La ministre de la Mer a évoqué un plan d’indemnisation pour les navires privés de licence de pêche dans les eaux britanniques. Ce «plan de sortie de flotte» a été annoncé ce 18 novembre dans le cadre des assises de la pêche. La France est-elle en train de perdre le combat de la pêche ?

La bataille navale est-elle sur le point d'être perdue ? Aux assises de la pêche dans le Finistère, la ministre de la Mer Annick Girardin a annoncé préparer un « plan de sortie de flotte » pour indemniser les pêcheurs victimes du Brexit, ce jeudi 18 novembre 2021.

 

On ne peut pas nier l'engagement et la sincérité de la ministre de la Mer, mais cette annonce est un accident de communication alors même que les négociations sont toujours en cours.

Marc Delahaye, directeur du Comité des pêches de Normandie

La surprise des pêcheurs

« Une enveloppe de 40 à 60 millions d'euros » pourrait « être mise sur la table », a-t-elle précisé au cours de sa prise de parole. Ces fonds, proviennent d'une enveloppe européenne destinée à accompagner les conséquences du Brexit.

Dès le mois de janvier 2021, le gouvernement avait communiqué sur les indemnisations possibles. Mais les pêcheurs normands ne s'attendaient pas à de telles déclarations lors des assises de la pêche. « Cela a surpris tout le monde », expique le directeur du comité régional des pêches de Normandie, Marc Delaye. Il poursuit : « on ne peut pas nier l'engagement et la sincérité de la ministre de la Mer, mais cette annonce est un accident de communication alors même que les négociations sont toujours en cours ».

Le représentant des pêcheurs de Normandie réclame un calendrier plus précis. « Jusqu'à quand tout cela va durer ? », s'interroge Marc Delayahe. Il ajoute : « cela n'est pas très satisfaisant pour les pêcheurs et leurs familles ».

« Je prévois toutes les situations »

Ce « plan de sortie de flotte » est un scénario pessimiste, envisagé par la ministre dans le cas où les négociations avec le Royaume-Uni sur les licences de pêche n’aboutiraient pas. « Je suis du côté des pêcheurs, je resterai aux côtés des pêcheurs, le gouvernement est aux côtés des pêcheurs », a martelé Annick Girardin le 18 novembre après son discours aux assises de la pêche. Avant de préciser : « mais on me reprocherait dans quelques mois de ne pas prévoir ce qu’il pourrait arriver et donc je prévois toutes les situations ».

Ce vendredi 19 novembre au matin sur France inter, la ministre insiste : les aides aux pêcheurs « ne veulent pas dire qu’on capitule face au Royaume-Uni ».

Comment en est-on arrivé là ?

Depuis l'accord post-Brexit, conclu in extremis à la fin de l'année 2020 entre Londres et Bruxelles, les pêcheurs normands naviguent à vue.

Aujourd’hui, la zone des 12 à 200 miles autour des côtes britanniques ne pose plus problème, les navires hauturiers qui pratiquent la pêche au large ont tous obtenu leur licence. C’est loin d’être le cas pour les navires qui pêchent plus près des côtes (dans la zone des 6 à 12 miles des côtes anglaises). Ceux-ci doivent prouver qu’ils s’y rendaient déjà durant la période de référence de 2012 à 2017.

C’est autour des îles anglo-normandes et plus particulièrement au large de Jersey que les difficultés se concentrent. Jusqu'en 2020, le traité de la Baie de Granville régissait la pêche dans les eaux de Jersey. Mais le nouvel accord post-Brexit rebat les cartes. Il prévoit que les pêcheurs français puissent continuer à travailler mais à condition d'obtenir une licence de pêche. Pour cela, les bateaux doivent justifier d’au moins 11 jours d’activité dans les eaux de Jersey entre le 1er janvier 2017 et le 30 janvier 2020.

Un bras de fer politique

A la fin du mois d'avril 2021, seules 41 licences de pêche sont délivrées. Et à la surprise des pêcheurs, ces licences sont restrictives : elles limitent les zones de pêche, les types de bateaux et le nombre de jours de pêche.

Le combat prend alors une véritable tournure politique. La fermeté de la Région Normandie et du département de la Manche est relayée par le gouvernement français. A l'Assemblée nationale, la ministre de la mère Annick Girardin menace de mettre en oeuvre des mesures de rétorsion, en coupant l'électricité de l'île anglo-normande de Jersey. A la tribune, la ministre ne mâche pas ses mots : « nous ne lâcherons rien, l'accord, que l'accord de décembre dernier ». Début mai, une soixantaine de bateaux normands et bretons habitués à pêcher dans les eaux de Jersey manifeste son mécontentement en rejoignant les côtes de l'île anglo-normande.

Début octobre, la France tape encore du poing sur la table et menace à nouveau d'appliquer des mesures de rétorsion.

Le 12 novembre, le gouvernement de Jersey délivre trois licences de pêche permanente supplémentaire à des bateaux de moins de 12 mètres. Cela intervient après réception et analyse de justificatifs complémentaires. Ces nouvelles licences concernent deux bateaux normands.

A ce jour, sur 170 demandes de pêcheurs français, 114 bateaux français ont obtenu des licences de pêche permanentes dans les eaux de Jersey, dont 72 navires normands.

 

Détail des licences de pêche accordées aux pêcheurs français dans les eaux de Jersey (source : bureau des îles anglo-normandes)

  • Liste verte :

Bateaux de moins de 12 mètres : 67 bateaux français ont obtenu une licence de pêche permanente, dont 50 navires normands

Bateaux de plus de 12 mètres : 47 bateaux français ont obtenu une licence de pêche permanente, dont 22 navires normands

  • Liste orange : 28 bateaux français dont 11 normands ont obtenu des licences de pêche temporaires. Ils ont jusqu’au 31 janvier pour envoyer des justificatifs complémentaires. Ils peuvent pêcher dans les eaux de Jersey jusqu’à cette date.
     
  • Liste rouge : 75 bateaux français, dont 15 normands n’ont pas l’autorisation de pêcher dans les eaux de Jersey. Ils peuvent toutefois envoyer leurs justificatifs s’ils les estiment légitimes.

 

 

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