Colette Privat, ancienne maire de Maromme, conseillère générale et députée communiste, est décédée à 95 ans dans la nuit du 6 au 7 avril. Professeure de lettres, elle a défendu toute sa vie la cause des femmes et des ouvriers. Portrait d'une femme libre, engagée, et fidèle à ses idées.
Certaines personnes lorsque vous les rencontrez, laissent en vous des images persistantes. C'était le cas de Colette Privat dont nous avions fait le portrait en juin 2015. Rencontrer Colette Privat, c'était se confronter à 90 ans d'histoire, parler d'engagement, de fidélité à ses idées, de fraternité. Une vie riche qu'elle a partagée avec son frère d'armes et grand amour Robert Privat. Militante communiste elle a mené de front une carrière locale et nationale, et sa passion pour les lettres modernes et classiques à travers l'enseignement.
Construire un monde nouveau
Avant d'être une Privat, Colette est née Moat le 14 novembre 1925 à Paris, dans une maternité de la rue des volontaires ! Elle est proche de ses deux soeurs et son enfance est douce malgré les privations de la guerre. Son père disparait alors qu'elle est adolescente, et avec lui les seules ressources de la famille. La jeune femme va se démener pour poursuivre ses études, et sera élève au lycée Fénelon en khâgne et Hypokhâgne. Une scolarité exemplaire, qui la mènera jusqu'à l'agrégation de lettres modernes et classiques. "J'ai eu une chance inouïe dans ma scolarité, chance qui m'a poursuivie toute ma vie" nous avait-elle confié.
En suivant les cours de l'université populaire à Paris, Colette découvre le marxisme, le léninisme, et l'histoire. "Alors là c'est une révélation. L'idée de construire un monde nouveau, heureux, où il n'y aurait plus de misère, de pauvres, de guerre...toute une image idyllique du bonheur, ça me convenait bien ! Et puis l'idée qu'on pouvait participer, qu'on ferait l'histoire avec les nôtres, et ce parti qui était très influent et très convaincant".
C'est aux Jeunesses Communistes en 1946 que Colette rencontre Robert Privat. C'est une intellectuelle, lui est issu du milieu ouvrier. Ils passeront toute leur vie ensemble et auront trois enfants.
L'engagement
Colette Privat votera pour la première fois en 1947. "Ca m'a fait plaisir ! Je n'avais pas oublié que c'était une revendication très ancienne du parti communiste le vote des femmes !". D'électrice elle devient aussi éligible, et les mandats ne tarderont pas à s'enchainer. Nommée professeure de lettres au lycée Jeanne d'Arc à Rouen, la parisienne s'exile à contre coeur. Sa rencontre avec Roland Leroy, le secrétaire de la fédération communiste de Seine-Maritime, va pourtant sceller son destin politique. "On m'a tout de suite confiée des responsabilités importantes, j'ai été élue au bureau fédéral du parti au bout de trois ans de ma présence ici".
Colette Privat est élue deux fois députée de Seine-Maritime (de 1967 à 1968, et de 1978 à 1981), et sera la première femme élue conseillère générale du département -canton de Maromme- en 1967. Elle sera réélue cinq fois, et exercera cette fonction jusqu'en 2004. Elle est aussi élue maire de Maromme en 1977, et réélue jusqu'en 1998. "Les hommes m'ont tout à fait bien considérée. Petite nuance, si j'avais été ouvrière du textile, je ne suis pas sûre que j'aurais eu la même considération. J'étais la seule à avoir un niveau universitaire, ce qui n'est plus vrai maintenant, mais à ce moment là oui." "Au conseil général, ça a été des batailles très lourdes pour essayer de sauver le textile et les chantiers navals. On s'est aussi battus pour un lycée dans la vallée du Cailly. Lecanuet disait que les enfants de la vallée du Cailly n'avaient pas d'appétence pour l'enseignement long ! Tu vas voir s'ils n'ont pas d'appétence!! Alors on s'est battus, ça a été une grande et belle bataille".
(Erratum : Colette Privat était conseillère générale et non régionale comme dit par erreur dans ce reportage)
Les militants communistes Aline et Jean-Yves Flaux que nous avions rencontrés à l'époque, se souvenaient alors de Colette comme d'une égérie. "Depuis mes 7, 8 ans j'entendais parler de Colette Privat dans la vallée du Cailly. Une femme, une femme qui faisait de la politique, une femme communiste qui défendait la classe ouvrière. Quand elle a été élue députée, pour la classe ouvrière de la vallée, c'était une égérie, à la fois politique et affective" nous expliquait Aline Flaux. "Colette c'était aussi la culture, les arts, comme le salon du livre, elle voulait développer la culture et la faire partager" poursuivait Jean-Yves Flaux.
Toute une vie passée au service des autres, et rendue possible par le soutien de ses proches. une vie toute simple d'après son mari Robert Privat. "Une conviction profonde pour des raisons philosophiques, et puis la ténacité ancrée sur les convictions...tout simple !". Le couple a refusé les honneurs, légion d'honneur pour elle, médaille du mérite pour lui. "On a fait aussi bien qu'on a pu ce qu'on avait à faire, ça nous a demandé aucun sacrifice, aucune soufrance, rien qui le justifie. Je trouve ça drôle de donner aux élus simplement parce qu'ils ont été convenables dans leurs mandats".