge-t-il. Ils vont manquer de pratique. Ils ont le niveau d'un apprenti en première année tout en étant en deuxième année." Le chef cuisinier avait initialement embauché des apprentis dans son restaurant gastronomique... fermé depuis plusieurs mois.
"Un service, c'est une ambiance"
Pour les apprentis en arts du service, même combat. Dans la salle, l'ambiance est tout aussi morose que dans les cuisines : les tables dressées restent désespérément vides. "Ça m'inquiète parce qu'il manque une chose essentielle : c'est le contact humain avec la clientèle. Et puis l'ambiance du service... Un service, c'est une ambiance, un coup de feu. Et ça, ça va beaucoup leur manquer", regrette Jean-Claude Chevalier, professeur de restauration.
Après cette année quasi blanche, certains apprentis serveurs envisagent même une reconversion. "On se demande si on ne va pas devoir changer de métier même si on a espoir que ça continue, raconte Inola, apprentie en deuxième année. Mais si vraiment ça ne s'améliore pas, je vais devoir changer d'orientation." D'autres élèves évoquent le fait de redoubler alors même que l'année scolaire n'est pas encore terminée.
Reportage de Florie Castaing et Damien Migniau-Boisgallais