Un Amiénois a décidé d'attaquer en justice sa propre avocate. Il lui reproche de ne pas avoir envoyé son ordonnance de divorce dans les délais. La démarche semble singulière. Elle est pourtant plus répandue que l’on ne le pense.
En 2018, Jérôme Langlais a décidé de divorcer. Un divorce contentieux, alors il engage une avocate que ses proches lui ont conseillée. Mais, très vite, il regrette de les avoir écoutés. Malgré ses relances, il explique ne pas avoir eu de nouvelles de son avocate, ni de l’assignation qu’elle doit délivrer à son ex-compagne.
Des manquements de la part des professionnels ?
"Mon avocate avait 30 mois pour assigner et elle n'a pas respecté le délai judiciaire, rendant caduque la procédure. J'ai dû recommencer une procédure qui m'a coûté beaucoup d'argent et en plus, je dois payer beaucoup d'argent pour une procédure caduque".
Jérôme a déjà versé 7 000 euros à son avocate, qui lui en réclame 5 000 de plus, malgré la procédure non aboutie. Il tente alors de trouver un arrangement avec elle, mais le dialogue semble rompu. Le client se tourne alors vers la bâtonnière pour contestation d'honoraires. Elle tranche en faveur de son ex-avocate. Une décision qu'il met sur le compte d'un manque de professionnalisme : "Copinage ou omerta, je n'ai pas de preuve pour étayer tout cela, mais les faits prouvent que ça va dans ce sens-là. (...) Elle a reçu mon ancienne avocate alors que moi, j'ai proposé une médiation à trois dans un bureau et ça a été refusé. La bâtonnière n'a jamais voulu me recevoir, mais elle a reçu mon ancienne avocate par contre".
Cette décision, il a décidé de la contester devant la cour d’appel, en se représentant lui-même cette fois. Un investissement immense, accompagné d'une grande lassitude. "Je suis extrêmement épuisé aujourd'hui. Je ne le montre pas parce que j'ai une faculté à absorber le stress. C'est une épreuve que j'ai menée tout seul, sans être accompagné par un avocat. J'ai appris beaucoup sur la loi et sur les règles qui régissent les avocats. En regardant les avis Google, j'ai réalisé que je ne suis pas le premier à avoir subi autant de dégâts. Les autres personnes avec qui j'ai pu prendre attache sur ces avis Google n'ont pas les capacités de mener ce combat. C'est le pot de fer contre le pot de terre."
De nombreuses personnes concernées par ce type de procédures
Aurore Ketelair a fait appel à la même avocate pour obtenir la garde exclusive de ses enfants. Une histoire sur fond de violences conjugales. Elle s'attend alors à trouver une véritable écoute et surtout une aide pour comprendre les rouages des étapes judiciaires qui l'attendent. Mais finalement, elle ne rencontrera son avocate qu'une fois pour expliquer sa situation et signer l'aide juridictionnelle. "Tout au long de la procédure, j'ai été abandonnée sans aucun suivi. Si moi, je n'appelle pas pour demander ce que je dois faire, je n'ai pas de nouvelles. Quand on appelle la secrétaire, on sent qu'elle est débordée d'appels et qu'elle ne peut pas vous répondre."
L'avocate en question n'a pas souhaité répondre à nos questions. Mais alors, comment s’y prendre lorsqu’un différend éclate entre client et avocat ? Jean-Patrick Saint-Adam, avocat au barreau de Paris, gère une cinquantaine d’affaires de ce type par an. "Il faut distinguer deux choses. D'abord le problème de la discussion des honoraires qui est exclusivement de la compétence du bâtonnier. Ensuite, il y a la responsabilité professionnelle, c'est-à-dire une faute et donc la demande de dommages et intérêts pour le préjudice qui résulte de cette faute. Et là, le tribunal compétent, c'est le tribunal judiciaire", explique le magistrat.
Si Aurore, elle, avoue ne pas avoir eu la force de se battre contre son avocate, Jérôme, lui, devrait connaître la décision de la Cour d’appel dans quelques semaines. Entre-temps, il a embauché une nouvelle avocate qui lui a permis d'obtenir la gare exclusive de ses deux enfants en un an et demi.
Avec Gaëlle Fauquembergue / FTV