L'ancienne carrière de la Ferrière-aux-Etangs est très prisée des baigneurs, malgré sa dangerosité et le caractère privé du site. Margot, 15 ans, a bien failli y perdre la vie. Elle souhaite que son histoire serve de leçon.
"Je n'étais pas partie pour sauter, seulement pour accompagner mes amis. A la fin, quand on repartait, je me suis approchée du bord, j'ai longtemps hésité puis j'ai reculé. Un ami a sauté en disant qu'il allait repartir à la nage. Dès que j'ai vu ses pieds toucher l'eau, je me suis élancée." C'est engoncée dans un corset, allongée sur un lit qu'elle n'a plus quitté depuis plusieurs semaines, que Margot nous raconte son histoire. A 15 ans, la jeune fille devait entrer en classe de première en septembre prochain. Sa rentrée, elle la fera au centre de rééducation de Flers où elle passera entre un et deux mois.
Les habitués l'appellent le "Lagon bleu". "L'eau est magnifique, c'est vraiment beau", se souvient Margot de sa découverte du site le 1er juin dernier. Avec son vaste plan d'eau bordé de falaises à pic, l'ancienne carrière de la Ferrière-aux-Etangs offre un panorama de toute beauté aux visiteurs qui s'y aventurent. Et ils sont nombreux. Bien qu'il s'agisse d'une propriété privée.
"Pour y aller, on a pris une route normale. D'un coup, on est tombé sur un chemin qui monte puis sur un parking, plutôt grand, avec plein de voitures. Après, il y a un chemin pour aller au bord de l'eau, bien tracé, tout correctement pour nous guider jusqu'au sable. Mais il n'y a pas de panneaux, pas d'interdiction." La jeune fille se doute pourtant qu'elle n'a pas le droit d'y pénétrer avec ses amis. "Sur les réseaux sociaux, il y avait des affiches qui disaient que c'était autorisé. J'ai trouvé ça bizarre", dit-elle, "je n'y avais jamais été mais j'avais vu quelques articles comme quoi ça pouvait être dangereux."
Quand l'après-midi bascule
Mais en ce chaud lundi de Pentecôte, l'appel de l'aventure et surtout de la fraîcheur est fort. Après une tranquille baignade dans l'eau glacée de l'étang, le groupe d'amis décident de se rendre sur un "spot" de 15 mètres de haut. "Il y a plusieurs endroits où les gens peuvent sauter. Il y a des petits chemins qui y mènent. Il y avait même une corde qui avait été installée pour permettre aux gens de remonter après avoir plongé."Après avoir vu plusieurs de ses amis sauter dans le vide, Margot finit par se laisser tenter. Et comme elle, l'après-midi bascule."A un moment, je me suis penchée pour regarder l'eau et j'ai voulu vite me redresser pour ne pas faire un plat mais le mouvement a été beaucoup trop brusque : j'ai fait un plat au niveau de ma jambe, mes fesses et mon dos, tout a claqué." Si la jeune fille parvient, péniblement à se hisser hors de l'eau, elle est incapable de regagner le rivage à la nage. L'ami qui l'a précédée vient la secourir. Mais le duo peine à avancer. Ce sont d'autres visiteurs, munis de bouées, qui leur permettront de rallier la terre ferme.
Une bonne étoile pour Margot mais un lourd bilan physique
Aujourd'hui, la mère de Margot parle d'"une bonne étoile, ça aurait pu être beaucoup plus dramatique : elle aurait pu être paralysée, noyée, d'autres familles n'ont pas eu la même chance". Mais le bilan reste lourd : une vertèbre fracturée, une autre écrasée. Après bientôt trois mois d'immobilisation totale, sa fille vient tout juste d'effectuer quelques premiers pas. Et la route est encore longue. Après le retrait du corset le 7 septembre, débutera la phase de rééducation. Sans savoir, pour le moment, si elle conservera des séquelles. "On garde espoir, on l'accompagne dans cette épreuve", indique la maman, Sylvie Leplay.Pour la mère de Margot, pas question de dédouaner sa fille (qui ne l'avait pas prévenue de cette escapade). "Elle a franchi un interdit, on en assume toute la responsabilité qui s'impose." Mais elle souhaite que des enseignements soient tirés de cette histoire. Sylvie Leplay le constate et le déplore : "cette propriété privée est devenue une base de loisirs non officielle. Tout le monde sait que c'est interdit mais tout le monde y va (...) Le jour de l'accident, les pompiers m'ont dit qu'ils avaient eu du mal à accéder au site, il y avait 200 à 300 personnes, ils étaient effarés de voir autant de monde. Deux jours plus tard, je me suis rendue sur place, il y avait encore des jeunes qui se baignaient et qui sautaient."
[#NOYADE] ?♂️ A la suite des accidents de baignade survenus durant cette période estivale, Madame la Sous-Préfète d'...
Publiée par Préfet de l'Orne sur Mercredi 19 août 2020
Pour autant, la mère de Margot n'a pas de solution - "comme c'est un lieu privé, tout le monde sait qu'il n'y a pas de verbalisation, ce n'est pas dissuasif" - et ne met absolument pas en cause la responsabilité de la propriétaire des lieux. "Depuis des années, elle met des choses en place, des barbelés, malheureusement, tout est saccagé." Ce samedi, à la carrière de la Ferrière-aux-Etangs, notre équipe a en effet pu le constater. En outre, compte tenu de son étendue, il apparaît difficile voire impossible de contrôler l'accès au site. Alors Margot et sa maman lancent un appel à la responsabilité de chacun. "Ce qui n'était qu'une simple baignade a fini comme ça. Il faut vraiment faire attention. Ca n'arrive pas qu'aux autres."