Coronavirus : la foi chrétienne à l'épreuve du confinement

Deuxième dimanche de confinement pour tous les chrétiens de France. Deuxième semaine sans le rendez-vous dominical de la messe. Mais pas de quoi ébranler la foi des fidèles. Les paroisses normandes redoublent d'inventivité pour maintenir le lien avec leurs ouailles, malgré la distance.

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11h. "Merci d'avoir attendu la fin de la messe pour notre entretien téléphonique. C'est un rendez-vous très important pour moi. Et celle-ci m'a vraiment fait du bien. Je me sens requinquée."

Ces premiers échanges avec Anne-Laure Chrétien, une catholique pratiquante à la paroisse rouennaise de Sainte-Marie des Nations, auraient été tout à fait anodins si nous n'étions pas, ce dimanche 29 mars, en plein confinement.  

Une messe retransmise en direct sur Youtube

Et vous l'avez compris, fidèle à son rendez-vous dominical, elle vient effectivement d'assister à la messe du prêtre de sa paroisse, le père François-Xavier Henry... grâce à Youtube !

Confinement et interdiction de rassemblement obligent, le curé de Bihorel-Hauts de Rouen a sauté le pas : smartphone, trépied et matériel de son sous le bras, il s'est improvisé vidéaste amateur sur le réseau social et y diffuse tous les jours une retransmission en direct de ses offices religieux. En moins de deux semaines, la chaîne Youtube a déjà reçu plus de 700 abonnés
 
"Ne plus pouvoir communier ensemble avec les autres paroissiens, c'est un manque, une souffrance, soupire Anne-Laure Chrétien, heureusement grâce aux vidéos du père Henry nous avons pu créer une nouvelle forme de communion, en étant tous derrière nos écrans au même moment. Alors bien sûr, nous ne pouvons plus recevoir l'eucharistie, le corps du Christ, mais c'est une nouvelle façon d'exprimer notre foi qui fait partie de notre apprentissage en tant que chrétien", raconte-t-elle avec optimisme. 

"Redonner au Christ sa juste place dans le quotidien"

Une incompatibilité entre réseaux sociaux et spiritualité ? Que nenni pour Anne-Laure Chrétien, "cela nous recentre sur l'essentiel au contraire. Cela nous a permis de nous rappeler qu'on ne se déplace pas à la messe seulement pour voir les paroissiens et les bons copains à la fin de l'office. On y va pour faire la rencontre du Christ." Heureuse incidence du confinement, son temps libre lui a ainsi été propice à "redonner au Christ sa juste place dans le quotidien". 


Sans entamer son naturel enthousiaste, ayant fait sienne la maxime "un Saint tristre est un triste Saint", la période morose de l'épidémie n'épargne pas pour autant l'empathie de cette mère de famille : "j'ai plein de questions à adresser au Christ. Pourquoi cette épidémie ? Pourquoi tant de souffrances ? Des questions qui restent évidemment.. sans réponse.

Crise du coronavirus et fêtes de Pâques

C'est sans doute pour en donner à ses paroissiens, des réponses, que le père François-Xavier Henry a redoublé d'efforts et de créativité en investissant les réseaux sociaux.

"Cette crise sanitaire intervient dans le calendrier chrétien au moment du Carême, qui précède Pâques. Elle donne une coloration particulière aux textes liturgiques de Pâques qui nous parlent de la mort du Christ mais surtout de la vie qui est plus forte que la mort, avec sa résurrection. Et cela peut nous donner des réponses sur ce que nous vivons actuellement", rassure le prêtre.

Jamais l'abbé ne se serait vu abandonner ses brebis dans une telle période. Il a même mis un point d'honneur à continuer de les faire rire pour dédramatiser la situation, comme lors de cette messe du 26 mars, diffusée en direct... au milieu d'un enclos de chèvres, dans une ferme des environs rouennais. Et à l'homme de foi de conclure :

Cela fait 2 000 ans qu’il y a des prêtres et 2 000 ans qu’il y a des épidémies en Europe. Mon rôle est de permettre à mes fidèles de pouvoir continuer à entendre résonner la voix de Jésus dans leur vie. Et je continuerai de le faire avec les moyens que la technologie me donne aujourd’hui.

"Il arrive à nous sortir de la peur et de la désespérance" 

"Avec lui, on se surprend à rire malgré la période", glisse Céline (pour des raisons de devoir de réserve dû à son métier de fonctionnaire, nous ne divulgons pas son nom de famille), une autre de ses paroissiennes, il arrive à nous sortir de la peur, de la désespérance par rapport à la situation."

