Comme à l'époque des boucanes, après un accord entre deux entreprises familiales, des harengs de pêche et de qualité française sont à nouveau transformés à Fécamp.
Entre Le Havre et Dieppe, Fécamp fut pendant des siècles un grand port de Terre-Neuvas spécialisé dans la pêche à la morue. Un autre poisson a fait la fortune de Fécamp : le hareng. Si au XXe siècle l'activité de pêche est devenue moins importante et plus saisonnière que celle de la morue, la transformation du hareng a fait la renommée de la ville avec nombre d'entreprises de saurisserie. Là on où l'on produisait des harengs "saurs".
Ces entreprises de salaisons employaient de nombreuses femmes qui, dans des bâtiments situés près des bassins du port appelés "boucanes", vidaient les poissons et en découpaient les filets. Des harengs, qui étaient salés puis montés dans de grandes cheminées pour y être fumés au feu de bûches de bois de hêtre.
Une longue tradition
Ces méthodes traditionnelles existent à Fécamp depuis le 14e siècle. Confrontées à la mise aux normes des techniques de fumage, les boucanes d'antan (qui ont fonctionné jusqu'au début des années 1990) ont été remplacées par des unités et laboratoires modernes. Certaines entreprises ont disparu, d'autres ont déménagé dans des zones industrielles, et l'activité du fumage a été étendue au saumon.
Dans cette spécialité de fumage du hareng, parmi les "maisons" historiques de Fécamp, la société SEPOA, créée en 1936, a maintenu la tradition et le savoir-faire local. Cette entreprise familiale (c'est la 5e génération qui dirige la fabrication !) a fait le pari de recréer une filière 100 % française du hareng.
Pour atteindre cet objectif, les entrepreneurs fécampois se sont associés avec deux partenaires pour que le poisson pêché à l'automne au large de Fécamp (par des marins fécampois) soit transformé à Fécamp puis commercialisé sur le marché français.
Pour alimenter toute l'année les modernes ateliers de transformation avec un poisson entier, parfaitement congelé, calibré et à la fraîcheur inégalée tout en maîtrisant les coûts de production avec des prix compétitifs, une association unit désormais Sepoa-Delgove, l’Armement France Pélagique et Cornelis Vrolijk.
Une alliance et trois partenaires
Avec deux grands bateaux équipés d'unités de surgélation, France Pélagique pêche chaque année dans les eaux communautaires européennes de la Manche un gros volume de poissons qui, faute d'entrepôts frigorifiques adaptés à Fécamp (et dans d'autres ports français), est débarqué aux Pays-Bas dans les locaux de l'entreprise familiale Cornelis Vrolijk.
Dans un entretien accordé fin mars à nos confrères de l'Union Agricole, Geoffroy Dhellemmes, directeur général de France Pélagique, expliquait les raisons de son rapprochement avec les Normands de Sepoa-Delgove pour les approvisionner : "Nous pêchons 35.000 tonnes de poissons par an que nous commercialisons principalement sur des marchés à l'international. Notre souhait aujourd'hui est de faire découvrir nos produits en France et d'améliorer nos pratiques de pêche."
A Fécamp, l'entreprise Sepoa-Delgove, aidée par l'Europe et la région de Normandie, s'est équipée comme a pu le constater sur place notre journaliste Bénédicte Drouet, pour pouvoir transformer les poissons entiers livrés. Un équipement de décongélation et une machine à lever les filets ont été installés.
"Nous, on a investi 120.000 euros pour accueillir cette machine au sein de nos locaux, c’est-à-dire la mise aux normes du bâtiment, les cloisons, la descente en froid…"
On a fait comprendre à nos partenaires qu'il y avait un intérêt d'investir en France sur la base du poisson français"
Lancée en 2018, cette association de l'entreprise fécampoise avec ses deux partenaires a abouti en mars 2021 à la commercialisation des premiers harengs de pêche et de qualité française dans les rayons de deux géants de la grande distribution : Carrefour et Auchan.
Comme ce hareng pêché et transformé en France, d'autres produits de "Pêche Française" sont en projet à Fécamp.