A Condé-en-Normandie, les syndicats sont vent debout. D'ici quelques semaines, ils devront quitter le local mis à disposition par la mairie depuis 20 ans. La collectivité ne souhaite pas les reloger ailleurs.
À Condé-en-Normandie, l'ancienne école Albert Camus, "vétuste et énergivore", sera bientôt détruite. En lieu et place, un projet immobilier verra le jour : "un village intergénérationnel", comme le nomme la mairie. Fermé en 2016, l'établissement scolaire abritait depuis plusieurs associations, ainsi que la "maison des syndicats".
Les syndicats priés d'aller voir ailleurs
Si la mairie a trouvé une solution de relogement pour les trois associations, elle a envoyé une fin de non-recevoir aux syndicats (CGT, FO et CFDT). "Par un courrier du 19 décembre, il a été annoncé aux sections locales installées dans l'ancienne école que la mise à disposition gratuite par la commune de trois bureaux et d'une salle de réunion prendra fin le 22 mars 2024", explique la mairie.
Aucune obligation légale n'astreint les villes à fournir un lieu aux organisations syndicales, à l'exception d'un local pour les délégations des agents municipaux. Or, à Condé-en-Normandie, le lourd passé industriel du secteur avait conduit la municipalité à octroyer une "maison" aux principaux syndicats après la fermeture d'Honeywell en 2013.
Depuis le départ d'Honeywell et le rachat des bâtiments, la commune avait fait convention avec ces syndicats pour une mise à disposition gratuite des locaux. Depuis, la commune a donc financé les loyers et les charges en électricité, chauffage et eau de ces trois syndicats.
Communiqué de la mairie de Condé-en-Normandie
Aujourd'hui, la collectivité explique qu'à cause d'une opération de "rationalisation de ses bâtiments en 2019", elle ne dispose plus de locaux à mettre à disposition des syndicats. En outre, elle renvoie les dirigeants syndicaux vers les propriétaires de locaux vacants, et propose même de jouer les entremetteurs.
"On est face à une maire qui fait de l'antisyndicalisme primaire."
Du côté des syndicats, la colère a supplanté la surprise et l'incompréhension. "Compte tenu de l'histoire du territoire et au vu de l'utilité des organisations syndicales sur le bassin de Condé, on ne comprend pas cette décision, et nous réitérons notre demande d'être relogés", fulmine Allan Bertu, secrétaire départemental de la CGT dans le Calvados.
L'union locale de Condé rayonne sur l'ensemble de la Suisse Normande, y compris Thury-Harcourt et Clécy. "Il y a pas mal de travailleurs saisonniers, la société Inteva à Thury, et nous sommes encore très présents chez les territoriaux", détaille le leader syndical.
Le rôle de la Maison des syndicats de Condé-en-Normandie est de tenir des permanences juridiques hebdomadaires pour orienter des salariés. En moyenne, on traite entre 40 et 80 dossiers par an, et 300 à 400 personnes, salariés ou demandeurs d'emploi, se rendent au local chaque année.
Allan Bertu, secrétaire départemental de la CGT du Calvados
Allan Bertu ne conçoit pas que les élus tirent un trait sur le passé de luttes sociales et sanitaires du bassin condéen. "Le départ d'Honeywell est encore frais. Dans notre local, on a aussi toutes les archives de la bataille que l'on a menée pour faire reconnaître les victimes de l'amiante, un dossier porté au niveau national".
Considérée comme "ville martyre de l'amiante", au creux de la "Vallée de la mort", Condé-en-Normandie tente de se reconstruire en dépit de son terrible passé industriel. "La maire veut reconstruire la ville en effaçant la mémoire du passé", estime Allan Bertu.
Pour faire valoir leur requête, les syndicats ont prévu de manifester en marge du conseil municipal ce lundi 12 février. Des courriers ont également été adressés à la députée du secteur, Elisabeth Borne, ainsi qu'à l'ancien édile de Condé-en-Normandie, désormais sénateur, Pascal Allizard.