Condé-sur-Sarthe : après la prise d'otages les surveillants cessent le service : "on est perdus, on est paumés"

Une cinquantaine de surveillants de la prison de Condé-sur-Sarthe refusent de prendre leur service mercredi 12 juin, au lendemain de la prise d'otage de deux surveillants par un détenu "coutumier des prises d'otages".

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"On a décidé de ne pas prendre le service ce matin à 7H00, l'équipe de nuit est toujours à l'intérieur", explique Frédéric Eko, membre du Snepap-FSU. Il n'y a pas de blocage de l'établissement pénitentiaire.

Nous demandons plus d'écoute, car nous savions que ce détenu allait passer à l'acte, il avait changé de comportement et nous avions fait remonter l'information. Pourtant, il était classé auxiliaire, c'est-à-dire qu'il aidait à servir les repas, à faire le nettoyage, tout cela pour acheter la paix sociale.

La prise d'otages s'est déroulée mardi soir, trois mois après l'attaque de deux surveillants par un détenu radicalisé.

Deux surveillants retenus en otage pendant cinq heures

Le détenu, Francis Dorffer, "armé visiblement d'une arme artisanale, un pic" a retenu pendant près de cinq heures dans sa cellule un surveillant et une surveillante stagiaire. Libérés en deux temps, avant et après minuit, les personnels pénitentiaires sont sains et saufs. Le détenu s'est rendu vers 0H30. 
Francis Dorffer est né en 1984. Libérable en 2060, il est associé à au moins cinq autres prises d'otages. Classé "DPS" (détenu particulièrement signalé), il est connu pour des troubles psychiatriques.
 

Les informations remontées par les surveillants ne seraient pas prises en compte

"On nous demande de faire remonter toutes les informations auprès de la direction mais cela n'est pas suivi de mesures. Quand un détenu est susceptible de passer à l'acte, nous voulons qu'il soit isolé des autres", insiste Frédéric Eko, qui demande des "réponses concrètes de la direction" et déplore que le matériel qui devait être livré ne l'ait été "qu'en partie" ou alors sans formation. 

"C'est comme si on donnait une arme à un agent et qu'on lui disait de se débrouiller avec, c'est de la négligence", assure le syndicaliste.

"Cela devient récurrent dans cet établissement qui est anxiogène. C'est comme si tout le monde s'attendait à ce qui s'est passé hier. On est perdus, on est paumés", a regretté de son côté Alassane Sall, de FO-pénitentiaire, pour qui "les leçons n'ont pas été tirées". 

Reportage de Simon Derrien, Nicolas Corbard, Olivier Feniet, Guillaume Gosalbes, Tony Detcheverry et Régis Saint-Estève



Un détenu "multi-récidiviste" dans les prises d'otages

Francis Dorffer est associé à au moins cinq autres prises d'otages. En 2006, il avait retenu une psychiatre à la prison de Nancy, en 2009 un surveillant à Clairvaux (Aube), en 2010 un psychiatre à la Santé (Paris) et en 2011 un gardien à Poissy (Yvelines). C'est un profil psychiatrique très lourd".
    
C'est "un détenu qu'on surveillait un peu plus que les autres parce qu'il a un potentiel de dangerosité qui est très élevé", a indiqué Emmanuel Guimaraes, délégué national FO pénitentiaire.

En avril 2018, il a été condamné à Colmar à 12 ans de prison pour avoir pris en otage un surveillant et tenté de s'évader de la maison centrale d'Ensisheim (Haut-Rhin), en juin 2017, avec deux autres détenus. Ils avaient libéré leur otage et s'étaient rendus le lendemain matin, à 5H30, après de longues négociations.

En raison de son profil de récidiviste, les surveillants ne faisaient "plus attention" à lui, selon M. Guimaraes. "Pour autant, l'administration l'avait classé auxiliaire, c'est-à-dire qu'il avait la possibilité, la charge de distribuer les repas pour les détenus donc il avait des accès à plus de lieux en général".

Joaquim Pueyo, député de l'Orne et ancien directeur de prison, a eu à gérer cet homme à deux reprises :

"Quand j'étais à l'inspection des services pénitentiaires, c'est moi qui ai fait l'enquête lorsqu'il a tué son codétenu" explique Joaquim Pueyo à FranceInfo,  "j'avais été frappé par cette personnalité. Quelques années plus tard, lorsqu'il a fait une prise d'otages à Nancy, il a été transféré à la prison de Fleury-Mérogis que je dirigeais. Je l'avais placé à l'isolement, pour plusieurs motifs, notamment parce que j'ai trouvé que ce détenu était dangereux et qu'il était absolument imprévisible dans son comportement. J'avais attiré l'attention des surveillants sur sa prise en charge".

L'interview intégrale :
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