Coronavirus : comment expliquer que l'Orne soit devenu "un mauvais élève" et pourquoi la lassitude semble l'emporter

L’ARS alerte sur la situation de l’Orne. Pourquoi ce territoire rural ne voit-il pas ses courbes fléchir ? Les gestes barrières seraient-ils moins respectés ? Un certain relâchement aurait été constaté dans les règles sanitaires.

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118 cas pour 100 000 habitants, c’est le taux d’incidence dans l’Orne qui a fait réagir l’Agence régionale de Santé. Un taux de contamination bien supérieur à la moyenne Normande (67,29). Pourquoi ce territoire rural ne voit-il pas ses courbes fléchir ? Les gestes barrières seraient-ils moins respectés ? Des questions que nous avons posées à certains professionnels de santé. Frédéric Leriche est pharmacien dans un espace commercial à Condé sur Sarthe et il est atterré par certains comportements

On constate un non-respect des règles. A la pharmacie, lorsque les gens arrivent au comptoir, peu respectent les distances. Il y a aussi les personnes testées positives qui viennent chercher leurs ordonnances ! Elles vont même, dans la foulée, faire leurs courses alors qu’une personne positive ne doit pas se déplacer. On observe aussi des gens qui se font tester et qui remontent dans leur voiture où il y a toute la famille et aucun ne porte de masque. L’autre problème, c’est l’isolement du patient positif dans le milieu familial. Les infirmières qui se rendent à domicile nous racontent qu'ils vivent souvent sans  masque. Il n’y a pas de respect des gestes barrières. Pour moi, c’est lié à un confinement qui n’en est pas un. Tout le monde circule, les enfants vont à l’école, les gens travaillent. Je pense que dans l’esprit des gens le confinement n’est pas strict et ils peuvent vivre normalement.
 

Une forme de lassitude qui explique le non-respect des règles sanitaires ?

Selon la récente enquête Ifop et Consolab, de manière générale, ce confinement automnal aurait été plus difficile à vivre. Une usure psychologique se serait installée et 60% des français reconnaissent aujourd’hui avoir transgressés les règles. Deux fois plus que lors du premier confinement

Une analyse confirmée par le docteur Gal, président de l’ordre des médecins de l’Orne. Installé à Mortagne au Perche, il observe régulièrement des comportements inacceptables.

J’ai des patients, que je sais positifs, que je croise en ville alors qu’ils devraient être confinés. Il est important de rappeler le principe des gestes barrières. Actuellement, les services covid des hôpitaux d’Alençon et de l’Aigle sont pleins. Je suis très inquiet pour les fêtes, il faut absolument que les gens gardent le masque pendant ces réunions de famille.

"On s'habitue au virus"

Le virus finirait-il par s’installer dans notre vie ? C’est l’une des hypothèses qu’avance le directeur de recherche à l’Inserm Patrick Peretti-Watel, spécialiste en sociologie du risque et en sociologie de la santé. Selon lui, beaucoup d’individus seraient confrontés à des arbitrages où les règles sanitaires ne seraient plus forcément la priorité.

Les gens s’habituent, on vit déjà avec tout un tas de risques au quotidien, que ce soit quand on prend le volant, quand on s’expose à un certain nombre de polluants. Quelque part le virus est en train de s’installer dans le paysage et il fait partie des risques auquel on pense chaque jour. Aujourd'hui, certaines personnes sont prêtes à s'exposer au risque d'être infecté par le coronavirus en ne se pliant pas aux mesures de confinement, parce que des risques concurrents immédiats pèsent plus lourd : elles risquent de perdre leur travail, des revenus, de ne pas réussir à mener à bien un projet, elles redoutent la solitude, etc. Le risque de santé que les autorités cherchent à gérer n'est pas forcément la priorité pour tout le monde. Beaucoup de personnes craignent davantage les conséquences que sa gestion fait peser sur leurs modes de vie ou leurs conditions de vie.

 

Des transgressions qu’on observerait  assez souvent en zone rural où la population se sent moins exposée au virus et aux contrôles des forces de l’ordre. Mais pour ces habitants de la campagne, le facteur social viendrait également peser dans la balance. Difficile parfois de garder le masque et de refuser la poignée de main au risque d’être stigmatisé

Il y a un certain nombre de mesures préventives qu’on nous demande d’adopter qui ont un coût car ça perturbe notre interaction avec les autres. Si vous refusez de serrer la main à quelqu’un soit vous le soupçonnez d’être potentiellement infecté soit  vous pensez que vous l’êtes donc ça perturbe profondément les interactions sociales.

"Quand vous êtes dans un milieu social donné, en particulier en milieu rural où la densité des rapports humains n’est pas la même, le port du masque et le respect des gestes barrières peuvent sembler moins importants" explique Patrick Peretti-Watel "et donc ça crée une pression sociale qui devient l’inverse de ce qu’on peut observer ailleurs notamment en ville. Cela devient couteux socialement de respecter les gestes barrières".

La dernière photographie du coronavirus en Normandie, doit cependant, être observée avec quelques précautions car, selon l’ARS, et proportionnellement à la population, le département de l'Orne aurait été l’un des plus testé ces dernières semaines. Quoi qu’il en soit, le virus circule beaucoup trop dans ce département et faute de responsabilité collective la situation pourrait être compliquée après les fêtes de Noël.
 

 

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