Deux ans après l'assassinat du professeur Samuel Paty en 2020, les hommages se multiplient dans les écoles, collèges et lycée de France. Au lycée Pablo Neruda à Dieppe, un hommage autour des mots et de la musique avait lieu ce lundi matin.
Le 16 octobre 2020, à Conflans-Sainte-Honorine, le professeur d’histoire-géographie Samuel Paty était décapité devant son collège pour avoir montré des caricatures de Mahomet à ses élèves. Deux ans plus tard, les établissements scolaires sont invités par le ministre de l’éducation nationale à lui rendre hommage, en organisant "une minute de silence, un échange ou une séquence pédagogique".
Il est un peu plus de neuf heure du matin ce lundi 17 octobre au lycée Pablo Neruda de Dieppe. Quelques minutes avant l’hommage qu’il a coorganisé avec le personnel éducatif, Marek, jeune élève de première s’assure que les décors et les participants sont bien en place. Sur l’écran installé au milieu de la grande salle qui recevra les élèves, c’est le diaporama qu’il a confectionné pour l’hommage à Samuel Paty de son établissement, qui sera diffusé.
« Le fait d’y mettre une part de moi, c’est une façon de remercier l’école de m’avoir appris ces notions de vie en société. »
Marek Gautrot Rouillon, élève de première
Comme beaucoup de jeunes de son âge, il se questionne sur la place de la laïcité à l’école, "il faut l’imposer, mais pas trop, il faut un minimum de barrière pour éviter les conflits entre élèves pour des histoires de religion". A travers ce type d'évènement, il voit le moyen de rappeler les valeurs de la République "on nous répète que la France, c’est beaucoup d’égalité, de fraternité et de liberté. C’est important d’appliquer ces valeurs à des évènements comme celui-ci. Mettre une part de moi-même dans cet hommage, c’est une façon de dire merci à l’école de m’avoir appris ces notions de vie en société".
A Dieppe, un rassemblement autour des mots et de la musique
Il est bientôt neuf heure trente. Presque tous les élèves de l’établissement sont présents, et ne forment qu’une seule et même classe ce matin. Ici, pas de minute de silence. C’est autour d’un discours de la directrice du lycée, d’un poème écrit par une professeur documentaliste et de l’hymne national revisité par le chanteur Abd Al Malik, que tous se recueillent.
C’est la professeur documentaliste de l’établissement, Karine Day qui est à l’origine du poème qui a animé l’événement. Un défi d'écriture lancé par l’un de ses élèves qu’elle n’a pas hésité à relever. "J’écris beaucoup. Au bout de cinq minutes, j’avais la première strophe en tête". Un exercice pas si facile que ça pour la professeure qui a appris à doser le poids des mots. "Il fallait de l’émotion mais pas trop : il fallait pouvoir lire sans pleurer. Mais il ne fallait pas rester que dans l’émotion : il fallait que transparaissent les valeurs de la République.".
"J'ai des parents profs, ça pourrait être eux"
Olivier Girard, élève de terminale
A ses côtés pour lire le texte, Olivier, l’élève qui l’a mise au défi d’écrire ce poème, particulièrement touché par la démarche de l’hommage pour le professeur. "J’ai des parents profs, ça pourrait être eux. C’est important de se souvenir de cet acte, et de s’en servir pour expliquer aux générations futures la laïcité en France".
"Evincer les dogmatismes, rejeter les fanatismes… écrivons à l’encre sur nos classeurs, la mémoire d’un professeur." Après la dernière phrase du poème, ce sont tous les élèves en cœur qui applaudissent, juste avant d’écouter une version contemporaine de la Marseillaise, interprétée par le chanteur Abd Al Malik.
Pour les élèves présents, il est l’heure de retourner en classe, sous l’œil bienveillant de Sophie Hébert, la directrice de l’établissement. Selon elle, un tel hommage est important dans la mesure où il s’inscrit dans le devoir de mémoire. Il est également important dans la mesure où il est parfois difficile de faire respecter la laïcité à l’école. "Nous avons régulièrement des rappels à faire sur ce principe-là, notamment sur le fait de porter ostensiblement des symboles religieux, sans que cela soit excessif".
Une hausse des signalements concernant les atteintes à la laïcité à l'école
A l’échelle nationale, le ministère de l’éducation nationale a par ailleurs fait état d’un nouveau bilan sur les atteintes à la laïcité à l’école : près de 300 signalements ont été faits en septembre dernier. Ces remontées de terrain confirment "une hausse des signalements" selon le ministre Pap’N’Diaye, qui affirme rester attentif et vouloir être très transparent sur ces alertes "des données très précises seront publiées par le ministère début octobre".