Il y a un an, la signature d'un plan social a condamné 105 postes aux Papeteries de Condat, longtemps considérées comme un fleuron industriel en Dordogne. Seulement une soixantaine de licenciés a retrouvé du travail. Parmi eux : Mehdi Lavignac qui, à 46 ans, n'a pas eu d'autre choix que de s'accrocher pour s'en sortir.
Mehdi Lavignac a appris son licenciement par lettre recommandée à 10 jours de Noël. C'était en décembre 2023. Les Papeteries de Condat, où il travaille depuis plus de vingt ans, ferment leur ligne numéro 4. La direction écrit devoir faire face à une baisse considérable des commandes de papier couché. Mehdi est l’une des 105 personnes dont le poste est sacrifié, au nom du plan de sauvegarde de l’emploi (PSE).
"Je ne m’imaginais pas être licencié. On avait notre quotidien, nos habitudes de travail. Tout est allé très vite, on n’a même pas eu le temps de se le mettre en tête", se remémore-t-il, un an plus tard. Il a fallu, en quelques semaines, dire au revoir à cette usine que son père, son oncle et son beau-père ont aussi côtoyée. Et, très vite, se mettre à chercher un nouveau travail. À 46 ans.
"On serre les dents et on fait avec"
Grâce à son bac en maintenance automobile, le Périgourdin a trouvé un poste de contrôleur technique dans une petite entreprise du coin. Le chemin est loin d'avoir été simple. "À l'âge que j'ai, il fallait que je retravaille, je ne pouvais pas rester comme ça. J'ai pris la première formation qui venait, en mars. Je suis partie au Mans pendant deux mois. Cela a demandé des sacrifices... J'étais loin de ma famille, dans une petite chambre de 15 m², mais je voulais mettre toutes les chances de mon côté. On serre les dents et on fait avec", confie-t-il.
Ce père de deux enfants de 13 et 18 ans, craignait de ne pas réussir à décrocher un emploi stable sur ce territoire rural, où les plans économiques et fermetures d'entreprises s'enchaînent. "Je ne voulais pas mettre trop de temps à retrouver du travail. Ca évite de cogiter, de se poser trop de questions", continue-t-il. Sur les 105 licenciés, une cinquantaine est encore sans emploi. À ceux-là pourraient s'ajouter les sous-traitants en mécanique, nettoyage ou logistique, nombreux à s'être retrouvés sur le carreau lorsque la ligne 4 a fermé.
Dans notre région, toutes les sociétés ferment. Je me disais : qu'est-ce que je vais faire ? Comment je vais rebondir ?
Mehdi LavignacAncien salarié des Papeteries de Condat
Même si Mehdi Lavignac a "tourné la page", il ne peut s'empêcher de penser aux "condats" toujours en poste. Dans le ciel du Lardin-Saint-Lazare, les cheminées de la papeterie fument toujours, mais à l'intérieur l'activité est en dents de scie. Rescapé de la vague de licenciement et délégué syndical CGT, Philippe Delord témoigne : "On ne sait pas où on va, on est très inquiets. On nous dit qu'on a des commandes, des fois, on n'en a pas… L'année n'a pas été aussi difficile que 2023, mais pas loin."
Sentiment d'abandon
Le manque de commandes se répercute sur le moral des employés. "Ils sont désabusés, découragés. Quand on discute, l'ambiance est lourde. On n'est pas optimiste pour l'avenir", décrit Philippe Delord. De façon plus globale, la situation pèse aussi sur les habitants du bassin de vie. Un fort sentiment d'abandon persiste. "Le principal sujet de conversation aujourd'hui au Lardin est la papeterie", poursuit le sécheur. Dans les années 90, plus de 1 200 personnes travaillaient dans cette usine qui faisait la fierté du territoire. Elles ne sont plus que 197 à résister désormais.