Comprenne qui pourra... Le tribunal administratif annule les arrêtés qui ont permis de relever la limitation de vitesse à 90 km/h sur plus de 2000 kilomètres de routes en 2020. Mais le jugement laisse le temps au département de concocter de nouveaux arrêtés, "dans l'intérêt des automobilistes". La Ligue contre la violence routière parle d'un "déni de justice".
Les conseillers départementaux avaient voté pour à l'unanimité : au mois de juin 2020, le département de l'Orne a rétabli la limitation de vitesse à 90 km/h sur quelques 2046 kilomètres de routes départementales. Sur le reste du réseau, le conseil départemental annonçait que "les 80 km/h, beaucoup moins pénalisants, seront maintenus dans la mesure où, compte tenu de la configuration du terrain, les usagers y roulent naturellement et normalement à des vitesses inférieures". Bref, le 90 km/h était redevenu la norme.
Deux ans plus tard, le 25 novembre 2022, le tribunal administratif de Caen a annulé les 138 arrêtés. Dans son jugement, il estime que le passage aux 90 km/h n'est pas suffisamment motivé. Le département de l'Orne s'était borné à dire que le passage aux 80 km/h n'avait pas produit d'effet et que "les caractéristiques techniques des routes départementales, en particulier la géométrie et les équipements de sécurité" permettait le relèvement de la vitesse autorisée. Un peu court : le tribunal estime que le département aurait dû s'appuyer sur des études d'accidentalité pour chacune des routes concernées.
Plus la vitesse est élevée, plus il y a d'accidents. Les faits sont là. Toutes les études le montrent. C'est scientifiquement établi.
Philippe Vayssette, Ligue contre la violence routière
"Le tribunal estime qu'il y a un défaut de motivation, mais c'est normal : il n'y aura jamais de bonne motivation pour relever la limitation de vitesse, ajoute Philippe Vayssette. C'est dommage qu'il y ait des élus pour dire le contraire". C'est la Ligue contre la violence routière qui a saisi le tribunal administratif de Caen pour réclamer le retour aux 80 km/h dans l'Orne. Elle en a fait autant pour le Calvados. La décision devrait tomber dans les jours qui viennent et tout laisse à penser qu'elle sera semblable.
De nouveaux arrêtés déjà en préparation
Le passage aux 90 km/h est donc jugé illégal, mais la justice sait se montrer magnanime : les arrêtés ne seront annulés qu'au 1er février 2023. Une annulation avec effet immédiat "obligerait le département de l’Orne à procéder à la dépose de l’ensemble des panneaux fixant la limitation à 90 km/h" et elle "porterait une atteinte manifestement excessive aux intérêts du département de l’Orne et des automobilistes".
Le tribunal ne cache pas que ce délai doit permettre "au président du département de l’Orne d’édicter, s’il le souhaite, de nouveaux arrêtés pour maintenir la vitesse à 90 km/h et de ne pas pénaliser les usagers de la route". Le conseil départemental fait d'ailleurs que les arrêtés "seront tous repris au début de l'année 2023 avec la forme qui convient".
A 90 km/h, pour gagner une seconde au kilomètre
"C'est un déni de justice, s'emporte Philippe Vayssette. Ils tablent sur le fait que les procédures sont longues et qu'on ne pourra rien empêcher. On va voir comment on peut pallier ça. Parce que relever la vitesse, c'est augmenter l'insécurité routière, c'est une augmentation de la consommation de carburant, c'est davantage de pollution. C'est quand même un drôle de signal qui est envoyé".
Dans ses motivations présentées au tribunal administratif, la Ligue contre la violence routière avait souligné que "l’Orne est l’un des seuls départements à avoir connu une hausse du nombre de morts sur les routes, pour un million d’habitants, entre 2010 et 2019". Le département de l'Orne expliquait aussi que "le retour aux 90 km/h vise à lutter contre l’augmentation des temps de parcours ayant une incidence négative sur l’économie." L'association a fait le calcul : rouler à 90 km/h au lieu de 80 permet de gagner une petite seconde au kilomètre. Les chiffres sont têtus.