A Saint-Georges des Groseillers (Orne), l'implantation prochaine d'un distributeur automatique de béton suscite l'émoi des habitants. Les riverains s'inquiètent des désagrément sonores, visuels et sanitaires que l'installation pourrait générer.
Après la mode des distributeurs automatiques de pains, puis de pizzas, voici celle des distributeurs automatiques de béton. Depuis trois ans, ce type d'équipement pullule un peu partout en France. En Normandie, il y en a déjà cinq, à Dieppe, Saint-Valéry-en-Caux, Bretteville-sur-Odon près de Caen, Saint-Lô, Villedieu-les-Poêles... et un autre est en passe de s'installer à Saint-Georges-des-Groseillers, près de Flers-de-l'Orne.
Au regard des utilisateurs, artisans ou particuliers, il peut s'avérer bien pratique. Il y a même consensus pour le dire. En revanche, dans la commune ornaise, il y a un hic : l'endroit où le distributeur doit être installé fait bondir les riverains. C'est bien simple, pour eux, il s'agit "d'une verrue qui n'a pas de raison d'être là".
Entre les maisons, les terrains de foot et une stèle en hommage aux soldats canadiens
Ces distributeurs de béton sont généralement implantés dans les zones artisanales ou industrielles. Bref, dans des lieux éloignés des habitations. Dans le cas de Saint-Georges-des-Groseillers, il prendrait place sur une parcelle à l'entrée de bourg située à moins de 100 m d'une dizaine de maisons, à 50 m d'un monument en hommage aux soldats canadiens de la Seconde guerre mondiale, et à 10 m seulement des terrains de football.
"Comment se fait-il que l'on puisse accepter ça ?" enrage Jean-Louis Montembault, qui habite à proximité, et qui a découvert par hasard le projet en lisant le panneau déclaratif du permis de construire.
"C'est une pollution visuelle qui vient gâcher l'entrée de ville, une pollution sonore avec le bruit de la cuve et des nombreux passages de véhicules que ça va générer"
Jean-Louis Montembault, riverain
Egalement gêné par le projet, Bernard Marie renchérit. "C'est déjà un carrefour très accidentogène depuis que les feux tricolores ont été remplacés par un rond point. Je me suis fait rentrer dans la haie, mon voisin aussi, j'ai même retrouvé des voitures sur le toit. Ce rond point est dangereux, il ne coupe pas la vitesse des véhicules. Et maintenant, on va nous apporter des camionnettes, des remorques. C’est un projet génial mais il n’a pas sa place ici". S'ajoute à cela les inquiétudes concernant d'éventuelles poussières rejetées, tout près de terrains de football fréquentées chaque semaine par près de 200 enfants. Même si la société SelfBéton assure ne pas générer de pollution de ce genre.
Une pétition en mairie et un recours... retiré
Fin septembre, 16 habitants du quartier ont déposé une pétition en mairie pour faire annuler l'installation. S'en est suivi une tentative de conciliation menée par le Maire Stéphane Terrier. "Avec une délégation de résidents, nous sommes allés voir le distributeur de béton de Bretteville-sur-Odon, pour constater la réalité de l'installation, et pour rassurer ." Ca n'a pas vraiment eu l'effet escompté. "J'ai enregistré le bruit que fait la machine lorsqu'elle produit du béton, et lorsque la cuve se nettoie quotidiennement, raconte Jean-Louis Montembault. Même le député Jérôme Nury, a qui j'ai fait écouter l'enregistrement, a convenu de la nuisance que ça représentait".
Face à cette colère des habitants, l'édile georgien s'avoue désemparé.
Il s'agit d'un conflit d'ordre privé, je ne peux pas intervenir. C'est un projet privé sur un terrain privé. De plus, le plan local d'urbanisme autorise l'utilisation commerciale et industrielle de la parcelle. J'ai juste eu un avis à donner sur des questions de sécurité, mais ensuite, c'est l'agglomération qui a validé le projet au mois de juin.
Stéphane Terrier, maire de Saint-Georges-Des-Groseillers
Du côté de la SCI Dival, propriétaire des terrains et initiatrice de l'implantation du distributeur de béton, on dit comprendre les inquiétudes des riverains. Pour autant, l'un de ses dirigeants ne souhaite pas s'étendre davantage sur le sujet.
Pas l'unique source de nuisances dans le quartier
Les riverains, eux, avaient entamé une démarche judiciaire, en remplissant un formulaire de réclamation en ligne. Finalement, ils n'ont pas été au bout de la procédure. "On est coincé, tout a été fait dans les règles de l'art. Il n'y a pas de faille dans la démarche, aucun vice de forme, regrette Jean-Louis Montembault. C'est aberrant, l'intérêt général devrait prévaloir sur l'intérêt privé. On peut se poser des questions quant à l'avenir".
Si les habitants sont aussi remontés, c'est qu'ils sont encore surpris et échaudés de l'implantation d'une station de lavage également à proximité. "Ce sont des activités bruyantes qui n'ont rien à faire là, peste encore un riverain. Certes, c'est un équipement bien pratique qui faisait défaut à saint-Georges mais comment peut-on installer ça juste à côté d'habitations. Le bruit de l'eau à haute pression, parfois jusqu'à 22h, les projections d'eau et de liquide nettoyant".
Selon les habitants, de tels projets concourent à dénaturer ce qui a fait Saint-Georges, commune réputée comme calme, agréable à vivre, un peu bourgeoise, et longtemps considérée comme "le Neuilly de Flers". Ils s'inquiètent aussi de la perte de valeur marchande de leurs pavillons au regard de ces récentes implantations commerciales.