Au Havre, un quinquagénaire pensait avoir donné rendez-vous à une fillette de 12 ans avec laquelle il discutait depuis plusieurs semaines sur internet. Derrière le profil de l'enfant se cachait un membre de l'association "Les Enfants d'Argus" qui lutte activement contre la pédocriminalité.
Ce mercredi 14 avril, à 15h, un homme d'une cinquantaine d'années est interpellé et placé en garde à vue au Havre. Il est soupçonné de pédocriminalité.
Quelques mois plus tôt, ce père de famille avait commencé à discuter sur internet avec une fillette de 12 ans. Il a fini par lui donner rendez-vous, sauf que derrière l'enfant se cachait une petite fille virtuelle dont le profil était géré par un membre de l'association "Les Enfants d'Argus". Cette information a été révélée par nos confrères de France Bleu.
La garde à vue du quinquagénaire a été prolongée.
Qui sont ces "enfants virtuels" ?
En un peu plus d'un an d'existence, l'association "Les Enfants d'Argus" a recruté pas moins d'une soixantaine de membres. Des femmes et des hommes concernés de près où de loin par la pédocriminalité. Certains en ont été victimes dans leur enfance, d'autres sont les parents d'enfants qui ont été abusés sexuellement. "Il y en a certains qui sont guéris psychologiquement parce qu’ils ont pris conscience que des enfants sont abusés tous les jours, c'est pour ça qu'ils s'engagent avec nous" explique Lambert, fondateur des "Enfants d'Argus".
— les enfants d'argus (@Enfants_d_argus) March 4, 2021
Chacun des membres de l'association s'est créé plusieurs profils d'enfants virtuels sur internet. Ils forment un réseau de plusieurs centaines de "faux enfants" qui s'étend sur la France, la Belgique, le Luxembourg et la Suisse. "Ce sont des enfants qui ont entre 10 et 12 ans, ils sont inscrits sur tous les réseaux sociaux" poursuit Lambert.
On leur précise notre âge, mais malheureusement ça devient très vite scabreux dans les conversations.
Les photos de leur profil sont des visages d'enfants qui n'existent pas, des clichés qui ont été totalement retouchés. Quant aux autres, ce ne sont que des photos "soft". Lambert gère plusieurs profils et passe chaque jour bénévolement des heures derrière son ordinateur à tchater avec des personnes de tout âge et de toute catégorie socio-professionnelle : "on ne fait aucune demande d'amis, à chaque fois c'est l'adulte qui vient nous parler et très rapidement on leur précise notre âge mais malheureusement ça devient très vite scabreux dans les conversations".
La collaboration avec les forces de l'ordre
L'arrestation du pédocriminel au Havre a été possible grâce à la réactivité de la police. Depuis un an, l'association est à l'origine d'une vingtaine d'interpellations. Elle sait désormais comment agir : "Dès qu’on sent que le dossier commence à mal tourner, qu’il y a des propositons à caractère sexuel, que la personne envoie des vidéos pornographiques, on prend contact avec la police, la gendarmerie, un magistrat ou le maire de la ville" explique Lambert.
Sur le site internet de l'association et les réseaux sociaux, chaque arrestation d'un pédocriminel présumé est annoncée fièrement. C'est le cas de celle qui a eu lieu au Havre mercredi 14 avril.
A ceux qui reprochent aux membres de l'association de faire justice eux-mêmes, Lambert répond "on est là pour protéger les enfants, pas pour jouer les justiciers masqués. On s'aperçoit que la police n'a pas assez de moyens, pas assez de budget. On estime à environ 25 le nombre de policiers en France qui travaillent sur la pédocriminalité sur internet, c'est ridicule !".
Il ne s'agit pas de chasse, de traque ou de pêche. On forme une barrière entre la pédocriminalité et l'enfant.
Lambert se félicite que les relations avec les forces de l'ordre soient apaisées : "dans la majorité des cas, ça se passe bien, on nous a déjà remerciés d'avoir permis l'arrestation d'un très dangereux pédocriminel".
Les arrestations se font en flagrant délit et bien souvent lors des perquisitions aux domiciles des criminels, les forces de l'ordre retrouvent des images à caractère pédopornographique dans les ordinateurs et saisissent le matériel informatique.
"La justice ne va pas assez loin"
Ces interpellations ont lieu parfois après des mois d'enquête et de travail des bénévoles. Pour eux la plupart du temps, ces criminels ne sont pas assez inquiétés : "le seul risque parfois, c'est qu'ils sortent de garde à vue avec une tape sur les doigts ou qu'ils soient mis sous contrôle judiciaire, mais c'est trop peu. La justice ne va pas assez loin. La seule solution pour un pédocriminel récidiviste, c'est la prison, et il ne devrait jamais en sortir, s'indigne Lambert.
La protection des mineurs en débat à l'Assemblée Nationale
Ce jeudi 15 avril, une loi visant à protéger davantage les mineurs des crimes sexuels est en 2ème lecture à l'Assemblée Nationale. Les députés devraient voter définitivement en sa faveur.
Cette loi vise à ramener à 15 ans le seuil du consentement et 18 ans en cas d'inceste.