Alors qu'Edouard Philippe revient officiellement comme tête de liste pour les municipales au Havre, quelles pourraient être les raisons de sa décision ? Sont-elles cachées dans l'histoire politique de la ville, avec ses dernières bourrasques destabilisatrices pour la droite, en place depuis 1995 ?
Au Havre, Edouard Philippe est un enfant du pays. Petit-fils de dockers, il a très vite mis ses pas dans ceux de son mentor en politique. Antoine Rufenach, maire UMP, qui avait fait basculer la ville à droite après plus de 30 ans de gestion par le PCF.
En 2010, à trente-neuf ans, Edouard Philippe devient le plus jeune maire d'une ville de plus de 100.000 habitants et il attend, impatient, de se confronter aux urnes en 2014. Après une campagne de terrain, Édouard Philippe y sera élu dès le premier tour, sous l'étiquette UMP (ex-Les Républicains), avec 52% des voix.
En 6 ans de mandat, il aura le temps d'y marquer son empreinte.
Un épisode de tempête dans le bureau du maire dès 2017
Mais son départ pour Matignon en 2017 a signé pour la ville le début d'une période plus cahotique.En choisissant Luc Lemonnier, un fidèle, pour le remplacer, il pensait sans doute laisser son fauteuil entre de bonnes mains mais ce fût au contraire le début d'un cycle de turbulences.
Tout avait pourtant bien commencé et il y a un an tout juste, Luc Lemonnier prenait même en plus la gouvernance de la nouvelle intercommunalité Le Havre Seine Métropole, qui rassemble désormais 54 communes.
Mais un mois après, le 16 mars 2019, le maire du Havre est accusé par plusieurs femmes de leur avoir adressé des photos de lui, nu.
La cité océane est prise dans une tourmente politique, médiatique et juridique.
Le successeur d’Edouard Philippe finit par présenter sa démission le 21 mars 2019.
Il sera remplacé par Jean-Baptiste Gastinne, adjoint au maire et vice président de la région.
Le sort s'acharne-t-il alors sur la Cité Océane ?
Quelques jours plus tard, son directeur de cabinet, Michel Sironneau, un proche du Premier ministre, décéde brutalement dans la mairie.
Des erreurs de gestion qui peuvent coûter cher
L'opposition veut relativiser le bilan positif de l'ex-maire du Havre et s'appuie sur des erreurs de gestion, dénoncées par la chambre régionale des comptes de Normandie.
En cause, la gestion de l’agence de développement du Havre, que le premier ministre a présidée jusqu’en 2017 avant d’être nommé à Matignon.
Au titre de ses anciennes fonctions, Edouard Philippe présidait jusqu’en 2017, avant d’être nommé à Matignon, l’agence de développement économique Le Havre Développement (LHD), créée à l’initiative de la ville du Havre, du port autonome, de la chambre de commerce et d’industrie et de la communauté d’agglomération havraise (Codah).
La chambre a donc contrôlé les comptes et la gestion de l’association pour les exercices 2013 à 2017.
Le rapport, rendu public mardi 14 janvier, avait fait apparaître de multiples défaillances.
Un retour d'Edouard Philippe souhaité par certains
Ces épisodes malheureux alimentent alors sur place, l’hypothèse d’un Edouard Philippe, de retour sur ses terres pour reprendre les rênes et surtout prévenir toute alternance.De fait sur place, ses fidèles soutiens entretiennent ce scénario.
La députée (Agir) du Havre, Agnès Firmin-Le Bodo, n’a «jamais douté» du retour du Premier ministre et se dit prête à se ranger derrière lui, mais aussi à lui offrir ses services.
Au Journal "Libération", elle confie le 15 septembre 2019 :
«Je suis le dernier vrai bébé Rufenacht, juge-t-elle. Je souhaite le retour d’Edouard Philippe, ....pour que la ville ne retombe pas dans le communisme !
Au Havre, le milieu économique aussi ne cache pas non plus sa satisfaction:
Pour Michel Segain, à la tête de l’Union maritime et portuaire du Havre, Edouard Philippe à Matignon ou au Havre, c'est tout bénéfice :
«S’il n’avait pas été Premier ministre, on n’aurait pas eu de politique maritime et portuaire de cette envergure. Et pour l’image internationale du Havre, c’est formidable : il en parle tout le temps, partout !»