Paul D. 22 ans, a "spontanément reconnu les faits", selon son avocate. La vengeance professionnelle est la piste privilégiée par les enquêteurs, mais de nombreuses zones d'ombre persistent. Il n'apporte "aucune explication" sur le meurtre de deux migrants.
48 heures après s’être rendu, Paul D. est toujours entendu par les enquêteurs de la police judiciaire du Nord. Le meurtrier présumé de 22 ans "est très posé et très calme", selon son avocate que l’une de nos équipes a pu brièvement rencontrer. Maître Véronique Planckeel n’est cependant “pas sûre que ce garçon comprenne vraiment les conséquences de ses actes”.
Paul D., inconnu des services de police et de la justice, a immédiatement affirmé aux enquêteurs être l’auteur du quintuple homicide lorsqu’il s’est spontanément présenté à la gendarmerie de Ghyvelde (Nord), samedi 14 décembre 2024 à 17h20. Selon nos informations, il raconte calmement le déroulé de cette funeste après-midi, débutée à Wormhout (Nord).
De la rancœur contre son ex-employeur
Selon les premiers éléments de l’enquête, il semblerait que le principal suspect éprouvait de la rancœur contre sa première victime. Paul Dekeister (le suspect et la victime ont le même prénom et la même initiale de nom de famille, NDLR), chef d’une petite entreprise de transports, était l’ancien employeur de Paul D. Son contrat de chauffeur routier n'ayant pas été renouvelé sans que l’on sache la manière dont celui-ci a été rompu, le meurtrier présumé aurait développé une animosité à l’encontre de son ancien patron. En recherche d’emploi au moment des faits, il aurait abattu de plusieurs balles Paul Dekeister.
Concernant les deux agents de sécurité de l’entreprise ECS tués près d’une heure plus tard dans la zone portuaire de Loon-Plage, les zones d'ombre s’intensifient. “Il en connaissait un de vue, semble-t-il, c’est tout”, indique maître Planckeel. Lors d’une conférence de presse, le PDG d’Eamus Cork Security (ECS) a confirmé que Paul D. avait été salarié de l’entreprise. Il avait effectué “une période de formation et de contrat de professionnalisation (...) il y a plus d’un an et demi”, précise Patrick Guerbette.
Selon lui, le meurtrier présumé avait mis fin à la collaboration au bout de quatre mois, sans qu'il "n'y ait de problème, de rancœur, de reproche ou de soucis particulier". Patrick Guerbette assure enfin que lors de son passage chez ECS, Paul D. n’avait “pas du tout” été en contact avec les deux agents pris pour cible. Aurélien Cugny et Marc Lehmus, âgés de 33 et 37 ans, ont été tués samedi 14 décembre 2024 à 16h07. Équipés d'un gilet pare-balles, mais non armés, ils étaient en train de patrouiller dans le cadre de la sécurisation du trait de côte.
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À 5 kilomètres de là, deux exilés kurdes iraniens de 19 et 30 ans ont par la suite été la cible du meurtrier. Selon plusieurs migrants rencontrés sur place, ils s’appelaient Mustafa et Ahmid. Une double exécution à laquelle Paul D. n’apporte “aucune explication”, selon l’avocate. Une source proche du dossier indique que les deux exilés auraient été pris pour cible par hasard.
De nombreuses investigations en cours
La garde à vue de Paul D., ouverte pour “meurtres précédés, accompagnés ou suivis d’un autre crime” et “acquisition, détention, port et transport d’armes de catégorie A et B” pourrait durer 96 heures, soit jusqu’à mercredi 18 décembre 2024. Dans son véhicule, au moins 3 armes d’épaule ont été découvertes, selon une source syndicale.
Outre les auditions du suspect, de nombreuses investigations sont en cours, “compte tenu de la pluralité de victimes et de la pluralité de scènes de crimes”, précise la procureure de Dunkerque, Charlotte Huet. Parmi celles-ci, l’exploitation de son téléphone portable et de son ordinateur. Les enquêteurs cherchent également à savoir comment Paul D. s’est procuré des armes : étaient-ce les siennes, alors qu’il fréquente un club de tir du Dunkerquois ? Celles d'un membre de sa famille, dont certains membres pratiquent la chasse ? Parallèlement, les autopsies des corps des cinq victimes sont en cours.
Des questions à ce stade sans réponse, et de nombreuses zones d’ombre sur le parcours du meurtrier. Était-ce un acte prémédité ? Comment Paul D. a-t-il pu basculer dans cette folie meurtrière ? Selon son voisin, qui le connaissait depuis longtemps, rien ne laissait présager un tel passage à l’acte. “C’est un très bon garçon, sans histoire, très poli, très serviable, explique-t-il. On l’a connu tout petit. Jamais d’histoires, travailleur à l’école, sérieux dans son travail... On se demande ce qui a bien pu se passer”. Tout comme les enquêteurs et les familles endeuillées des cinq victimes de cette tuerie.