Les restaurateurs de Suisse Normande au régime forcé : les touristes sont très rares

Le seul hôtel restaurant de Putanges-le-Lac (Orne) vient de servir ses derniers clients. Il va fermer, provisoirement, il l'espère, en attendant des jours meilleurs. Avec le Covid, les rues de la ville se sont vidées, et les professionnels du tourisme s'interrogent.

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C'est par hasard que notre équipe a poussé la porte, au gré d'un reportage en Suisse normande. Le Lion Verd, c'était le seul restaurant du coin ouvert un dimanche ! Impossible de rater cette vieille auberge sur la place principale de petit village ornais de 2.000 habitants, Putanges-le-Lac. 

"Demain, j'arrête. Je ne vais pas travailler à perte, il vaut mieux fermer pour l'instant." L'annonce du gérant a été sans équivoque. Pierrick Gouvernet préfère être pragmatique. Même motivé, il ne peut plus faire face à la situation actuelle. Et c'est vrai que de voir cette grande salle de restaurant avec seulement une douzaine de clients fait mal au cœur... 

"Il m'en avait parlé la semaine dernière", nous confirme Catherine Meignan, au téléphone, la responsable de l'office de tourisme Val d'Orne - Putanges-le-Lac. Cette dernière ne semble pas surprise, mais forcément déçue. "On a beaucoup de gîtes et de chambres d'hôtes, mais c'est le seul hôtel dans la communautés de communes."

Le Covid a cassé la nouvelle dynamique

Un problème de réputation ? Pas vraiment à priori. "Le restaurant a bonne réputation avec sa cuisine gastronomique ; il est très bien placé, près de la rivière. Mais c'est compliqué en général pour tous les restaurateurs en ce moment. Et lui en plus a une grande capacité, et avait l'habitude d'organiser de grandes tablées en fin d'année, avec les repas d'associations par exemple... Là il n'y avait que quelques personnes à cause du Covid."

Avec huit salariés, et aussi peu de clients, difficile de ne pas se poser de questions. Et pourtant, il y a quatre mois, c'était le début d'une nouvelle aventure pour ce lieu avec un nouvel homme aux commandes, un globe-trotter d'origine normande.

Le site Tripadvisor ne recense qu'un seul avis ("excellente adresse") depuis ce changement en coulisse. Le succès des premières semaines a été rapidement confronté à la dégradation sanitaire dans notre pays. "Les gens ont peur de sortir", constate Gwendoline Trochon, la cheffe cuisinière. "Y'a pas de clients, donc y'a moins de motivation." Les fermetures obligatoires des restaurants, l'hiver dernier, l'avait déjà éloignée des fourneaux. 

La voilà depuis ce lundi de nouveau au chômage partiel. "On va essayer de s'occuper..." Attendre ? "Oui, beaucoup attendre." Son patron a fait ses comptes, et c'était pour lui la seule solution pour éviter de couler le restaurant. "Il faudrait qu'on soit 20-30 couverts par service pour pouvoir survivre tout simplement, et payer les factures à coté. Parce que vous avez la nourriture à payer, les alcools et tous les coûts fixes comme internet et l'électricité."

Un samedi on fait une vingtaine de couverts, et puis le suivant zéro ! Zéro ! Vous voyez les battements du cœur ? C'est pareil.

Aurélie Picoste, gérante du restaurant Caféine

F3 Normandie

Sur la même place, juste en face, un autre établissement, Caféine, restaurant bar brunch pour les budgets plus serrés. Aurélie Picoste, sa gérante n'est pas non plus au mieux. "On arrive à tenir car on est une toute petite entreprise. Je suis seule en cuisine, et ma salariée s'occupe de la salle. Mais on n'a pas eu de vrai service depuis plus d'un mois." Il est vrai que nous discutons avec elle à 11H50, sans à priori que ça lui pose problème. "On ne peut pas dire que ça ne fonctionne pas, mais bon, tout le monde a le Covid quoi... Un samedi on fait une vingtaine de couverts, et puis le suivant zéro ! Zéro ! Vous voyez les battements du cœur ? C'est pareil."

Cette patronne avoue même combien rester là, debout, seule, à attendre les clients est dur à vivre. "Normalement le dimanche, c'était une énorme matinée. J'ai fini par fermer, à force de voir devant moi cette grande place vide, on dirait une place fantôme."

Un été pour retrouver des couleurs ?

Cette impression de vide est peut-être encore plus marquante dans une région comme la Suisse Normande, où les touristes sont précieux pour créer de l'animation. "Tous les Anglais ont disparu avec le Brexit, les Allemands, les Belges ou les Néerlandais se font rares depuis le Covid", remarque Aurélie Picoste.

Et puis c'est l'hiver. "C'est souvent une époque calme", reconnait la responsable de l'office de tourisme. D'ailleurs elle est en télétravail car les bureaux sont fermés pour travaux. "On espère reprendre bientôt. C'est un endroit très prisé par ceux qui recherchent une activité nature. On a le lac de Rabodanges avec beaucoup d'activités nautiques. Et en vue de l'été prochain, il y a un projet d'aménagement pour ouvrir la baignade. On aura des maîtres nageurs."

Le gérant du Lion Verd n'a pas renoncé. Pierrick Gouvernet reste motivé et a prévu des travaux pour faire le plein avec les beaux jours, notamment "une belle terrasse et une belle ginguette" au bord de la rivière, mais cela parait encore loin... Il vient de fermer ses rideaux en espérant les rouvrir en mars.

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