En opposition à son expulsion du local de l'ancienne école Albert-Camus, l'union locale de la CGT a occupé le hall de la mairie de Condé-en-Normandie (Calvados), jeudi 5 décembre.
"Ils nous ont coupé le chauffage il y a un mois, l'eau il y a trois semaines, l'électricité il y a 15 jours ! Ils essayent de nous mettre dehors par tous les moyens...". Quand Nathalie Moulin, conseillère juridique de l'union locale CGT de Condé-en-Normandie décroche son téléphone, l'énervement et la lassitude transparaissent dans sa voix. La syndicaliste a accueilli à son domicile, toute la semaine, des salariés du Bocage normand faute de local où les accueillir.
"Sans imprimantes et photocopieuses, comment monter les dossiers ?"
"On est en plein hiver, il fait froid et il n'y a plus de luminosité après 17 heures. On ne peut pas accueillir les salariés dans l'ancienne école Albert-Camus dans ces conditions. Sans électricité, sans imprimantes et photocopieuses en service, comment monter les dossiers ?", évoque Nathalie Moulin.
Voilà plus d'un an que les deux camps s'écharpent sur la question de la maison des syndicats située dans l'ancienne école Albert Camus (fermée en 2016). Le bâtiment, qualifié de "vétuste et énergivore" doit être détruit après décision de la maire actuelle qui entend y construire un "village intergénérationnel".
"Pas plus tard qu'hier, nous avons reçu un monsieur qui souhaitait monter un dossier pour faire valoir son statut de victime de l'amiante. Nous n'avions même pas de local pour le recevoir. C'est un manque de respect total de la mairie à l'égard des syndicats"
Nathalie Moulin, conseillère juridique de l'union locale CGT de Condé-en-NormandieFrance 3 Normandie
Neuf mois plus tard, la situation est dans une impasse
Si une solution de relogement a été trouvée pour les trois associations également présentes dans l'école, les syndicats (CGT, FO et CFDT) ont reçu une fin de non-recevoir le 19 décembre 2023. Un communiqué de la mairie, daté de février 2023, indique ainsi qu'il "a été annoncé aux sections locales installées dans l'ancienne école que la mise à disposition gratuite par la commune de trois bureaux et d'une salle de réunion prendrait fin le 22 mars 2024".
Neuf mois plus tard, la situation semble dans une impasse. "On nous a proposé des bureaux à la mairie, mais utilisables seulement de façon occasionnelle et sur des horaires restreints. Où mettre nos imprimantes et nos archives, qui documentent plus de 20 ans de combat pour la reconnaissance des victimes de l'amiante ?", s'interroge Nathalie Moulin. "Nous ne sommes pas contre le projet de village intergénérationnel, mais nous demandons une solution durable de relogement. En attendant nous ne bougerons pas".
Une permanence... dans le hall de la mairie !
Si aucune obligation légale n'astreint les villes à fournir un lieu aux organisations syndicales, les syndicats en appellent au passé industriel de la ville, "martyre de l'amiante". Un lourd passé qui avait conduit la municipalité à octroyer une maison aux syndicats. "Depuis, la commune a financé les loyers et les charges en électricité, chauffage et eau de ces trois syndicats, ce qu'elle ne peut plus se permettre", poursuit le communiqué de la mairie, daté de février 2023.
Face à l'inertie générale, les syndicats ont multiplié les actions coup de poing ces derniers mois. La dernière en date, organisée jeudi 5 décembre, s'est soldée par la tenue d'une permanence... dans le hall de la mairie ! "On a donné rendez-vous aux gens au chaud, dans le hall de la mairie, pour alerter sur notre situation", acquiesce Nathalie Moulin, qui pointe l'absence de dialogue entre les deux parties.
La bataille prend le chemin du terrain juridique
"Nous dénonçons un choix politique de la mairie de Conde-en-Normandie, qui dispose de logements vides. Dans ce contexte politique instable, dans cette situation économique difficile, jamais les salariés n'ont autant eu besoin des syndicats pour faire valoir leurs droits. Cette décision est intolérable", fulmine Allan Bertu, secrétaire départemental de la CGT dans le Calvados qui précise que 300 à 400 personnes, salariés ou demandeurs d'emploi, se rendent au local chaque année.
Faute d'accord amiable, la bataille prend désormais le chemin du terrain juridique. La mairie a sollicité le juge du référé pour expulser les organisations syndicales et la CGT envisage de son côté de recourir au Conseil d'Etat. Le syndicat réfléchit également à des "actions fortes" pour janvier et a adressé des courriers au Préfet, ainsi qu'à l'ancien édile de Condé-en-Normandie, désormais sénateur, Pascal Allizard.
La Mairie de Condé-en-Normandie n'a pas souhaité répondre à nos sollicitations mais a rappellé que la commune "agit en toute légalité vis-à-vis de ces syndicats."