Réforme "Choc des savoirs" : les cinq raisons de la colère des enseignants

Entamée en février, la mobilisation des personnels de l'Éducation nationale se poursuit cette semaine contre la réforme voulue par Gabriel Attal à partir de la rentrée 2024. Voici en cinq points clefs les principaux griefs des enseignants à son encontre.

1 "Le choc des savoirs, c'est l'abandon de la mixité sociale"

Dans le projet de réforme (consultable ici), il est indiqué "qu'à partir de la rentrée 2024, les cours de mathématiques et de français seront organisés en groupes de niveau tout au long du collège".

Pour Claire-Marie Féret, secrétaire académique du syndicat enseignant SNES-FSU Normandie, cela "revient à faire du tri social. À l'entrée en 6e, les élèves les plus en difficulté ce sont souvent ceux qui viennent du milieu social le plus modeste. Ces élèves vont être relégués dans les groupes de niveaux les plus faibles. On va donc renoncer à certaines ambitions de réussite scolaire pour ces jeunes. C'est l'abandon de la mixité sociale, et cela contredit totalement les principes de l'école publique."

2 La fin d'un modèle inclusif ?

Quid des élèves en situation de handicap, à besoins particuliers ou dont la langue maternelle n'est pas le français ? Dans quelle "case" seront-ils placés dans ce nouveau paradigme des groupes de niveaux ?

Pour Claire-Marie Féret, cela ne fait pas l'ombre d'un doute, "du fait de leurs difficultés d'apprentissage, ces jeunes se retrouveront souvent dans les groupes les plus faibles. On va renoncer à les tirer vers le haut. Alors que l'idée de l'école publique c'est d'inclure chaque élève dans des classes aux niveaux hétérogènes. Si dès l'école, on trie, on construit pour ces futurs citoyens une société de l'assignation et du cloisonnement, au lieu d'apprendre à vivre ensemble."

Préoccupée par cet aspect encore peu évoqué, la syndicaliste a voulu alerter au travers d'une publication sur X (ex-Twitter). 

Dans une publication sur son site Internet, le syndicat national SNES-FSU s'inquiète par ailleurs de l'avenir des élèves des classes SEGPA (classes dédiées aux élèves en difficulté scolaire) qui devraient perdre une heure d'enseignement par semaine à cause de la réforme.

3 Une entrave à la liberté pédagogique ? 

Dans le projet de réforme, le gouvernement prévoit d'uniformiser les connaissances enseignées à tous les écoliers de primaire avec "des manuels labellisés par l'État" et "des programmes articulés autour d'objectifs annuels".

"Cela fait peser une grande crainte sur la liberté pédagogique, soulève Claire-Marie Féret. Les évaluations seront standardisées, ce ne seront plus réellement les enseignants qui valideront les acquis. Et comme les groupes de niveaux vont changer toutes les cinq ou six semaines, il n'y aura plus de vision éducative à long terme, nous ne serons que des distributeurs d'exercices. Nous apprendrons à nos élèves à être performants lors des examens, mais pas à utiliser des savoirs pour construire des raisonnements ou devenir des citoyens éclairés..."

4 "C'est la première fois qu'un gouvernement veut diminuer le taux de réussite des élèves !" 

Sur la page dédiée à cette réforme, le ministère de l'Éducation nationale se fixe comme objectif de "rehausser le niveau d'exigence du brevet des collèges et du baccalauréat". Exit "l'harmonisation" des notes permettant à certains d'obtenir le précieux sésame. Pour le brevet, finie aussi l'évaluation par "tranches de compétences" souvent favorable aux élèves. Il faudra faire ses preuves des bonnes notes aux examens. 

"C'est une véritable contre-révolution, un vrai retour en arrière, s'insurge Claire-Marie Féret. Nous, les enseignants, on s'échine à faire réussir nos élèves et, tout d'un coup, le projet politique de Gabriel Attal, c'est de faire réussir moins d'élèves aux examens!"

À terme, il sera d'ailleurs plus possible de passer en Seconde sans avoir son brevet des collèges. Une "classe préparatoire au lycée" sera ainsi créée pour accueillir ces élèves qui ne seront plus vraiment en 3e mais pas non plus en Seconde.

"Pour l'instant, c'est très flou, glisse Claire-Marie Féret. On ne connaît ni le programme qui sera étudié dans cette classe ni avec quels moyens. Ce qu'on sait, c'est qu'il y aura moins d'heures d'enseignements qu'en 3e...

5 "La référence au classement PISA est fallacieuse !"   

En guise de constat justifiant la réforme, le ministère de l'Éducation nationale se réfère au classement PISA (le Programme international pour le suivi des acquis des élèves, mené par l'OCDE) réalisé en 2022 et qui place la France parmi les mauvais élèves de l'Europe, avec un niveau général en forte baisse. 

Mais pour les syndicats de l'enseignement, la réalité est plus complexe. La baisse de résultats des élèves français s'avère être comparable à celle des autres pays. Et ces résultats demeurent, selon les organisations, très corrélés aux inégalités sociales.

"Oui il y a des difficultés en maths et en français, concède Claire-Marie Féret, mais il y a mille et une façons de les résoudre. Aucune étude n'a prouvé l'efficacité de l'homogénéité du niveau des classes pour faire progresser les élèves. Au contraire. Par contre, toutes les études montrent que plus de 30 élèves par classe, cela n'est pas propice à un apprentissage de qualité. C'est de moyens humains dont a besoin à l'école publique française", conclut la syndicaliste.

En Normandie, comme ailleurs en France, la mobilisation des enseignants contre cette réforme va d'ailleurs continuer. De nouvelles journées d'action sont prévues ce mercredi 3 avril et ce jeudi 4 avril. 





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