Drogue échouée sur le littoral de la Manche: on vous explique le mode opératoire des trafiquants de cocaïne

Ces derniers jours, plus de deux tonnes et demi de cocaïne se sont échouées sur des plages du Cotentin dans la Manche. Mais d'où vient la drogue ? Est-elle tombée accidentellement d'un bateau ou a-t-elle volontairement été jetée par-dessus bord ? On vous explique comment ces ballots ont pu se retrouver sur le littoral normand.

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Des sacs de sports premier prix contenant des pains de cocaïne et reliés entre eux par un système de flottaison. La technique est bien connue des autorités. Mais plus de 2 tonnes de cette substance illicite qui s'échouent sur les plages du Cotentin, à Réville, dimanche 26 février puis quelques jours plus tard, un peu plus au nord, à Néville et Omonville-la-Rogue, c'est quelque chose d'étonnant : "C'est une prise exceptionnelle en Normandie. Retrouver autant de cocaïne dans cette partie de la région, c'est vraiment rare", nous explique Manuela Dona, douanière et secrétaire générale de la CGT au Havre.

Alors forcément les questions suivantes se posent : La cocaïne est-elle tombée accidentellement d'un bateau ou a-t-elle volontairement été jetée par-dessus ? Est-ce même le fruit d'une organisation bien ficelée ?


La route de la cocaïne

La "route de la cocaïne" est bien connue. Généralement, elle part d'Amérique du Sud ou des Antilles pour terminer aux portes de l'Europe dans des ports comme Marseille, le Havre, Rotterdam ou encore Anvers. Mais bien des fois, les bateaux sont contraints de jeter leur marchandise par-dessus bord. "C'est ce qu'on appelle de l'échouage dans l'urgence, par crainte de contrôle, ou quand des douaniers maritimes sont localisés en mer. Quand les trafiquants empruntent certaines voies maritimes sur des plus petits bateaux, ils préfèrent prévenir et attachent donc la drogue à une masse flottante" explique Manuela Dona. Les ballots sont alors arrimés à la coque du bateau et non pas placés à l'intérieur. Ils peuvent donc se décrocher en fonction de l'état de la mer.

Cette douanière en poste au Havre ajoute : "Concernant les ballots trouvés sur les plages normandes, c'est peu probable que ça soit tombé accidentellement d'un porte-conteneur. On n'aurait pas retrouvé les pains de cocaïne équipée de bouées". Les sacs retrouvés ont été fabriqués au Brésil selon l'enquête en cours et proviendraient, potentiellement, de ce pays d'Amérique du Sud.


Un échouage organisé ?

"La drogue a été jetée à la mer lors d'un contrôle inopiné d'un navire ou bien ça été organisé. Plus de 800 kilos qui s'échouent sur la plage de Réville, ce n'est pas rien ! Et toute cette quantité arrive en flottaison, je vois mal le côté urgence". Elle ajoute :

"Il est possible que la drogue ait été mise volontairement à l'eau, je penche plus pour ça".

Valérie Giard, avocate au Havre

France 3 Normandie

En effet, les 800 kilos de cocaïne retrouvés par des promeneurs sur cette plage, dimanche 26 février, étaient répartis en une quarantaine de paquets reliés entre eux et équipés pour ne pas couler. Avec un total de plus de 2 tonnes en comptant la drogue échouée à Néville et Omonville-la-Rogue, la valeur marchande au détail est estimée à près de 150 millions d'euros, selon une source proche du dossier. Une hypothèse, donc, qui pourrait être plausible pour Manuela Dona :

"Vu la quantité, ça donne quand même l'impression que c'est une opération mise en place".

Manuela Dona, douanière et secrétaire générale de la CGT au Havre.

Et si c'est le cas, les narcotrafiquants auraient étudié leur coup : "Dans la Manche, les cargaisons ne peuvent pas être larguées n'importe où. Ici les courants sont très tournants, entre vents, marées et tempêtes en mer. Ils ne prendraient pas le risque balancer ça n'importe où", précise cette dernière.

Si l'on s'en tient à cette option, les sacs de cocaïnes auraient été jetés en mer, sur une courte distance, pas loin des côtes du Cotentin :

"Le courant est étudié pour viser au mieux certaines plages peu fréquentées l'hiver et proche d'un axe routier. Cela facilite la tâche de ceux qui réceptionnent la drogue à terre".

Manuela Dona, douanière et secrétaire générale de la CGT au Havre.

À terre justement, le maire de Réville, Yves Asseline, fait le constat suivant : "Depuis dimanche on a vu pas mal de gens cagoulé circuler sur la plage avec des lampes frontales pour probablement retrouver quelque chose".

Un trafic qui serait donc organisé. Mais impossible de savoir d'où viendraient ces navires : "Ca peut des Îles britanniques, d'Anvers ou de Rotterdam. Vous savez, on a déjà eu des affaires ou par exemple c’est un voilier qui remontait depuis le Maroc, faisait une escale au Portugal en livrant la drogue alors qu'on pouvait penser que c'est un banal voilier qui fait le tour du monde" raconte Manuela Don


Entre Cherbourg et Ouistreham, des voies maritimes moins surveillées

Avec les questions migratoires, les côtes de Boulogne-sur-Mer (Pas-de-Calais) ou de Cherbourg sont très surveillées par les garde-côtes. En revanche, les côtes et plages allant de Cherbourg à Ouistreham sont moins fréquentées par les administrations maritimes. Il y a donc moins de contrôles aériens et en mer : "On manque d'effectifs, donc on ne peut pas être partout. On a une brigade des douanes à Cherbourg, une à Ouistreham mais entre les deux il y a moins de contrôles. On a beau avoir l'expertise, les techniques, mais on n'a pas assez d'hommes".

Alors forcément, les narcotrafiquants sont toujours à la recherche de nouvelles ruses pour faire entrer la drogue en Europe. Pour Manuela Dona : "Ils ont toujours fait preuve d'une grande imagination. Ils sont futés. En Normandie, le port du Havre est depuis un moment sous le feux des projecteurs". Par conséquence :

"Ils trouvent d'autres idées pour notamment détourner l'attention des autorités. Et livrer le long du littoral du Cotentin peut-être, en effet, une nouvelle ruse". 

Manuela Dona, douanière et secrétaire générale de la CGT au Havre.

Les enquêteurs doivent désormais essayer de retracer le parcours de ces sacs. La préfecture maritime de la Manche a affirmé qu'une "surveillance particulière des approches maritimes du secteur du Nord Cotentin était maintenue et assurée par des moyens aériens". 

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