Farzana Nawabi, réfugiée Afghane : "les jeunes filles sont privées d'éducation et sont mariées de force"

Farzana, réfugiée Afghane à Rouen, a fui son pays après la prise de Kaboul par les talibans le 15 août 2021. L'artiste a eu une belle enfance dans cette capitale devenue un enfer où l'on prône la charia et la soumission totale des femmes. En cette journée internationale des filles, elle témoigne.

Le 15 août 2021, Farzana Nawabi, travaille à Kaboul, elle est en pleine préparation d'un événement caritatif. Les talibans sont aux portes de la ville. Elle le sait mais "la vie continue"... jusqu'à ce moment où le président afghan Ashraf Ghani fuit le pays « pour éviter un bain de sang » et reconnaît la victoire des talibans: "ils ont gagné, je n'y croyais pas".

En quelques heures, ce jour-là, la vie de la jeune femme, qui vient d'avoir 18 ans à l'époque, bascule. Les talibans entrent dans la capitale afghane, ils scellent leur retour au pouvoir, deux décennies après l’avoir perdu, en s’emparant du palais présidentiel. Farzana est originaire de la province de Kaboul où elle vit avec sa famille. En rentrant chez elle, elle réunit rapidement ses papiers et quelques affaires. Avec son père, ils se rendent à l'ambassade de France en Afghanistan pour fuir. Tous les deux sont artistes et ils comprennent que s'ils restent, leurs jours seront comptés : "les talibans ne nous auraient pas épargnés, ils n'ont aucune pitié, la seule façon de continuer à vivre avec mon art était de partir, tout quitter" explique-t-elle la gorge serrée, l'épreuve encore vive dans son esprit.


Réfugiée à Rouen

Elle est une chanteuse et comédienne reconnue dans son pays et durant dix jours, elle assiste au chaos dans son pays natal avant de pouvoir monter à bord d'un avion direction Paris. Sa mère, ses frères et sœurs partent pour l'Albanie avant de finalement rejoindre Farzana et son père en France. La jeune femme, âgée de 20 ans aujourd'hui, vit désormais à Rouen et de son art. Mais ça n'a pas toujours été facile : "c'était très difficile pour moi de me retrouver dans un autre pays après une vie où j'ai toujours travaillé et je me suis battue pour être reconnue dans mon métier. J'ai même connu la gloire et là il faut tout recommencer".

La France a été l'un des premiers pays à accueillir les artistes afghans : "les français sont supers, ils aiment l'art. Beaucoup ne savaient pas que nous pouvions être artistes, ils nous aident, nous encouragent, on de la chance". Et surtout elle est une femme libre : "je profite de cette liberté, du droit que j’ai sur mon corps, je suis reconnaissante".

Une enfance heureuse

En effet, Farzana chante et est actrice depuis sa plus tendre enfance. Elle a fait des études, suivi des cours de théâtre et de chant. L'Afghane a toujours eu "une vie normale".

Après l’invasion américaine, en 2001, qui a permis d’évincer les talibans du pouvoir, l’éducation des femmes est devenue le symbole de la réussite de la mission. Des millions de filles ont alors revêtu un uniforme. Aujourd’hui, la moitié des Afghanes âgées de 15 à 24 ans savent lire. Le taux d’alphabétisation est deux fois plus élevé qu’en 2000 : "j'ai adoré mes années scolaires, j'adorais apprendre, j'adore lire" confie-t-elle avec le sourire.


Et même si elles sont bien moins présentes sur le marché du travail que dans la majorité des pays, un nombre croissant d’Afghanes occupaient des fonctions gouvernementales, de magistrature ou bien médiatiques. Plus d’un quart des sièges parlementaires du pays (qui compte 39 millions d’habitants) étaient même réservés aux femmes. Avant la reprise de Kaboul, les Afghanes étaient parvenues à arracher quelques libertés dans le pays qui était resté très conservateur. Mais aujourd'hui, les femmes et les filles n'ont à nouveau plus de droits : "nous avons toujours été victimes des pensées des oppresseurs. Nous devons nous battre pour les filles et les femmes d'Afghanistan. Elles ont le droit à la liberté de travail et de vie. Elles ont le droit de vivre" lance-t-elle. Le groupe fondamentaliste islamiste revendique une application rigoriste de la charia ainsi qu’une soumission totale des femmes en leur imposant, par exemple, la burqa.

Les jeunes filles privées d'éducation et des mariages forcés

Le 23 mars 2022 devait marquer le grand retour des jeunes Afghanes dans les collèges et lycées depuis la prise du pouvoir par les talibans. Mais ces derniers changent brutalement d’avis, quelques heures à peine après leur réouverture: "vous imaginez, pour beaucoup ça sonnait comme une lueur d'espoir mais là c’était comme les enterrer vivantes ou couper les ailes d’un oiseau". Des conditions pour les filles qui l'a mette en colère : "comment peut-on, à notre époque, leur faire subir tout cela ? Elles ne sauront ni lire, ni écrire, ça me révolte". 

Privées d’éducation, les jeunes filles sont aussi davantage menacées par les mariages forcés : "certaines familles offrent des filles d'à peine quelques jours à un futur mariage en échange d’une dot, c'est terrifiant". Un choix désespéré de la part des familles face à la pauvreté : "quand je vois l'enfance que j'ai eu et l'enfance que les filles ont aujourd'hui là-bas, ca me fend le cœur" ajoute-t-elle. 

La jeune femme veut dénoncer l'enfer de Kaboul :

c'est injuste ce qu'il se passe, j'aimerais que les filles et les femmes soient libres, qu'elles étudient, qu'elles vivent en paix. J'aurais voulu rester sur place, continuer mes rêves mais ils se sont brisés !

Farzana Nawabi, réfugiée afghane

Farzana se produit sur scène en Normandie et en France. Elle fait partie d'un collectif d'artistes afghan(nes). Elle a chanté et joué à plusieurs reprises pour raconter le déchirement du départ, l’angoisse de trouver un pays d’accueil, la peur pour la famille et les proches restés là-bas. 

Elle continue à se produire pour raconter le chaos en Afghanistan, témoigner de cette vie sans droits pour les filles et les femmes afghanes qui ne peuvent pas le faire : "je suis dans un pays où la liberté d’expression existe encore, il faut que l’on résiste aux talibans, il faut que l’on continue à aider les gens qui sont restés en Afghanistan et que ne peuvent plus s’exprimer librement".

Et il n'y a pas un jour où la jeune femme ne pleure pas en pensant à ce pays où elle a grandi :"mon peuple, mes amis, ma maison me manquent. Je suis physiquement en France mais mon âme est restée là-bas". Elle espère repartir, un jour, chez elle. Mais en attendant, elle compte bien, continuer à se battre pour ses rêves. 

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