Greenpeace France a déposé un recours contre le décret autorisant les travaux préparatoires pour l’implantation de deux nouveaux réacteurs EPR2 à Penly (Seine-Maritime). L'organisation dénonce des irrégularités dans le processus, pointant des lacunes dans l’étude d’impact environnemental et une stratégie gouvernementale visant à accélérer la construction de nouvelles installations nucléaires malgré les risques pour l’environnement et la biodiversité.
Greenpeace France, le Réseau “Sortir du nucléaire” (RSDN), et le collectif "Stop EPR ni à Penly ni Ailleurs" ont déposé un recours contre le décret autorisant les travaux préparatoires à la construction de deux nouveaux réacteurs EPR2 sur le site de Penly (Seine-Maritime).
Des irrégularités du projet dénoncées
Les organisations dénoncent des irrégularités dans ce projet, rendu possible par la loi dite “d'accélération du nucléaire”. Le 3 juin 2024, le gouvernement donne son feu vert à EDF pour engager les travaux préparatoires des deux futurs réacteurs de nouvelle génération EPR2 prévus sur la centrale nucléaire de Penly, selon un décret du 3 juin paru mercredi au Journal officiel.
Les travaux préparatoires sont principalement situés sur le territoire de la commune de Petit-Caux, face à la Manche. EDF les a commencés début juillet, ils devraient durer trois ans et demi.
Déroctage de 5 millions de mètres cubes de falaise
"Plus que de 'travaux préparatoires', il s'agit du début de travaux de grande envergure, puisque le programme des travaux inclut notamment le déroctage de la falaise (5 millions de mètres cubes), la création d'une emprise de 20 hectares sur le fond marin, des excavations, le terrassement et la construction des premiers ouvrages souterrains, la création d'un système de traitement des eaux usées, etc", dénonce Greenpeace dans un communiqué.
Greenpeace conteste notamment la dissociation entre ces travaux et ceux de construction du "noyau nucléaire", introduite par la loi de 2023. Selon Pauline Boyer, ingénieure, experte en nucléaire et chargée de campagne Transition énergétique à Greenpeace France, cette stratégie rend plus difficile l’arrêt du projet, même si des problèmes sont relevés lors de l’examen des autorisations restantes.
"Le gouvernement français continue dans la relance du nucléaire à marche forcée, en application de la loi dite “d’accélération nucléaire”, en faisant fi du coût environnemental et des risques économiques, industriels et nucléaires liés à la construction de réacteurs.", ajoute-t-elle.
Le gouvernement et EDF jouent un jeu dangereux, et à la fin, c’est toujours la population qui trinque en assumant les risques économiques et industriels.
Pauline Boyer, ingénieure, experte en nucléaire et chargée de campagne Transition énergétique à Greenpeace France
Les travaux ont début "malgré des lacunes"
Les organisations soulignent également des lacunes dans l’étude d’impact environnemental initiale, que l’Autorité environnementale (AE) avait relevées dès novembre 2023. Les travaux ont débuté malgré ces lacunes, et EDF n’a pas soumis à nouveau l’étude après avoir complété le dossier.
Pour Lisa Pagani, juriste du RSDN : "EDF n'a désormais besoin que d’une autorisation environnementale pour entamer les travaux préparatoires nécessaires à la construction de ses réacteurs EPR2. Pourtant, à ce stade, rien ne prouve la faisabilité technique et financière de ce projet. Cette situation est d’autant plus problématique qu’aucun plan de remise en état des lieux n’est prévu à Penly si le projet n’aboutit finalement pas et que nous attendons encore l'adoption d'une stratégie énergétique pour les dix prochaines années."
En parallèle, des questions soulevées par le public lors du débat public restent sans réponse, près d’un an et demi après sa clôture, ce qui, selon Greenpeace, contrevient à la convention d’Aarhus sur la transparence et la participation publique.
Greenpeace et les organisations estiment enfin que le projet pourrait violer le code de l’environnement, notamment en perturbant des espèces protégées. "Ces travaux sont l’assurance d’une destruction précipitée de terres et de fonds marins au regard du contexte actuel", poursuit Lisa Pagani. Bien que le projet soit présumé répondre à un impératif d’intérêt public majeur, cette présomption est jugée inappropriée par les organisations anti-nucléaires.
Les organisations continuent de manifester contre le projet. Un nouveau rassemblement est prévu cimanche 13 octobre à 11h sur la plage de Saint-Martin en Campagne, face à la centrale nucléaire.