"Moment de clarté" ou "candidature précipitée" ? Édouard Philippe divise après son engagement dans la présidentielle 2027

Ce n'est une surprise pour personne, mais c'est désormais officiel : le maire du Havre, Édouard Philippe, sera candidat à l'élection présidentielle de 2027. Ce qui étonne plutôt, c'est le timing de cette annonce, en plein marasme politique lié à la nomination d'un Premier ministre. En Normandie, l'annonce fait vivement réagir, et elle est loin de faire l'unanimité.

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Par la force des choses, il était presque déjà candidat au poste de président de la République depuis son départ de Matignon, en juillet 2020. L'ex-Premier ministre n'a en effet jamais caché ses ambitions élyséennes pour 2027, et surfe depuis quelques années sur une cote de popularité au plus haut, étant régulièrement personnalité politique préférée des Français. 

"Maintenant, les choses sont claires"

Mais depuis ce mardi 3 septembre, c'est désormais officiel : le maire du Havre sera bel et bien candidat pour l'élection présidentielle de 2027. Une annonce officielle écrite noir sur blanc sur le site Internet du Point, au cours d'une longue interview délivrée par le président du parti Horizons.

Au Havre, le fief d'Edouard Philippe, l'annonce ne laisse personne insensible. 

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France 3 Normandie a recueilli l'avis des Havrais à l'annonce de la candidature d'Édouard Philippe à la présidentielle 2027. En plateau, notre journaliste politique Emilie Leconte analyse cette annonce. ©France 3 Normandie

Pour Agnès Firmin-Le Bodo, députée (Horizons) du Havre et son soutien de toujours au sein de la municipalité de la cité Océane comme à l'échelle nationale, il était temps que cette officialisation ait lieu : "Je crois qu’en ce moment, on a besoin de clarté. Et maintenant les choses sont claires. Édouard Philippe sera candidat à l’élection présidentielle de 2027."

Une "candidature précipitée" ? 

Un timing qui ne fait cependant pas l'unanimité. Chez nos confrères de France Bleu Normandie, le député (PS) de l'Eure Philippe Brun évoque une "candidature précipitée". 

Et pour cause, sans Premier ministre ni gouvernement depuis désormais 50 jours, le monde politique français est loin, très loin, de se soucier de cette échéance présidentielle qui se tiendra dans près de trois ans.

Une crise institutionnelle qui fait passer cette annonce de candidature pour quasi hors sujet voire... complètement malvenue.

En ce moment, tout le monde cherche une solution pour que le France ait un gouvernement. Cette annonce de candidature est selon moi profondément malsaine. C'est le symbole qu'Édouard Philippe est plus guidé par ses intérêts personnels que par les intérêts du pays.

Céline Brulin, Sénatrice (PCF) de la Seine-Maritime

Pour la sénatrice, cela va même plus loin. Cette annonce détourne le débat démocratique du moment. "En juin dernier dans les urnes, les Français ont exprimé une volonté de changement, c'est ça l'urgence."

Même son de cloche du côté d'Alma Dufour, députée LFI de la Seine-Maritime : "Il joue l’homme providentiel dans cette période d’incertitude. Mais l’élection présidentielle, c’est dans trois ans. Alors que c’est aujourd’hui que les gens ont des difficultés pour boucler leurs fins de mois, c'est aujourd'hui que les Français veulent sortir de cette crise sociale."

Mauvais timing ou stratégie politique ?

Et si pourtant, tout cela était bel et bien calculé ? Si ce timing apparemment malencontreux était au contraire un choix de la part de l'ancien locataire de Matignon, habitué des manœuvres politiques ? 

C'est l'opinion de Jean-Paul Lecoq, député (PCF) de la Seine-Maritime, et principal opposant d'Édouard Philippe au conseil municipal du Havre. Pour lui, Édouard Philippe ne connaît que trop bien le jeu politique, ses règles et ses subtilités. En bon "stratège", il se positionne, déjà, comme le potentiel sauveur en cas de démission/destitution d'Emmanuel Macron. 

