Le littoral normand est souvent le théâtre de traversées risquées de migrants qui souhaitent rejoindre l'Angleterre. Cette année les tentatives de départ sont moins nombreuses, mais toujours aussi désespérées et dangereuses. Rencontre en bord de Manche avec les autorités maritimes et les sauveteurs en mer, qui oeuvrent pour les secourir.
Patrice Philippe arpente la plage de Petit-Caux, en Seine-Maritime, le regard imprégné par ses souvenirs. Ce jour-là, la mer est relativement calme, mais il sait, pour bien la connaître, comme elle peut être capricieuse et dangereuse.
Le maire sans étiquette de cette petite commune située le long de la Manche, au nord de Dieppe, a déjà vécu trois tentatives de traversée de migrants.
"Humainement, ce n'est pas facile"
Ces expéditions se sont à chaque fois déroulées la nuit, et toutes les trois soldées par un échec. Le maire en garde aujourd'hui encore des images frappantes.
"Elles m'ont toutes marqué. Lors de la première traversée, il y avait une soixantaine de migrants, avec des bébés, des personnes âgées, une femme enceinte... Humainement, ce n'est pas facile", reconnaît Patrice Philippe.
"La troisième s'est passée sur cette descente en béton qui rejoint la mer. Le bateau a eu un problème, et ils sont restés coincés à 100 mètres du bord, prêts à sombrer. Ils criaient, mais on ne pouvait rien faire", se remémore l'élu.
"On commence à voir des départs plus au sud"
Depuis janvier 2023, les tentatives de traversée de la Manche sont moins nombreuses que les années précédentes. Du côté de Calais, dans le nord de la France, elles sont même en baisse de 25% par rapport à l'an dernier.
Mais elles concernent tout de même 30 000 migrants, dont certains candidats au départ ne reculent devant rien. "On commence à voir des départs plus au sud, donc vous imaginez ces gens qui partent du sud dans des embarcations qui ne sont pas de meilleures qualités ?", déplore Marc Véran, vice-amiral d'escadre, et préfet maritime de la Manche et de la mer du Nord.
Plus le chemin est long à parcourir pour atteindre la Grande-Bretagne, et plus ces embarcations vont faire naufrage rapidement. Elles n'atteindront même jamais les eaux britanniques
Marc Véran, vice-amiral d'escadre, et préfet maritime de la Manche et de la mer du Nord
L'Angleterre n'est qu'à 130 kilomètres des côtes normandes. Mais les migrants n'ont pas d'autres solutions que de prendre le risque de ces hypothétiques voyages. Embarquer clandestinement sur un ferry est devenu presque impossible tant les contrôles sont rigoureux. Quant aux tentatives sur de petites embarcations, elles sont anecdotiques, et ne concernent qu'une ou deux traversées par an.
Des opérations de sauvetage délicates
Mais pour les sauveteurs en mer, ce sont toujours des opérations délicates. Il faut éviter que la panique ne s'installe pendant le sauvetage, et que l'opération de secours ne se transforme en naufrage.
"Quand ils montent à bord, il ne faut pas les rattraper sur le côté, sinon ils vont tous s'agripper et faire chavirer leur bateau. Il faut les secourir par l'arrière et au fur et à mesure, voir rapidement aussi si certains sont en hypothermie. Tout est fonction aussi de l'état de la mer" explique Philippe Brouard, le président de la SNSM (Société Nationale de Sauvetage en Mer) de Dieppe.
En Normandie, il est surtout question de départs infructueux, le dernier datant de la semaine dernière. Trois migrants ont été abandonnés par leur passeur, et bloqués par la marée sur une plage près de Dieppe.