Cette célibaire de 41 ans, "spontanément méfiante à l'égard des réseaux sociaux, avec leur côté voyeuriste et intrusif", s'est mise activement à prendre et donner des nouvelles des paroissiens via l'application Whatsapp ainsi qu'à faire des messes retransmises sur Facebook et Youtube, des rendez-vous réguliers avec sa foi : "Quand chacun de nous se tourne vers l'écran, il se passe quelque chose, nous devenons une partie d'un même corps, la communauté des croyants.

Céline a même invité d'autres croyants, des proches vivant à l'étranger (Sénégal et Canada), à s'abonner à la chaîne Youtube du père Henry pour y suivre les messes. Elle espère d'ailleurs que ces diffusions à distance continueront après le confinement, "notamment pour les personnes malades, ou ne pouvant pas se déplacer.

"C’est pas parce que je suis croyante que je suis une 'super woman' "

Un lien maintenu avec la communauté, mais aussi une forme de refuge. Rose-Anne Hotteville a 75 ans. Elle pratique, elle aussi, à la paroisse du père Henry. L'onde de choc de la crise du coronavirus a éveillé chez elle, une forme d'inquiétude. 

"Un soir je me suis dit 'j’ai peur pour les autres, ma famille, mes amis, pour moi-même aussi. Peur d’être malade, de mourir, confie-t-elle. Alors j’ai pris mon chapelet, j’ai commencé à prier. Et cela m’a complètement apaisée. Mais cela n’empêche pas que j’ai eu la trouille et j’ai toujours la trouille, retorque la retraitée. Ce n'est pas parce qu’on a la foi qu’on est supérieur, et qu’on vit les choses simplement. C’est pas parce que je suis croyante que je suis une 'super woman' ".
Veuve depuis quelques années, Rose-Anne Hotteville a trouvé dans cette communauté religieuse un réel soutien, alors "prendre aussi soin d'eux en retour, c'est essentiel". 

Même son de cloche à la paroisse de Saint-Michel dans le village d'Eu, dans le nord de la Seine-Maritime. Le 26 mars, au vu des circonstances, le prêtre Philippe Maheut a même choisi de partager sur le site internet de sa paroisse un court extrait Youtube du film Don Camillo, en guise d'homélie. 
 
Un clin d'oeil à la situation que connaît le pays actuellement, mais là aussi une manière de maintenir le lien malgré la distance avec ses fidèles qui le savent plein d'humour mais aussi de responsabilité.

"Ma préoccupation principale, c’est de ne perdre personne" 

Les dernières paroles de la vidéo, "je garde la maison", sonnent comme un message : vaille que vaille, il continuera à veiller sur ses fidèles : "ma préoccupation principale, c’est de ne perdre personne, explique Philippe Maheut avec solennité. Notamment les personnes isolées. Je passe des matinées entières au téléphone pour cela." Une manière pour le curé de pallier l'absence des fidèles dans son église.

Pour l'homme d'Eglise, les réseaux sociaux sont un bon outil mais on ne peut pas compter que sur eux, car beaucoup de ses fidèles n'ont pas accès à Internet.

"Je suis plutôt à la recherche de gestes forts. Par exemple pour le dimanche des Rameaux, on ne va pas pouvoir bénir le rameau avec tout le monde dans l’Eglise comme nous avions l'habitude de le faire, regrette Philippe Maheut. Donc je souhaiterais le faire depuis une petite chapelle dans les hauteurs du village. Et que tous les fidèles le fassent en même temps depuis chez eux. Cela serait symboliquement fort.

Le téléphone comme arme contre l'isolement

Ses paroissiens ont, eux aussi, redoublé d'effort pour continuer de faire vivre la communauté. Jeannine Cornet, 71 ans, passe une grande partie de ses journées au téléphone : "c’est ma mission de conserver le lien. Tous les jours j’essaye d’appeler le plus grand nombre de personnes. J’essaye de constituer des toiles d’araignées, que les gens que je contacte en contactent d’autres.
Angoissée, "comme chacun", par la situation liée au coronavirus, cette retraitée tente de voir dans cette crise une épreuve à surmonter, avec une leçon à retenir :

Peut être que Dieu nous invite à regarder la vie autrement, à repenser l’évolution de nos sociétés, le manque de fraternité internationale.
 

"L'expérience du manque" pour ressortir grandis

Jérôme Briet, un autre paroissien à Eu, se veut lui plus optimiste pour la suite : "Avec le confinement, on fait l’expérience du manque de manière prolongée, quand on retournera à l’organisation normale, on va tous être heureux de retrouver notre paroisse, notre curé, notre messe dominicale".

Et de poursuivre :

L’expérience du manque aura redonné de la saveur à ce que nous vivrons par la suite
 

Même si le confinement était amené à durer des mois, le quarantenaire s'armera de patience... et de créativité : "on inventera des nouvelles choses avec Skype, Whatsapp ou les autres réseaux sociaux". 
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