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Jean-Paul Lecoq voit dans l'annonce d'Edouard Philippe une manière de se positionner dans le cas d'une éventuelle destitution/démission d'Emmanuel Macron ©Elodie Do Nascimiento-Goncalves

Pour Bruno Cautrès, politologue et chercheur au CNRS, il est en effet très peu probable qu'un "homme politique expérimenté comme Édouard Philippe ait fait cette annonce à ce moment précis par hasard".

Compte tenu de la volatilité de la situation politique, Édouard Philippe prend date en cas de présidentielle anticipée. À l'heure actuelle, une démission d’Emmanuel Macron est certes très improbable mais elle ne peut pas totalement être exclue avec cette crise institutionnelle qui dure dans le temps.

Bruno Cautrès, politologue et chercheur au CNRS

À droite et au centre, les réactions politiques à l'annonce d'Édouard Philippe se dessinent plutôt en clair-obscur. D'un côté, forcément, les Normands du parti "Horizons" ont tous été très prompts à rejoindre le rang derrière leur chef de file.

Mais ailleurs sur cette partie de l'échiquier politique normand, c'est silence radio. Ne cherchez pas de publications sur les réseaux sociaux de Joël Bruneau, ancien maire (LR) de Caen et désormais député (LIOT) du Calvados, vous n'en trouverez pas.

Contacté, le maire MoDem de Louviers François-Xavier Priollaud, n'a pas donné suite à notre demande d'interview. Hervé Morin, Président (UDI) de la Région Normandie, nous répond quant à lui qu'il ne souhaite pas réagir.

Un faux départ pour la droite ?

Y aurait-il comme un malaise à soutenir Édouard Philippe ? Ou cette annonce de candidature arrive-t-elle tout simplement trop tôt ? Sans doute un peu des deux. Car il faut bien le dire, pour l'heure, la droite se cherche plutôt une place dans le paysage politique.

Les résultats de l'élection législative de juin dernier ont en effet dessiné trois blocs : une union de gauche, la majorité présidentielle au centre et l'extrême droite dirigée par le Rassemblement National.

À l'Assemblée, le groupe de la "Droite Républicaine", très affaibli par le ralliement d'Éric Ciotti au RN, ne dispose que de 47 députés. Il faudra donc jouer des coudes pour garder voix au chapitre.

Pour ce faire, tous les regards sont aujourd'hui tournés vers Xavier Bertrand, qui à l'heure où nous écrivons ces lignes est un candidat sérieux pour Matignon. Pour l'heure, c'est donc sur lui que se portent les espoirs de redorer le blason de la droite.

Mais pour le chercheur Bruno Cautrès, cette annonce d'Édouard Philippe est là encore stratégique, en particulier du point de vue de sa famille politique.

Dans un moment de grande confusion, il plante un drapeau pour parler de son projet, avant que les autres personnalités de droite ne le fassent. Il envoie un message à la concurrence : 'il est déjà au travail et son programme est le plus solide'.

Bruno Cautrès, politologue et chercheur au CNRS

Pour l'instant, parti bien plus tôt que les autres, il est donc, virtuellement, le seul champion de la droite à combattre dans l'arène de la présidentielle 2027. Mais pour Bruno Cautrès, cela vient forcément avec une contrepartie : "Désormais il ne pourra plus faire une interview sans qu'on lui demande des précisions sur les 'mesures massives' annoncées. Il va donc devoir révéler très tôt son programme." 

Reste qu'Édouard Philippe a de toute manière pour habitude de se faire désirer dans les médias, en ne répondant que très rarement aux demandes d'interviews qui lui sont faites. Le maire du Havre n'a d'ailleurs pas souhaité répondre à nos questions dans le cadre de la rédaction de cet article.

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