La Secrétaire d'Etat aux affaires européennes, Amélie de Montchalin, et la Secrétaire d'Etat auprès du Premier Ministre, Sibeth Ndiaye, sont à Port-en-Bessin (Calvados ) ce mardi matin. Elles rencontrent les professionnels de la pêche. L'enjeu : protéger les intérêts des pêcheurs après 2020.
"Cela a été un uppercut", confie Dimitri Rogoff, Président du Comité régional des pêches. Sans attendre, dès samedi 1er février, l'île de Guernesey a interdit ses zones de pêche aux bateaux français. Après des tractations avec les autorités françaises, Guernesey a accepté de laisser venir les pêcheurs normands mais en les soumettant à une autorisation individuelle. 44 navires seraient concernés.
Des autorisations valables jusqu'au 31 décembre, autrement dit jusqu'à la fin de la période transitoire.
En attendant, aucun bateau de pêche de Guernesey ne devrait être autorisé à débarquer à Cherbourg ou Dielette.
Cet épisode symbolise la crispation des Britanniques et des Français autour des zones de pêche après le Brexit. D'autant que le secteur de la pêche est l'un des secteurs les plus impactés par les négociations de l’après-Brexit entre l’Union européenne et les Britanniques.
"Là, c'est un peu digéré, les propos sont rassurants mais on va voir ce qu"il va se passer", souligne Dimitri Rogoff.
La suite ? C'est une période de négociations pour définir les nouvelles règles applicables.
Une visite ministérielle à la criée de Port-en-Bessin dès 5h du matin
Demain mardi 4 février, deux Ministres feront le déplacement dans le Calvados : Sibeth Ndiaye, Secrétaire d’Etat auprès du Premier ministre, Porteparole du Gouvernement et par Amélie de Montchalin, Secrétaire d’Etat chargée des affaires européennes. Selon le communiqué, le gouvernement "souhaite démontrer sa mobilisation avec les négociateurs européens pour protéger les intérêts des pêcheurs après 2020."Les deux Secrétaires d'Etat évoqueront avec les acteurs de la filière (pêcheurs, mareyeurs, transformation du poisson) les engagements du gouvernement sur leur accès aux eaux britanniques, pour une concurrence loyale entre les deux pays, et pour un alignement des normes environnementales et sanitaires.
Le déplacement ministériel s'ouvrira par une visite de la criée de Port-en-Bessin à 5h du matin. Elle sera suivie d'une visite de l'élévateur à bateaux avant la présentation d'un coquillard et d’un chalutier normand.
A 7h, les Ministres rencontreront les pêcheurs et les représentants de la profession ainsi que des mareyeurs, avant de se rendre à la société Port Marée et de visiter les établissements Lequertier spécialisés dans la transformation de produits de la mer.
Des négociations qui s'annoncent tendues compte tenu de l'enjeu
L'enjeu des négociations est énorme pour les pêcheurs normands. Rappelons que les Européens pêchent 6 fois plus dans les eaux anglaises, que les Anglais ne vont pêcher en dehors de leurs eaux.
Par ailleurs, on estime que 30% des poissons, coquillages et crustacés pêchés par les Français, le sont dans les zones qui entourent le Royaume-Uni. Si un compromis n'est pas trouvé avec Boris Johnson, les pêcheurs européens auront un rayon d'action plus petit.
?J’appelle les Britanniques au sérieux dans la négociation post #Brexit. Tout le monde perdrait à une guerre commerciale !
— Amélie de Montchalin (@AdeMontchalin) February 1, 2020
❌Faux de prétendre que fermer leurs eaux aux pêcheurs ?? serait une chance pour les pêcheurs ??... alors que 70% des exportations de poissons ??vont en ?? pic.twitter.com/ViiFxEGGUO
Ce qui change avec le Brexit
Jusqu'au 31 janvier, les navires de pêche de l'Union Européenne pouvaient aller chercher du poisson près des côtes du Royaume-Uni, il fallait seulement respecter la limite des eaux territoriales, 12 milles nautiques soit 20 kilomètres de distance du rivage.
Désormais, cet accès va faire l'objet d'une négociation.
Certes, jusqu'au 31 décembre 2020, les pêcheurs anglais devront encore supporter quotas et réglements européens. Mais ce ne sera que temporaire.
Si les Anglais appliquent le projet de loi, "fisheries bill", les navires de pêche des autres pays ne pourront aller au-delà de la limite de la Zone exclusive économique sans l'accord des Anglais. Une ligne imaginaire sera tracée au milieu de la Manche et de la Mer du Nord.
A l'inverse, les pêcheurs anglais ne pourront plus faire de captures près des côtes françaises ou des côtes des pays de l'union européenne.
Guernesey et Jersey : l'incertitude
La pêche avec Jersey est définie par les accords de la Baie de Granville en cours de révision et remis en question aujourd'hui par les pêcheurs jersiais. Les élus espèrent les maintenir.
La pêche avec les eaux du bailliage de Guernesey est plus incertaine avec l'absence d'accords pour remplacer la convention de Londres devenue caduque avec le Brexit. Les élus espèrent trouver pour ces eaux un accord similaire à ceux de la Baie de Granville.
Les relations sont très tendues depuis qu’il y a eu l’annonce du Brexit avec Jersey mais aussi avec Guernesey. Avec mon homologue de la Normandie, on fait tout pour qu'il y ait une continuité, même si aujourd'hui les pêcheurs de Jersey ne souhaitent plus venir autour de la table pour discuter. L'État de Jersey est lui toujours présent avec l'État Français.
(Olivier Le Nezet. Le président du comité régional des pêches de Bretagne)
Mais pour les Britanniques, là encore, l'enjeu est important : à ce jour, 80 % de la pêche jersiaise est débarquée à Granville et 70 % de la pêche de Guernesey est débarquée à Dielette ou Cherbourg. La crainte est de ne plus pouvoir débarquer des produits de la pêche transformés, l’augmentation des taxes et pour le baillage de Guernesey, ne plus pouvoir débarquer à Dielette.